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ZACHARIE DE LISIEUX — ZACHARIE LE RHÉTEUR


col. 374 ; même narration dans le Continuateur de Frédégaire, t. lxxi, col. 684. C’est à la suite de cette consultation que Pépin, en novembre 751, se fit proclamer roi à Soissons. Pour donner à la cérémonie un caractère religieux, Boniface, selon une coutume qui depuis quelque temps s’était établie en Angleterre, donna au nouveau souverain l’onction sainte. Tel est ce « transfert de la dignité royale » de la première à la seconde race, sur lequel au xiv° siècle s’animeront défenseurs et adversaires du pouvoir du pape en matière temporelle. En fait, le geste de Zacharie n’est en aucune sorte une « déposition » du souverain légitime ; c’est la réponse à un cas de conscience qui lui est soumis. Et ce qui embarrasse l’âme de Pépin, ce n’est point le fait que ses ancêtres et lui aient accaparé le pouvoir souverain ; il y a là une situation de fait sur laquelle il n’est pas question de revenir. Cette situation le pape n’est pas sollicité d’en juger, et, pour autant que nous les connaissions, les termes de sa réponse excluent toute sentence à cet égard. Pépin a tout simplement scrupule de prendre à l’héritier légitime de Clovis le seul bien qui lui reste, tout vide qu’il soit. Mais il lui paraît qu’il y a pour tous des avantages à ce que ce titre passe désormais à celui qui en possède la réalité. Le pape ne fait qu’approuver ce jugement et par le fait délie, en vertu de son pouvoir spirituel, la conscience du prince de tout scrupule. Rien qui ressemble moins à un pouvoir direct s’exerçant sur le temporel. S’il y a lieu de parler d’une action pontificale, c’est tout au plus d’une action ratione peccati.

En définitive les dix années de pontificat de Zacharie s’étaient montrées fécondes ; son action politique en Italie, en Francie, à Constantinople même avait ramené un commencement de paix et permis les débuts d’une réforme de l’Église que la fin du même vme siècle devait voir se réaliser plus pleinement.

Jaflé, Regesta pontiflcum Romanorum, t. i, p. 262. Le Liber pontificalis, éd. Duchesne, t. i. p. 426 ; les textes conciliaires relatifs à l’action de Boniface dans Mansi, Concil., t.xii, et mieux dans Mon. Germ. histor., Leges, i ; Epist., in ; Script., il. — Comme travaux, voir surtout A. Hauck, Kirchengeschichte Deutschlands, 3° éd., t. I, p. 484, et les travaux signalés à l’art. Boniface, t. ii, col. 1007-1008 ; ajouter R. Aigrain, dans Fliche-Martin, Histoire de l’Église, t. v, p. 418 sq., 360 sq.

É. Amann.


ZACHARIE DE LISIEUX, né en cette ville, le 25 mars 1596, de Jean Lambert et de Marie de Cauvigny, entra chez les capucins en 1612. Brillant prédicateur, il est surtout connu par son talent d’écrivain. Ses œuvres peuvent se partager en deux groupes : les œuvres satiriques, les œuvres de spiritualité.

Les premières intéressent peu la théologie. Cependant le P. Zacharie y prend à partie les libertins et les jansénistes. Contre ceux-là, il emploie l’argument augustinien de la vérité et il prétend que nous portons en nous l’idée innée de Dieu. Contre ceux-ci, il se montre mordant sans être pour autant original. Il leur reproche seulement d’être inhumains et de conduire par là les hommes au libertinage.

Les œuvres spirituelles sont au nombre de trois : dans la Philosophie chrétienne, le P. Zacharie a pour but d’exhorter les hommes à sortir du monde, à sortir d’eux-mêmes, à ne point faire état d’une vie malheureuse, à faire état d’une vie pécheresse ; il s’adresse d’abord aux séculiers dont les pratiques sont ordinairement plus matérielles et il leur suggère des pensées qui s’accommodent à leur condition, ensuite aux religieux qui trouveront dans ces pages les plus hauts exercices de la vie parfaite. De l’un à l’autre état, pas de solution de continuité. La contemplation est l’accomplissement normal de l’ascèse. — La monarchie du Verbe incarné n’est point, comme on pourrait l’attendre d’un capucin, consacrée à défendre la thèse franciscaine qui veut que le Christ soit roi des anges et des hommes. Le P. Zacharie se contente de montrer le parallélisme qui existe entre la royauté de Jésus-Christ et celle des princes terrestres. Roi par droit de naissance, élu dans les conseils secrets de son Père, il est sacré par la grâce d’union qui étend à la personne humaine les prérogatives de la personne divine. Sa puissance, il l’exerce sur toute la nature par ses miracles, sur les démons par la croix, sur les âmes par ses sacrements. La sagesse de ce monarque est discrète ; parfois même, on pourrait la mettre en doute ; cependant, pour qui sait voir, elle éclate partout : dans l’eucharistie, dans le choix des ministres, dans l’établissement et la promulgation des lois. Aussi bien faut-il se ranger dans les armées de ce monarque. C’est l’unique moyen d’assurer son salut.

— Le dernier des trois ouvrages spirituels, le Christus paliens, fut écrit pour les prédicateurs. Le P. Zacharie veut leur donner une méthode ainsi que des passages de l’Écriture et des Pères. L’ouvrage comprend deux parties. La première étudie les divers épisodes de la passion dont l’auteur s’attache à montrer le sens mystique. La seconde est surtout morale et porte principalement sur l’usage des richesses, sur le mariage et sur les jugements de Dieu.

Le P. Zacharie n’est pas un théologien profond. Il peut cependant nous renseigner sur la piété du xviie siècle. Il convient particulièrement de signaler l’usage qu’il fait des auteurs païens. Humaniste, il connaît fort bien son Cicéron et son César et il se plaît à appuyer ses développements ascétiques et mystiques sur des exemples pris dans les poètes, les moralistes et les historiens de l’antiquité. Le fait n’était pas rare à l’époque, et, quoi qu’en aient dit les jansénistes, il n’est pas tellement déplaisant.

Œuvres. — 1° Satiriques : Seeculi Genius, Paris, 1653 ; Somnia sapientis, Paris, 1659 ; Gyges Gallus, Paris, 1658 ; Les relations du pays de Jansénie, Paris, 1660. — 2° Spirituelles : La philosophie chrétienne, Paris, 1638 ; De la monarchie du Verbe incarné, Paris, 1649 ; Christus paliens, Paris, 1662.

Travaux. — Abbé Coupé, Bibliothèque universelle des romans, décembre 1779 ; Soirées littéraires, t. vii, p. 56, Paris, 1797 ; Edouard d’AIençon, Les capucins de Rouen. Paris, 1890 ; Ch. Guery, Les œuvres satiriques de Zacharie de Lisieux, Paris, 1913.

J. Eymard.


ZACHARIE LE RHÉTEUR, historien ecclésiastique du vie siècle. — Zacharie naquit à Maïouma, le port de Gaza, vers 465. Peut-être était-il le frère du sophiste Procope, bien connu par ses chaînes sur l’Ancien Testament, par ses lettres, par ses discours et par ses travaux d’érudition profane. Il eut la bonne fortune de grandir au moment même où l’école de Gaza, qui ne devait jeter qu’un lustre éphémère, brillait de tout son éclat et attirait à elle une nombreuse jeunesse. Ce ne fut pourtant pas dans sa patrie qu’il acheva ses études, mais à Alexandrie, où il fit de la philosophie et de la rhétorique, puis à Béryte, où il s’initia aux sciences juridiques. A Alexandrie, il se lia d’amitié avec un jeune homme de son âge, Sévère, originaire de Sozopolis en Pisidie, qui se faisait dès lors remarquer par son intelligence brillante et son amour du travail. Sévère n’était pas baptisé. Zacharie au contraire était un chrétien fort zélé, qui ne se contentait pas de se laisser passionner par les controverses religieuses, mais qui tenait à faire passer ses croyances dans la pratique de sa vie et était féru d’ascétisme. Il s’efforça de gagner son ami et ne connut d’abord que des échecs. Sévère commença par observer une sorte de neutralité froide, sans vouloir