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ZACHARIE. LA PERSONNE DU MESSIE


de ce pays en un seul jour. » Celle-ci concernant la paix, et écho des oracles de Michée : « En ce jour-là

— oracle de Jahvé des armées I — vous vous inviterez les uns les autres sous la vigne et sous le figuier. » Zach., iii, 10 ; cf. Mien., iv, 4. C’est également l’opinion d’un des récents commentateurs de Zacharie qui déclare que la façon d’amener ce nom mystérieux de sémah, sans préparation ni explication, ne se conçoit que s’il s’agit d’un terme bien connu des auditeurs, par une prophétie qui n’est autre que celle de Jer., xxiii, 5 (cf. xxxiii, 15), où le Messie est appelé Germe juste : « Voici que des jours viennent— oracle de Jahvé - — où je susciterai à David un germe juste, il régnera en roi et il sera sage, et il fera droit et justice dans le pays. » Cf. Is., xi, 1 ; Junker, op. cit., p. 132. Nombreux par ailleurs sont ceux qui voient dans le germe : Zorobabel ; Van Hoonacker, Buzy, Tobac. A l’appui de leur opinion ils font valoir le contexte historique des oracles qui n’est autre que la situation politique et religieuse de l’an 519 ; ils insistent surtout sur l’identification suggérée, sinon imposée, par le texte de Zacharie lui-même, du fait du rapprochement de deux passages qui, d’une part, vi, 12, attribuent au personnage appelé Germe la mission de bâtir le temple, et, d’autre part, iv, 6-10, attestent que c’est Zorobabel qui a posé les fondements du temple et qui l’achèvera. Ils ne se refusent pas d’ailleurs à voir dans Zorobabel la figure du Messie. L’interprétation d’un autre passage, vi, 9-15, concernant également le germe précisera encore la signification directement messianique de ce terme, ainsi que l’entendent de nombreux exégètes catholiques depuis saint Jérôme. Par contre, pour la plupart des commentateurs non catholiques, Zacharie aurait réellement vu le Messie attendu dans le personnage de Zorobabel ; c’est lui qui devait réaliser les espérances qu’avait suscitées le rejeton prédestiné de David, entrevu par Jérémie dans celui qu’il appelle le Germe juste.

Dans le récit de l’acte symbolique accompli par Zacharie, vi, 9-15, (le couronnement du grand-prêtre), apparaît de nouveau cette même expression mystérieuse : Germe. Aux difficultés que soulève l’interprétation du symbole s’ajoutent, dans le cas présent, celles qui proviennent de l’altération du texte que n’arrivent pas à corriger les retouches des critiques. Le passage peut s’entendre de la manière suivante : le prophète recevra de la main d’exilés venus de Babylone de l’argent et de l’or ; ordre lui est donné d’en faire une couronne et de la poser sur la tête de Josué, le grand-prêtre, auquel il dira : « Ainsi parle Jahvé des armées : Voici un homme appelé Germe, il germera par dessous et il bâtira le temple de Jahvé. Il bâtira le temple de Jahvé et sera revêtu de majesté ; il siégera et dominera sur son trône, et un prêtre s’asseoira sur son trône, et il y aura entre les deux un conseil de paix. Et la couronne demeurera… comme un mémorial dans le temple de Jahvé. Et des gens viendront de loin et bâtiront le temple de Jahvé et vous reconnaîtrez que c’est Jahvé des armées qui m’a envoyé vers vous. » vi, 12-15. Qu’il soit ici question d’un couronnement de Josué, c’est ce qu’il faut maintenir avec le texte et les versions, malgré Wellhausen, Nowack, Marti…, qui tiennent la partie du verset relative à ce couronnement comme additionnelle, œuvre d’un copiste d’une époque où l’autorité civile était passée dans les mains du grand-prêtre ; et cela d’autant plus qu’il ne s’agit pas d’instaurer par ce geste une sorte de théocratie puisque la couronne ne doit pas rester sur la tête de Josué mais être déposée dans le temple comme un mémorial, et que si Josué est couronné, ce n’est pas en qualité de grandprêtre mais comme le représentant d’un autre qui

n’est pas encore présent et dont il est avec son collège de prêtres l’annonciateur ; ils sont ces hommes de présage de iii, 8. Mais qui annoncent-ils ? Le Germe qui doit venir. Comme précédemment pour iii, 8, nombreux sont les commentateurs qui l’identifient avec Zorobabel, avec raison, semble-t-il, puisque la construction du temple sera son œuvre, 13-14. La question est de savoir si c’est bien du temple actuel qu’il s’agit ; celui-ci, en effet, n’est-il pas bien misérable (cf. Agg., ii, 3) pour être au temps du salut la demeure du Dieu glorieux ? c’est de cette demeure que le Germe assurera la construction de ce temple vraiment digne de Jahvé. L’expression obscure : il germera par dessous, rapprochée d’Is., xi, 1 ; Jer., xxiii, 5, peut s’entendre en ce sens qu’il sortira de la race royale de David ; n’est-il pas représenté comme un roi assis sur un trône où prendra place également le prêtre assis à sa droite, c’est-à-dire étroitement associé à son pouvoir dans la concorde et la paix ; « sacerdoce et royauté sont donc étroitement unis dans cette perspective d’ordre nouveau et d’ordre messianique, moins étroitement toutefois que dans le ps. ex où les deux titres reposent sur une même tête ». Rev. bibl., 1926, p. 202. Si le portrait messianique esquissé par Zacharie reste incomplet, il n’exclut pas d’autres prophéties qui envisagent dans le Messie à la fois le roi et le prêtre. Le dernier verset du récit de l’acte symbolique du couronnement annonçant l’arrivée de gens venus de loin, de païens s’entend et pas seulement des Juifs de retour d’exil, pour travailler à la construction du temple, nous transporte également dans les temps messianiques, loin des horizons du temple rebâti par Zorobabel. Cf. Junker, op. cit., p. 148-150 ; Lagrange, Reo. bibl., 1906, p. 71-72.

De ce roi messianique quelques traits sont esquissés dans les oracles de la seconde partie du livre. Il y est représenté, ix, 9, comme un roi pacifique, évoquant le Prince de la paix d’Is., ix, 5 ; xi, 1-9 ; cf. Mich., v, 1-4 : a Tressaille d’une grande joie, fille de Sion, jubile, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi vient à toi, il est juste, lui, et victorieux, humble, monté sur un âne, sur un ânon né de l’ânesse. » Ce n’est pas, en effet, sur un cheval de bataille que le roi vainqueur fera son entrée à Jérusalem, mais sur un âne, animal qui, en temps de paix, était, dans l’ancien Orient, la monture accoutumée du riche aussi bien que du pauvre ; cf. Jud., v, 10 ; x, 4 ; xii, 14. Les quatre évangiles racontent l’entrée triomphale de Jésus, monté sur un âne ; seuls Matthieu, xxi, 5, et Jean, xii, 15, relèvent l’accomplissement de la prophétie de Zacharie qu’ils citent assez librement ; l’influence des Septante ne semble pas étrangère au texte de Matthieu : xal èmfie$7)xù>ç, hû Û7ro£ûyt, ov xod tccïXov v£ov. La destruction des instruments de guerre décrite, ꝟ. 10, image caractéristique des temps messianiques, cf. Os., i, 7 ; ii, 20 ; Mich., v, 9…, accentue encore la note pacifique du règne du Messie.

Le texte dexii, 10, « un des plus difficiles de l’Ancien Testament », < très mystérieux », est très souvent entendu au sens messianique ; Pères et commentateurs catholiques, protestants croyants y ont vu et y voient encore une prophétie messianique. Une première question à résoudre à son sujet est celle de sa lecture. La leçon massorétique appuyée par les anciennes versions est ainsi traduite : « Ils tourneront les yeux vers moi qu’ils ont transpercé ; ils feront le deuil sur lui comme on fait le deuil sur un fils unique ; ils pleureront amèrement sur lui comme on pleure sur un premier-né. » Or c’est Jahvé qui parle pour annoncer qu’il répandra sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem un esprit de grâce et de supplication. Comment peut-il être transpercé ?