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ZACHAKIK. MESSIANISME


oracle, il exhorte à la conversion intérieure : « Ainsi parle Jahvé des années : Revenez donc de vos voies mauvaises et de vos œuvres mauvaises. » i, 4. Dans la quatrième vision, iii, 1-10, si le grand-prêtre est dépouillé de ses vêtements souillés et revêtu d’habits de fête, couronné d’une tiare pure, n’est-ce pas pour symboliser la purification du grand-prêtre lui-même ou plutôt celle de la nation tout entière pour laquelle le grand-prêtre intercède au jour de l’Expiation ? « J’enlèverai l’iniquité de ce pays en un seul jour », m, 9 ; le péché et la souillure de la maison de David et des habitants de Jérusalem seront lavés dans une source ouverte, xiii, 1. Sous le symbole du rouleau volant, dans la septième vision, le prophète figure la malédiction qui est sur le point de s’abattre sur tous les pécheurs et plus spécialement sur les voleurs et les parjures, v, 1-4 ; dans celle de l'épha transporté au pays de Sennaar, il voit l’iniquité qui va être exilée de la jeune communauté des rapatriés dont l’assainissement moral s’imposait comme condition du retour de Jahvé à son peuple ; les caravanes d’exilés n’avaient pas ramené en Palestine que des fidèles observateurs des préceptes mosaïques ainsi qu’en témoignent les récits de Néhémie et d’Esdras.

Certes l’activité du prophète est en grande partie tournée vers la poursuite des travaux du temple, mais il n’en fait pas pour autant des pratiques du culte l'élément essentiel des devoirs à rendre à Dieu. Tout pénétré de l’esprit de ses devanciers du viiie et du viie siècle, il en rappelle les enseignements à l’occasion d’une question que lui posaient les Juifs de Béthel au sujet de certaines pratiques de deuil et d’abstinence : « Ainsi parlait Jahvé des armées en disant : Rendez la justice selon la vérité, pratiquez la miséricorde et la compassion chacun envers son frère, n’opprimez pas la veuve et l’orphelin, l'étranger et le pauvre et ne méditez pas l’un contre l’autre le mal dans vos cœurs. » vii, 9-10. Comme les voyants de jadis, quoique sur un terrain différent, le prophète dénonce, en cette circonstance, les illusions d’un culte extérieur ne traduisant en rien ou ne rendant que fort imparfaitement les sentiments réels des cœurs.

3. Anges.

Dans les visions de Zacharie, les anges jouent un rôle important, inconnu chez les prophètes antérieurs comme Amos et Jérémie. Outre l’ange de Jahvé y apparaissent l’ange interprète et l’adversaire ou le Satan. Le premier diffère de Jahvé ; la distinction entre Dieu et son ange, qui n’existait pas primitivement dans le langage populaire, et qui était allée s’accentuant, est nettement marquée chez Zacharie. Dans la première vision, i, 7-17, on voit, en effet, l’ange de Jahvé s’adresser à Dieu et le conjurer d’avoir enfin pitié de Jérusalem et des villes de Juda. Semblable requête implique la distinction en même temps que la subordination. Plus accentuée encore est cette distinction dans la quatrième vision, m, 1-5, où l’ange se présente comme le fondé de pouvoir de Jahvé pour résister à l’adversaire, présider à l’investiture de Josué et l’introniser en quelque sorte dans ses nouvelles fonctions. « On peut ainsi mesurer l'évolution accomplie depuis les textes du Pentateuque, où l’ange de Jahvé parlait et agissait au nom du Seigneur et semblait se confondre avec lui dans une même personnalité. » Buzy, Rev. bibl., 1918, p. 146 ; cf. Touzard, art. Ange de Yahweh, Dict. de la Bible, Suppl., t. i, col. 242-255 ; Lagrange, L’ange de Jahvé, Rev. bibl., 1903, p. 212-225.

Un autre ange des visions de Zacharie est l’ange qui parle au prophète, qui lui sert en quelque sorte d’interprète comme déjà dans les visions d'Ézéchiel, xl, et de Daniel, vii, 16 ; viii, 16 ; ix, 21, et surtout plus tard dans les apocalypses apocryphes. Il se tient à la disposition du voyant pour l’aider à saisir le sens

parfois très obscur de visions ou même lui transmettre les ordres de Jahvé. i, 16-17. De tels intermédiaires étaient inconnus des anciens prophètes auxquels Dieu manifestait directement ses volontés, ce qui ne veut pas dire que les temps préexiliens ignoraient les anges en tant qu’instruments de la puissance divine, mais la période de l’exil et celle qui suivit ont mis en un relief fortement accusé leur rôle d’intermédiaires afin de faire ressortir davantage la grandeur et la toute-puissance divines. La conception du rôle du grand roi dans l’antiquité orientale, n’intervenant pas lui-même en personne dans les affaires de son empire, mais imposant partout sa volonté dont gouverneurs et fonctionnaires étaient les instruments, une telle conception pourrait bien n'être pas étrangère à l’importance de plus en plus grande donnée aux anges dans la littérature postexilique. Cf. Junker, op. cit., p. 122-123. Outre l’ange interprète, en effet, il y a encore dans Zacharie ces messagers de Dieu qui parcourent le monde pour se rendre compte de ce qui s’y passe ; c’est ainsi que les sept yeux de Jahvé, regardés comme des anges, non sans analogie avec les sept qui se tiennent devant le Seigneur pour lui présenter les prières des saints, Tob., xii, 15, sont les organes de la vigilance divine qui s'étend à toute la terre pour garantir à son peuple la sécurité dans la possession des biens spirituels et assurer la durée du régime nouveau, iii, 1-7.

Dans la quatrième vision, figure à côté du grandprêtre pour l’attaquer, un personnage appelé le Satan. De sa nature on a beaucoup discuté. D’aucuns (Marti) y ont vu une création du prophète pour en faire la personnification de la conscience accusatrice d’Israël contre le grand-prêtre, mais la façon même dont est introduit le personnage : le Satan, avec l’article en hébreu, laisse supposer qu’il ne s’agit pas de quelqu’un d’inconnu, — le mot qui d’ailleurs signifie non pas accusateur mais adversaire, opposant, ennemi, ne s’entend pas d’un individu bien déterminé mais désigne ici plutôt une fonction, le rôle du Satan tout à fait semblable dans le cas présent à celui du Satan dans le prologue du livre de Job. Il s’agit donc du même adversaire qui, au point de vue de sa nature, est à ranger parmi les esprits célestes, semblables aux anges, non pas certes de ceux qui se tiennent auprès du trône de Dieu comme ses messagers, mais comme un véritable esprit du mal, en lutte continuelle avec les serviteurs de Jahvé et en opposition avec les desseins de Dieu qui l’emporteront sur l’adversaire en faisant encore de Jérusalem la cité élue malgré la volonté d’anéantissement manifestée par le Satan.

4. Messianisme.

a) Les temps messianiques. — Ce qui caractérise l’enseignement religieux de Zacharie, ce qui fait un élément essentiel de son message ce sont les promesses eschatologiques et messianiques qui, malgré l’obscurité des symboles et des images, s’affirment aussi bien dans les visions nocturnes de la première partie que dans les descriptions grandioses de la seconde moitié du livre. Dans l’interprétation de ces promesses, il y a lieu de ne pas oublier qu’il s’y rencontre une manière d’expression toute différente de la nôtre et que, par conséquent, il ne faut pas trop presser les termes pour en dégager toujours une signification précise. Cette remarque s’impose particulièrement pour l’intelligence des perspectives d’avenir relatives à la destruction des peuples païens par Jahvé. Sous ces descriptions imagées de la lutte, sous ces représentations variées du combat, ce qu’il importe de retenir c’est l’idée de la victoire future de Jahvé sur toute puissance opposée à sa domination. Que les prophètes de l’Ancien Testament, que Zacharie en particulier aient eu la notion claire de la nature de ce triomphe, c’est-à-dire du