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ZACHARIE. LE PROPHÈTE

prophète était en même temps prêtre ainsi que ses illustres devanciers, contemporains de la ruine de Jérusalem.

L’activité prophétique de Zacharie, à s’en tenir aux données même de son livre, s’échelonne sur la période qui va du 8e mois (novembre) de la 2e année de Darius (520), i, 1, peu de temps après les débuts d’Aggée, i, 1, au 4e jour du 9e mois de la 4e année de ce même règne (518), vii, 1. L’authenticité des oracles des c. ix-xiv est trop discutée et incertaine pour qu’on puisse les situer dans les années qui suivirent.

L’action du prophète, ainsi que celle d’Aggée, eut surtout pour objet la reprise des travaux de reconstruction du temple, ainsi qu’en témoignent I Esdr., v, 1 ; vi, 14 et le but clairement marqué des huit premiers chapitres du livre de Zacharie. Par ailleurs, les renseignements sûrs font défaut sur la vie du prophète, sur sa mort également, malgré le texte de Matth., xxiii, 35, relatant le meurtre d’un prophète Zacharie, fils de Barachie, tué par les Juifs entre le sanctuaire et l’autel ; il est très probable qu’il s’agit du prophète du ixe siècle, fils du prêtre Joïada, lapidé dans le parvis de la maison de Jahvé, II Par., xxiv, 20-22 ; les mots « fils de Barachie » du texte évangélique sont généralement tenus pour une glose fautive insérée par quelque scribe accoutumé à lire dans le livre de Zacharie que celui-ci était fils de Barachie. Au témoignage de saint Jérôme, l’évangile des Hébreux portait à cet endroit : fils de Joïada, au lieu de fils de Barachie ; ces derniers mots d’ailleurs manquent dans le Sinaïticus et dans le passage parallèle de Luc, xi, 51. Cf. Pirot, La Sainte Bible, t. ix, p. 310.

A défaut de renseignements sur la vie même de Zacharie, quelques données sur son temps ne seront pas inutiles à l’intelligence de ses oracles parfois très obscurs.

Les circonstances dans lesquelles le prophète exerça son ministère sont les mêmes que pour Aggée. Sitôt la conquête de Babylone, dès la première année de son règne, 538, Cyrus, roi des Perses, publia un décret qui autorisait les Juifs exilés à retourner dans leur pays et à y reconstruire le temple de Jérusalem. II Par., xxxvi, 22-23 ; I Esdr., i, 1-3. La relation des événements qui marquèrent cette période de l’histoire du peuple de Dieu se trouve dans les premiers chapitres du livre d’Esdras, i-vii, dont l’auteur, malgré les nombreuses réserves faites sur sa véracité et son exactitude, nous donne des faits rapportés un aperçu conforme à la réalité. Cf. les articles Esdras et Paralipomènes, t. v, col. 535-541 ; t. xi, col. 1987-1993. L’attitude prêtée à Cyrus envers les Juifs est de tous points analogue à sa manière de traiter les peuples vaincus. Loin de vouloir les assimiler par la déportation et la persécution de leur religion nationale, il se présente à eux comme un libérateur, leur permettant de vivre selon leurs coutumes et de conserver les pratiques de leur culte, dans l’espoir de les gagner ainsi plus sûrement à sa cause et d’en faire de fidèles sujets de son empire. C’est ce dont témoigne une des inscriptions de Cyrus : « Je ramènerai, y proclame-t-il, en leurs lieux les dieux qui y avaient habité et je les installerai dans une demeure éternelle. Je rassemblerai la totalité des gens et je les rétablirai dans leur domicile. » H. Gressmann, Altorienlalische Texte zum A. T., 2e édit., 1926, p. 370 ; l’attitude bienveillante du roi des Perses envers les Juifs était en outre commandée par l’intérêt qu’avait Cyrus à trouver aux frontières de l’Égypte, en cas de conflit avec ce pays, un peuple dont la fidélité lui serait assurée en reconnaissance des bienfaits octroyés.

A la suite du décret de libération, nombreux furent les Juifs qui prirent le chemin du retour, plus de 42.000 d’après I Esdr., ii. Si l’on ne saurait contester la réalité de ce retour, le nombre des rapatriés n’est pas aussi sûr, d’aucuns le trouvant trop élevé (Touzard), d’autres maintenant le chiffre donné par le livre d’Esdras (Van Hoonacker). Pour considérable que fut sans doute le nombre des rapatriés, il était loin de comprendre la majorité des exilés qui, nantis d’une situation plus ou moins confortable, ne tenaient pas à courir les risques de l’aventure dans un pays et une ville dévastés et abandonnés depuis de longues années. La remarque de Josèphe que beaucoup restèrent à Babylone pour ne pas quitter leurs propriétés reste vraie. On sait qu’il ne tint pas à la bonne volonté de ceux qui revinrent de mener à bien l’œuvre de la reconstruction du temple ; le c. iv du livre d’Esdras nous apprend que les ennemis de Juda et de Benjamin, c’est-à-dire les Samaritains demeurés au pays ou venus des régions avoisinantes n’assistaient pas impassibles au retour des exilés dont l’œuvre de restauration ne leur faisait pas de place, ainsi qu’ils purent s’en convaincre par le refus opposé à leur offre de participation aux travaux de reconstruction du temple. Ils parvinrent même à provoquer un revirement dans les dispositions du pouvoir suzerain jusqu’alors favorable, ce qui amena l’interdiction de la poursuite des travaux. I Esdr., iv, 1-5.

La situation que le successeur de Cyrus, Cambyse, n’avait certes pas contribué à améliorer apparaît sous un jour plus favorable avec les débuts du règne de Darius dont les dispositions bienveillantes et libérales faisaient revivre celles de Cyrus ; il ne révoqua pas l’édit de ce dernier, se montrant, au contraire, favorable en toutes manières à l’achèvement des travaux du temple. I Esdr., vi, 3-4, 6-17.

Ce n’est pas à dire que les difficultés cessèrent. L’hostilité des « gens du pays » ne désarmait pas ; vexations, persécutions, dénonciations n’étaient pas ménagées aux rapatriés dont le zèle et l’enthousiasme des premiers jours étaient mis à rude épreuve. « Ces difficultés sans cesse renaissantes causèrent la plus pénible impression en des âmes qui avaient foi en leur mission et croyaient la tenir du Tout-Puissant. C’était pour sa cause qu’ils s’étaient séparés de leurs frères retenus en Chaldée par les charmes d’une vie facile, qu’ils avaient repris le chemin de la patrie, avec toutes les garanties possibles d’un secours divin capable d’assurer le succès de leur dessein. Et voici qu’ils ne pouvaient rien entreprendre sans se voir aussitôt en butte à toutes sortes de vexations et d’oppositions ! Et voici qu’ils n’arrivaient a leurs fins qu’après toutes sortes de contretemps ! Il y avait de quoi jeter le trouble dans les Ames les plus fermes dans leur foi, les plus fidèlement attachées à l’espérance d’Israël. » Touzard, L’âme juive au temps des Perses, Revue biblique, 1923. p. 66. A ces difficultés s’en ajoutaient d’autres qui, bien que transitoires, ne laissaient pas que d’accroître la détresse du peuple. Péniblement rentrés en possession de leurs biens, les rapatriés avaient traversé des années mauvaises, aux récoltes insuffisantes du fait de la sécheresse et d’autres fléaux encore. Agg., ii, 15-17. La réalité ne répondait pas aux brillantes perspectives de la propérité messianique.

Toutes ces vicissitudes, funestes conséquences d’une situation troublée, n’étaient cependant pas ce qui préoccupait le plus ceux qui avaient mission d’assurer l’avenir d’Israël. Si Aggée ne ménage pas les menaces aux rapatriés dont la négligence à reconstruire le temple leur attire ses anathèmes, Agg., i. 2, 4, 9, Zacharie ne se montre pas moins sévère à leur endroit, car, tout comme leurs pères, ils oui provoqué le courroux de Jahvé. Zach., i, 2. C’est qu’en effet ils ont commis l’iniquité dont le grand prêtre, représentant devant Dieu du peuple cou-