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    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. ALBERT LE GRAND

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sa personne, mais imparfaitement, inchoalive ; la paternité s’y ajoute comme forme perfective. "Voir les textes de Roger Marston, de G. de la Mare, de Pierre de Trabibus dans Schmaus, p. 565, 587, 590. La doctrine trinitaire de Pierre de Trabibus a été exposée ici, t. xii, col. 2053 sq. On y a marqué, col. 2056, certaines ressemblances avec celle de P. Olieu.

c) La thèse de la procession du Verbe par voie de nature et non formellement d’intelligence se retrouve chez les disciples d’Alexandre et de Bonaventure. On peut citer, dans l’ordre franciscain, Eudes Rigaud, Guillaume de la Mare, Richard de Médiavilla, Pierre de Trabibus ; chez les dominicains eux-mêmes, Fishacre, Pierre de Tarentaise (saint Thomas explique en bonne part le texte de Pierre de T. dans l’opuscule : responsio ad CVIII art., q.xii, éd. de Parme, t. xvi, p. 154), Ulrich de Strasbourg, Roger Marston et, au début du xive siècle, Jacques de Metz, Jacques de Lausanne, Noël Hervé, Durand de Saint-Pourçain, Jean de Naples. Bien plus, les deux Jacques (de Metz et de Naples) ont prétendu que telle était l’opinion de saint Thomas. Les textes dans Schmaus, p. 117-134. Peut-être l’assertion visant saint Thomas a-t-elle un fondement dans l’œuvre de jeunesse de saint Thomas : In I am Sent., dist. VI, q. i, a. 3 ; X, q. i, a. 1 et 5 ; XI, q. i, a. 1 ; XIII, q. i, a. 2, ad 2°" » et q. iii, a. 3, ad 4um ; XXVIII, q. ii, a. 3. Cf. M.-T.-L. Penido, Le rôle de l’analogie en théologie dogmatique, Paris, 1931.

d) Par voie de conséquence, les mêmes auteurs ajoutent que la procession du Saint-Esprit n’est pas une génération, précisément parce que le Fils procède par voie de nature et que le Saint-Esprit procède selon la volonté. Les textes dans Schmaus, p. 187, 188, 190, 191, 194, 213-214.

4. Raymond Lulle († 1315). —

Raymond Lulle mérite une attention particulière. Un certain nombre de ses ouvrages, plusieurs encore inédits, étudient directement la Trinité ; d’autres en parlent incidemment. Ceux qui sont consacrés à l’étude de la Trinité ont été énumérés à l’art. Lulle, t. viii, col. 1096 sq. (Œuvres théologiques et apologétiques, sous les n. 2, 3, 4, 7, 8, 13, 17, 19, 20, 26, 29, 36, 37, 48). Quelques-uns de ces ouvrages ont trait à la procession du Saint-Esprit ab utroque, contre les Grecs. C’est dans les œuvres mystiques qu’on rencontre incidemment — mais fréquemment — des considérations relatives à la Trinité.

On ne comprend bien la position théologique de Lulle qu’en le rapprochant, comme on le fait ici, de l’école de Richard de Saint-Victor, Alexandre de Halès et saint Bonaventure. La bonté est mise par Lulle au premier rang des attributs divins ; elle est aussi le principe des processions divines, à tel point qu’en « démontrant » la production des personnes en Dieu par ce simple fait que les dignités divines ne peuvent être inactives, le bien tendant à se répandre, on apporte un motif qui doit empêcher l’esprit humain d’admettre avec quelque apparence de raison que le contraire soit faux. Voir les textes, art. cit., col. 1126.

Les deux fondateurs de l’école thomiste : Albert le Grand et Thomas d’Aquin. —

1. Albert le Grand.

A l’article qui lui est consacré, t. i, col. 673, on a dit le rôle, plus effacé en théologie qu’en philosophie, joué par Albert le Grand. Son principal mérite fut de tirer parti des conceptions aristotéliciennes dans l’exposé du dogme catholique. En ce qui concerne la Trinité, on voit immédiatement que son point de vue est différent de celui de l’école bonaventurienne. Sa doctrine trinitaire est exposée dans le Commentaire sur les Sentences, t. I, et dans la Summa theologica, part. I ».

a) Processions.

Tandis que Richard, Alexandre et Bonaventure partent de l’idée du Bien pour expliquer la fécondité de la vie divine, Albert le Grand est

Adèle à la théorie psychologique de saint Augustin et à la primauté du vrai sur le bien. La vie immanente de Dieu n’est pas une source desséchée. La « communicabilité » divine qui se manifeste dans toute la création et dans les relations de Dieu avec la créature, où resplendissent sa bonté, sa perfection, son amour, ne peut avoir d’autre fondement que Dieu lui-même. En Dieu elle se manifeste réellement par les processions ad intra : la génération du Fils, la spiration du Saint-Esprit. Elle s’achève ainsi dans les trois personnes divines et seulement en ces trois.

Il ne peut y avoir communication de la divinité que de deux façons : par manière de verbe de vérité et par manière de bien. Une communication par mode de nature — celle que préconisaient les théologiens qu’on vient d’étudier — ne saurait être une manière de communication distincte. Le Père, principe sans principe, se manifeste dans la procession des personnes, mais seulement de ces deux façons. Le bien vient après le vrai et ainsi le Saint-Esprit procède aussi du Fils, à qui revient la première procession selon le vrai. Dist. X, a. 12. On doit cependant confesser que d’autres textes laissent l’impression qu’Albert retient encore, au moins quant à la formule, la thèse du Fils procédant selon la nature. Dist. XIII, a. 1. C’est parce que le Fils procède selon l’intelligence que sa procession est une génération ; la procession du Saint-Esprit selon la volonté ne saurait être dite telle. Ibid. Cf. A. Stohr, Der hl. Albertus ùber dem Ausgang des Heiligen Geistes, dans Divus Thomas (Fribourg), t. x, 1932, p. 241-265. C’est aux personnes, non à l’essence qu’il faut attribuer la génération et la spiration active. Albert justifie sur ce point la doctrine promulguée en 1215 contre Joachim de Flore. Les expressions divinitas nata, substantia de substantia, qu’on peut parfois relever chez les Pères signifient simplement que le Fils a la même divinité et la même essence que le Père, vu que d’une part le Fils est du Père mais que, d’autre part, il est aussi de la même substance que lui. Summa, part. I », q. xxx, memh. 3, a. 1.

b) Relations, notions, propriétés.

La distinction des personnes par leurs relations opposées est fondamentale dans la doctrine trinitaire. Si l’opposition des relations n’existait pas entre le Saint-Esprit, d’une part, et, d’autre part, le Père et le Fils, ce dernier ne serait pas distinct de la troisième personne. Dist. XI, a. 6. Albert cite cinq propriétés, caractéristiques des relations et des personnes : au Père, l’innascibilité, la génération active et, en commun avec le Fils, la spiration active ; au Fils, la génération passive, au Saint-Esprit, la spiration passive. C’est une doctrine reçue ; voir Notion, t. xi, col. 804. Les propriétés personnelles prennent le nom de « notions », si elles nous servent à distinguer entre elles les personnes elles-mêmes. Summa, q. xxxix, a. 1. La personne est constituée par la relation, mais incommunicable ; aussi, tout en retenant la définition que Boèce a donnée de la personne, voir Hypostase, t. vii, col. 409, Albert en explique l’expression : substantia individua par substantia incommunicabilis, en ce sens que la nature, en tant qu’elle est communicable, ne constitue pas la personne. Le concept de personne inclut l’unité, la singularité, l’incommunicabilité, dans la division, la séparation d’avec une autre hypostase. In III am Sent., dist. V, a. 14 ; cf. a. 11-13. L’âme séparée, partie d’un homme qui doit un jour ressusciter, demeure bien un élément constitutif de la nature humaine. La personne ne sera reconstituée qu’à la résurrection dernière. Summa, q. xliv, memb. 2. En Dieu, l’unité vient de l’essence ; l’incommunicabilité vient de. la relation s’opposant à la relation. En sorte que, si le Saint-Esprit ne procédait pas du Fils en s’opposant à lui, il ne s’en distinguerait pas. In J° m Sent., dist. X, a. 6.