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XIMÉNÈS DE CISNEROS François, cardinal espagnol (1436-1517). — Né au sein d’une famille noble mais modeste, Ximénès de Cisneros embrassa de bonne heure l’état ecclésiastique et se signala dès son passage à l’université par sa vive intelligence et l’étendue de ses connaissances. D’abord professeur de droit, il devint, en 1480, vicaire général du cardinal Gonzalès de Mendoza, archevêque de Séville, et archidiacre de Sigüenza. Il abandonna bientôt sa charge pour embrasser l’état religieux dans l’ordre des cordeliers à Tolède, puis à Castagnar. Nommé, en 1492, confesseur de la reine Isabelle de Castille, élu, deux ans plus tard, provincial de son ordre, il fut bientôt après fait archevêque de Tolède ; en 1507, Jules II le nomma cardinal. Il affirma aussitôt son dessein d’opérer la réforme de son clergé et la réalisa non sans vigueur. Ximénès entreprit aussi l’évangélisation du royaume de Grenade reconquis sur les infidèles ; on lui reprocha, en cette occasion, d’utiliser, en plus des moyens évangéliques, les méthodes de force ; il est à noter, du reste, que l’énergie naturelle de Ximénès le portait à employer les moyens matériels que les usages du temps autorisaient pour la propagation de la foi. Ximénès devait, par la suite, se mettre à la tête de l’armée espagnole qui réalisa la conquête d’Oran (1509). Inquisiteur de Castille en 1507, Grand Inquisiteur d’Espagne en 1513, Ximénès exerça cependant ses fonctions avec modération ; les reproches de cruauté qu’on lui a faits ne tiennent pas sous l’examen d’une impartiale critique : il fut sévère sans doute, mais ne perdit jamais de vue l’idéal qu’il s’était fait et qui était l’extension du règne du Christ et le retour aux pures disciplines évangéliques. Ximénès mourut le 8 novembre 1517. Il avait été nommé régent du royaume de Castille en 1516. On lui doit une édition des livres liturgiques mozarabes, voir ici Mozarabe (Messe), t. x, col. 2520 et 2522, le Missel en 1500, le Bréviaire en 1502, et la publication d’une Bible polyglotte qui fut la première de ce genre et servit de modèle à celles qui ne tardèrent pas à suivre. C’est la Biblia polyglotta Complutensis qui, après de longs travaux préparatoires, suivis de près par le cardinal, parut à Alcala en 1520, 6 vol. in-fol. Elle donne le texte latin de la Vulgate, le texte hébreu de l’Ancien Testament avec une version latine, le texte grec des Septante et celui du Nouveau Testament avec une version interlinéaire, en outre le Targum dit d’Onkelos sur le Pentateuque, avec traduction latine. Tout l’honneur de cette remarquable publication revient au cardinal qui en conçut le dessein, en poursuivit l’exécution avec ténacité, la soutint de ses subsides.

Les vies de Ximénès écrites par Alvarez Gomez de Castro (1569), Fléchier (1698), Marsollier (1694), et autres, sont bien veillies. On consultera utilement : Hefele, Der Kardinal Ximenez und die kirchlichen Zustände Spaniens am Ende des 15. und Anfang des 16. Jährhunderts, Tubingue, 1851 ; Kissling, Kardinal F. X. de Cisneros, Spaniens kath. Reformator, 1917 ; comte de Sedillo, El cardinal Cisneros, gobernador del Reino, 1921 ; et les monographies modernes consacrées à la situation de l’Église espagnole aux xve et xvie siècles. Cf. Dictionnaire apologétique, t. i, col. 1513 ; t. iii, col. 935 ; t. iv, col. 1101-1104. Bibliographie dans Chevalier, Bio-bibliographie, t. ii, col. 4801-4802. — Sur la Polyglotte, voir les divers manuels bibliques et les Dictionnaires de la Bible.

J. Mercier.


XIPHILIN Jean (patriarche grec de Constantinople sous le nom de Jean VIII, 1er  janvier 1064-2 août 1075), personnage qui joua un rôle important dans les milieux intellectuels et ecclésiastiques du xie siècle byzantin. — Né à Trébizonde vers 1010, il vint de bonne heure à Constantinople où, après de brillantes études, surtout juridiques, il exerça quelque temps la carrière d’avocat et bénéficia des faveurs de la cour. A l’Académie restaurée de la capitale, il contribua, avec son ami Psellos, à la renaissance littéraire et scientifique du xie siècle. Puis, vers 1055, dégoûté par les méfaits de la malveillance et de la calomnie, il se retira dans un monastère de l’Olympe, près de Brousse. Michel Psellos, qui l’y avait suivi par amitié personnelle, ne tarda pas à quitter une vie qui n’était pas faite pour lui, et revint à la capitale. Quant à Xiphilin, après la mort de Constantin Likhoudès (août 1063), il fut arraché à sa retraite monastique pour être élevé au trône patriarcal. C’est surtout par Psellos que nous sommes renseignés sur son compte, notamment par l’oraison funèbre qu’il prononça en août 1075, au lendemain de la mort du patriarche son ami.

L’activité patriarcale de Jean VIII Xiphilin fut marquée par de méritoires essais de réforme, spécialement sur le clergé. Elle se signala aussi — et l’histoire impartiale ne peut que le regretter — par une violente opposition aux tentatives de réunion entamées avec le Saint-Siège, en 1072. Voir Constantinople (Église de), t. iii, col. 1375.

Psellos souligne, non sans une visible complaisance personnelle, combien la tournure d’esprit de Xiphilin différait de la sienne : Xiphilin à tendance juridique et pratique ; lui-même, Psellos, philosophe, orateur, écrivain, érudit encyclopédique, artiste. En une circonstance spéciale, cette différence éclata en opposition. Bien que la vanité de Psellos exagère sans doute un peu les détails du conflit, le fait vaut d’être noté, car il n’est pas dénué d’importance du point de vue de ce que l’on a pu appeler des épisodes scolastiques dans la Byzance du xie siècle. Ce n’est pas tant, comme on l’a cru, une des premières phases de l’antagonisme entre la philosophie d’Aristote et celle de Platon au service de la théologie, qu’une apologie du travail même de la raison sur les données de la foi. Platon, il est vrai, est au premier plan, mais Aristote n’est pas exclu. Psellos, qui paraît avoir eu la note juste sur le parti à tirer de l’un et de l’autre, professait pourtant un culte fervent pour Platon. Ce dernier, au contraire, était plutôt en horreur aux gens d’Église ; et quand Psellos, lassé des ennuis de la politique au début de 1055, se réfugia dans les couvents de l’Olympe bithynien, où loti ami Xiphilin l’avait précédé, il nous raconte qu’au seul nom du philosophe athénien les moines « se signaient et balbutiaient des anathèmes contre le Satan hellénique ». K. Sathas, Bibliotheca qræca medii ævi. t. iv, Paris, 1874, p. lxvii-lxviii. Xiphilin lui même, esprit moins hel-