la « possession de fait », chez les seigneurs civils, même en cas de péché mortel, il se montrait beaucoup plus sévère pour les seigneurs ecclésiastiques. II déclarait en effet, à plusieurs reprises, dans le De civili dominio I. I, c. xxxvii ; t. II, c. xii, etc.), que le pouvoir séculier doit prendre des mesures pour déposséder de son bénéfice tout ecclésiastique qui abuserait habituellement de sa situation en manquant à ses devoirs. Et comme cela conduirait à une excommunication, Wyclif déclarait froidement que toute excommunication fulminée pour une autre raison qu’une cause spirituelle est nulle de plein droit. Il affirmait donc l’illégalité de tant d’excommunications portées alors pour la défense d’intérêts temporels du clergé, tel le paiement des dîmes. Comme d’autre part Wyclif n’admettait pas que le bénéfice tombé en forfaiture, par l’inconduite du titulaire, dût être restitué par son retour à l’état de grâce, la dépossession totale de l’Église devait être envisagée pour un avenir plus ou moins lointain. Mais l’auteur devait revenir sur tout cela dans un ouvrage ultérieur, le De Ecclesia. Il consacrait toutefois une partie importante de son traité De civili dominio à examiner si le Christ a voulu posséder et exercer un pouvoir civil quelconque. On sait que le problème de la pauvreté du Christ et des apôtres avait été passionnément discuté par les « spirituels » ou « fraticelles », et que le pape Jean XXII, sans vouloir contredire la constitution Exiit qui seminat de son prédécesseur Nicolas III, avait cependant condamné toute proposition tendant à refuser le droit de posséder et l’usage de la propriété en Jésus et en ses apôtres. Mais Wyclif soutient longuement que Jésus et les apôtres ont pratiqué la pauvreté intégrale et il en conclut que le clergé ne peut ni exercer un pouvoir civil ni posséder une propriété que dans la mesure où il la possède pour les pauvres.
2° Autorité exclusive de la Bible.
Déjà dans ses
deux premiers ouvrages, Wyclif laissait entendre que, pour lui, il n’existait qu’une seule autorité décisive, celle de la Bible. De civili dominio, t. i, p. 399, 402, 437 ; t. il, p. 153. Mais il publia, le 24 mars 1378, un traité spécial intitulé De veritaie Scripturæ. Les affirmations que l’on y trouve ont dominé le reste de ses écrits et il serait aisé de donner de nombreuses références sur son biblicisme intégral. Il n’était pas le premier à marcher dans cette voie et il pouvait invoquer plus d’un passage des ouvrages de Robert Grosseteste, de Guillaume Occam et de Richard Fitzralph. Mais il y avait entre lui et ses prédécesseurs une différence capitale, c’est que Grosseteste, Occam et Fitzralph n’avaient jamais mis en doute l’accord parfait entre les Écritures et les définitions dogmatiques de l’Église, tandis que Wyclif, préludant en cela nettement à la position adoptée plus tard par Luther et les autres novateurs du xvie siècle, ne craignait pas de distinguer entre la Bible et l’enseignement de l’Église et de ses docteurs, tout comme si Jésus-Christ n’avait donné à son Église aucune promesse d’infaillibilité I Wyclif voulait pour ses adhérents, comme Luther ou Calvin plus tard, le titre de viri evangelici — hommes de l’Évangile — et ses partisans lui donnèrent le titre magnifique de Doclor evangelicus. Il ridiculisait par contre les docteurs qui ajoutaient aux Écritures l’autorité de la tradition ecclésiastique par le nom de mixli th’ologi, ou théologiens mélangés.
Selon Wyclif, deux choses sont à retenir : 1. la l’.ible suffit » ; — 2. la Bible < se suffit ». La Bible suffit, car la t Parole de Dieu pure et simple » détermine à elle seule tous les articles de foi. Et la Bible se suffit parce que seuls « les clercs de l’Antéchrist » oseront poser la question : t Comment sais-tu que
DICT. DF. THÉOL. CATHOL.
tel livre est de l’Écriture sainte au lieu d’être un livre quelconque ? » Wyclif ne se pose pas cette question. Il semble qu’il ait sous-entendu ce que Calvin devait énoncer expressément, à savoir que les textes sacrés portent en eux-mêmes une preuve de leur caractère sacré qui ne permet pas au sens commun du fidèle de les confondre avec les textes profanes. Les docteurs n’ont rien pu ajouter à la Bible. Wyclif ne veut rien savoir et ne soupçonne rien d’un développement du dogme ni d’une autorité d’interprétation infaillible de la sainte Écriture. « Ni le témoignage d’Augustin ou de Jérôme, ni celui d’aucun autre saint, dit-il, ne devrait être accepté que dans la mesure où il est basé sur la sainte Écriture. » — « La loi du Christ est la meilleure et elle est suffisante et toutes les autres lois ne devraient être considérées par les hommes que comme des rameaux de la Loi de Dieu. » La Bible est donc la Loi de Dieu. La Bible est le code unique et complet de la vie humaine, sous tous ses aspects. Tous les maux de l’Église viennent de l’ignorance croissante de cette Loi. Wyclif date le début de ces maux de l’introduction des Décrétales. L’étude de la Bible devrait être l’occupation principale du prêtre, du religieux, du chevalier, de l’homme du commun. La Bible est « la Charte écrite par Dieu ». Elle est la « moelle de toutes les lois ». Elle contient toute vérité. Toutes les sciences ne nourrissent l’homme que pour cette vie, la science de la Bible seule conduit au salut. Les conclusions des philosophes ne valent que dans la mesure où elles sont conformes à la science de Dieu, c’est-à-dire à la Bible.
Wyclif insiste sur le fait que la Bible, au moins dans le Nouveau Testament, « est ouverte à l’intelligence des hommes les plus simples, en ce qui concerne les points nécessaires au salut ». — « Celui qui garde la douceur et la charité, dit-il, a le véritable entendement et la perfection de toute la sainte Écriture. » — « Le Christ en effet n’a pas écrit sa loi sur des tables de pierre ou sur des peaux d’animaux, mais dans le cœur des hommes… Le Saint-Esprit nous enseigne le sens de l’Écriture comme le Christ a ouvert ce sens à ses apôtres. » « Dieu, dit encore Wyclif, a ordonné (organisé) l’état des prêtres, l’état des chevaliers et l’état du commun », mais dans chacun de ces états, « il est utile pour les chrétiens d’étudier l’Évangile dans la langue où la pensée du Christ sera le mieux comprise ». Et il insistait sur le fait que « nul homme n’est un élève si rebelle qu’il ne puisse apprendre les paroles de l’Évangile selon sa simplicité ». On n’est pas surpris qu’avec cette doctrine Wyclif ait poussé ses disciples Hereford et Purvey — le second surtout — à faire et à répandre dans le peuple une traduction en anglais de la Bible entière, alors qu’il n’existait plus en Angleterre que d’anciennes traductions anglo-saxonnes devenues inintelligibles et des traductions françaises que la masse du peuple anglais, en un temps où le français disparaissait rapidement de l’usage commun des hautes classes en Angleterre, ne pouvait plus comprendre.
Ce biblicisme de Wyclif va nous servir à comprendre sa doctrine de l’F.glise. Parmi les propositions condamnées à Constance, on ne trouve que la suivante (prop. 38) qui ait rapport à ce qu’on vient de dire : Décrétâtes epistolæ sunt apocrtiph/r (chez Wyclif, ce mot veut dire non inspira) ri srducunt a Lege Christl, et cterici sunt slulli, qui sludent eis. Penz.-Bannw. . ii. 618.
3° Eccttsiologie.
C’est surtout dans le domaine de
l’ecclésiologie que Wyclif heurta de front l’enseignement traditionnel de l’Église. Il suffit, pour se rendre compta de la gravité de ses erreurs en refte matière, de se rappeler que c’est à propos de son Dt Btctaêta,
I. 113.