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WYCLIF. DOCTRINE. LA SUZERAINETE


bénéficiait par contre de l’appui discret mais efficace de Jean de Gand, duc de Lancastre, et aussi de la population londonienne, que ses sermons avaient plus d’une fois excitée contre le haut clergé. C’est à ces deux sources de protection qu’il faut attribuer l’échec relatif de la répression de ses doctrines. En février 1377, il avait été cité à Saint-Paul de Londres, par l’évêque de la cité, Guillaume de Courtenay. Mais il avait été protégé par le maréchal de la cour, en personne, Henry Percy, au nom du duc de Lancastre. Puis une émeute, dans laquelle il n’était du reste pour rien, avait arrêté la procédure. En mai suivant, le pape Grégoire XI avait lancé contre lui et contre ses doctrines des bulles de condamnation, le citant à comparaître devant le Saint-Siège. Mais cette citation même était apparue à beaucoup comme un empiétement sur les libertés anglaises. Wyclif y avait répondu avec dédain par une Prolestatio et des Conclusions, où il s’élevait avec force contre le pape Grégoire XI, assimilé par lui à l’Antéchrist.

Au préalable, l’université d’Oxford, par l’organe de son chancelier, Rigg, l’avait bien invité à se rendre de lui-même en prison, mais cela n’avait été qu’une mise en scène. Il semble que ce soit précisément à partir de cette époque, fin 1377, que Wyclif ait commencé à envoyer à travers tout le pays ses « pauvres prêtres », munis de sermons et de tracts tout faits, pour prêcher, selon ses instructions, la véritable vie chrétienne fondée sur la Bible. En mars 1378, une citation devant l’archevêque-primat de Cantorbéry, Sudbury, a Lambeth, se termina comme une farce, grâce à l’intervention de la cour et de la populace de Londres.

En cette même année 1378, éclata, comme on le sait, le Grand Schisme, qui divisa l’Église en deux camps ennemis et acheva de discréditer la papauté dans l’esprit d’un trop grand nombre. Wyclif qui avait d’abord salué l’élection d’Urbain VI avec sympathie, en raison des vertus prêtées à ce personnage, se tourna ensuite avec une violence inouïe contre lui et contre l’institution même de la papauté. De 1378 à 1384, le novateur déploie une activité incroyable. Il est tantôt à Oxford où l’opinion universitaire est très partagée et où il a des partisans déterminés aussi bien que des adversaires résolus, tantôt dans sa cure de Lutterworth, où il travaille pour ses poor pries/ers, fait traduire à l’intention du peuple la Bible en anglais par ses amis Nicolas de Hereford et Purvey — à partir de 1380 — et publie les traités dont on a vu les titres plus haut. On notera que la traduction de la Bible dont il vient d’être question ne lui est plus attribuée par les historiens d’aujourd’hui. Il est avéré en effet qu’il n’y a pas travaillé en personne, mais il est admis aussi que c’est sous son impulsion et par ses conseils que ce travail a été entrepris et poursuivi. En fait, il y a eu deux traductions, la première par Hereford et Purvey, trop littérale et maladroite, la seconde par Purvey seul, beaucoup plus élégante et plus méritoire, mais qui ne devait être publiée que onze ans après la mort de Wyclif, dans l’été de 1395.

Un autre épisode de CM dernières années de Wyclif, 68 fut la révolte des paysans de mai-juin 1381, au cours de laquelle l’archevêque de Cantorbéry, Sudbury, fut massacré. Cette révolte, causée par la misère, ne se rattachait qu’assez indirectement au mouvement lollard, mais il semble bien qu’on en ail rendu Wyclif en partie responsable, ce QUI aurait achevé de rompre les liens entre lui et la Couronne. Quoi qu’il en soit, il prit plutôt la défense des paysans durement réprimés, dans son tract Servante and Lord » (automne de 1381). Ses amis, Hereford, Aston. Bedeman,

s’agitaient beaucoup à Oxford. Sans oser s’en prendre

directement à Wyclif, dont l’autorité paraît avoir été immense à cette date, Guillaume de Courtenay, devenu archevêque-primat de Cantorbéry, le 9 septembre 1381, réunit à Londres, aux Blackfriars, c’est-à-dire chez les dominicains, un synode, qui dura du 17 au 21 mai 1382, et se termina par une condamnation en règle des doctrines wyclifites. En guise de protestation, un lollard, nommé Repingdon, fit à Oxford un sermon retentissant, qui mit toute l’université en grand émoi. Un second synode aux Blackfriars, les 12 et 13 juin 1382, vint alors frapper le chancelier Rigg et les autres partisans de Wyclif à Oxford. Rigg se hâta de se soumettre. Repingdon et Hereford furent suspendus de leurs fonctions universitaires, le 15 juin, puis formellement condamnés, le 18 juin, par un troisième synode aux Blackfriars. En novembre 1382, Wyclif, confiné dans sa cure de Lutterworth, eut une première attaque de paralysie. À peine remis, il se replongea dans le travail. Ses deux dernières années furent les plus fécondes de toutes en productions littéraires, soit latines soit anglaises. Le 28 décembre 1384, pendant qu’il assistait à la messe, dans son église paroissiale, il eut une seconde attaque, dont il mourut le 31, trois jours plus tard. Comme il n’était pas excommunié nommément, il reçut des funérailles religieuses. Mais trente et un ans plus tard, le 4 mai 1415, le concile de Constance, en condamnant ses écrits, prescrivait l’exhumation de ses restes. Dans l’intervalle, un de ses anciens disciples, Repingdon, était devenu évêque de Lincoln, dont dépendait Lutterworth. Il fit la sourde oreille pour l’exécution de la sentence du concile. Mais elle fut renouvelée, péremptoirement, par le pape Martin V, le 9 décembre 1427, si bien que les ossements de Wyclif, exhumés par les ordres de l’évêque Fleming, furent brûlés et jetés dans la Swift, la petite rivière qui arrose son ancienne paroisse (printemps de 1428).


II. Doctrine. —

La doctrine de Wyclif est difficile à exposer d’une manière systématique. Elle ne forme pas, en effet, un système organisé et suivi. Ce qu’il appelait sa Somme n’a rien de commun avec la Somme théotoç/ique d’un saint Thomas d’Aquin. Elle n’est constituée, on l’a vii, que par des traités distincts et successifs, dont le lien n’est pas aisé à établir. D’autre part, Wyclif a beaucoup évolué sur certains points. Sa pensée au sujet de la papauté, au sujet des ordres religieux, notamment, a changé de manière substantielle. Le mieux sera donc, pour faire ressortir cette évolution d’une pensée en ébullition constante, de donner l’analyse de ses principaux ouvrages, dans leur ordre chronologique. Nous ferons suivre chaque analyse du rappel des propositions condamnées au concile de Constance qui ont pu être extraites de l’ouvrage analysé. Ces propositions furent au nombre de 45. Elles furent censurées dans la viir session générale, le 4 mai 1115, puis dans les deux bulles du pape Martin V Inter cunctas et In eminentia du 22 février 1418. Elles correspondent aux 24 propositions condamnées au premier concile des Blackfria’rs, surnommé " le concile du tremblement de terre », parce qu’il faillit être interrompu par un terrible tremblement de terre que, par bonheur, son président, Guillaume de Courtenay, eut l’inspiration d’Interpréter comme un signe que la terre vomissait l’hérésie de Wyclif (17-21 mai 1382).

1° Théorie de In suzeraineté (Urine et civile. (est

par l’examen d’une question brûlante et qui s’était

plus d’une fois posée à l’esprit des scolasl IqueS que

Wyclif commença la publication de sa s<>mmc. tout

le système féodal était fondé sur l’idée de su/eraineté.

Mais, pour les théologiens, la théorie de la suzeraineté

Impliquait aussi celle du domaine éminent de la