Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/1020

Cette page n’a pas encore été corrigée
3569
3570
WISEMAN. L’ARCHEVÊQUE


pontifical en préparation et l’avoir approuvé, aurait pu calmer les esprits. Il agit en politique, espérant qu’une manifestation antipapiste consoliderait son gouvernement branlant. Dans la lettre qu’il écrivit le 4 novembre 1850 à son ami le D r Malthy, évêque de Durham, il applique à la dernière agression papale contre le protestantisme les qualificatifs « insolente et traîtresse » ; il se plaint d’une « prétention à la suprématie sur le royaume d’Angleterre, d’une revendication d’une autorité unique et individuelle, incompatibles avec la suprématie de la reine, avec les droits de nos évêques et du clergé, avec l’indépendance spirituelle de la nation, telle qu’elle était affirmée même à l’époque du catholicisme romain ». Le danger qui l’alarme plus qu’une agression de souverains étrangers est celui qui provient « des fils indignes de l’Église d’Angleterre elle-même…, qui ont été les plus empressés à conduire leur troupeau pas à pas au bord même de l’abîme ».

Cette attaque contre les puseyistes, avec quelques lieux communs sur les « glorieux principes et les immortels martyrs de la Réforme, les mômeries de la superstition, etc. », termine un document qui anticipe l’éclat tumultueux qui eut lieu le jour suivant à Londres et dans d’autres villes, surtout à Salisbury et à Exeter où, au lieu de brûler comme d’habitude l’effigie de Guy Fawkes, celles du pape, du nouvel archevêque et de ses suffragants furent traînées en procession et jetées au feu. Cf. W. Cornish, op. cit., t. i, p. 346 sq.

Quelques jours après, le 9 novembre, le lord chancelier Truro parlait à Mansion House d’ « insulte, de triomphe, de domination…, de perfidies à l’intérieur et d’ennemis à l’extérieur…, d’un chapeau de cardinal égal à la couronne d’Angleterre ». F.-W. Cornish, op. cit., 1. 1, p. 345. Le clergé anglican est encore moins modéré dans l’expression de son indignation. « La lettre papale, écrit V Animal Register, ignore complètement son mandat, traite l’épiscopat comme nul, les diocèses comme vacants, la juridiction des évêques comme suspendue… » Le parti euangelical voyait dans cette intervention un excitant à son horreur du papisme ; les highehurchmen la ressentaient comme une violation de l’unité catholique et de cette règle catholique qui défend l’intrusion d’un second évêque dans un diocèse déjà occupé. Les évêques, répondant dans leurs mandements à l’adresse du clergé, emploient les termes « servitude étrangère », « audacieuse agression », « prétention révoltante et épouvantable ». Blomfield parle « d’une insulte voulue à la souveraine et à l’Église de ce pays… par les émissaires de ténèbres ». Deux évêques seulement, Stanley et Thirlewall, eurent le courage de ne pas placer leur signature au bas de l’adresse de protestation à la reine. Les journaux, Guardian et Record, limes et Standard, protestaient unanimement contre les prétentions romaines et contribuaient à rendre tout apaisement Impossible.

(, c qui est plus surprenant, c’est de voir certains milieux catholiques approuver cette campagne odieuse contre la restauration de la hiérarchie : le duc de Norfolk, chef des catholiques romains anglais, approuva la lettre (le lord Kussell à l’évêque de Durham : Les opinions ultramontalnes, écrivait-il, soni totalement Incompatibles avec l’allégeance a notre souverain et avec noire constitution. l.ord BeaumOBt aussi, un autre pair catholique, qui avait fait adopter en 1845 un bill pour la suppression de certains Arts anlicatholiques, prenail un Ion semblable.

Le Parlement intervint : en 1851, les deux chambres niaient a d’énormes majorité ! un bill, présenté le Kl février par lord Kussell, frappant d’une amende de

cent livres toute personne usurpant dans le Royaume-Uni le titre d’un des prétendus sièges épiscopaux. Le bill fut mort-né : il aurait fallu faire une exception en faveur de l’Église épiscopalienne d’Ecosse, où l’Église presbytérienne était seule Église d’État. Il demeura cependant dans la législation jusqu’en 1871, date à laquelle Gladstone le fit supprimer ; mais il ne fut jamais appliqué : archevêques et évêques continueront d’utiliser en public et en privé les titres territoriaux que le pape leur avait conférés. Cf. F.-W. Cornish, op. cit., t. i, p. 346-351.

Quelle cause donner à cette explosion de l’indignation populaire ? Un récent historien (anglican) de l’Église d’Angleterre, F. Warre Cornish, vice-recteur du collège d’Eton, a tenté de l’expliquer, sans chercher d’ailleurs à la justifier. Il fait appel en premier lieu à l’ignorance invincible de l’esprit anglais ordinaire en ce qui concerne l’Église romaine ; puis aux préjugés toujours vivâces : si les Anglais ont une conception libérale du christianisme, ils conservent les préjugés d’il y a trois siècles, époque « où l’indépendance de l’Angleterre était menacée par les puissances catholiques du continent, danger qui n’existait plus en 1850°. Le style imagé de la lettre pastorale fut interprété littéralement, et on y vit une insulte délibérée à la Couronne, au Parlement, à l’Église et au peuple d’Angleterre. Alors que la lettre n’était adressée qu’au clergé et aux fidèles de l’obédience romaine, on ne comprit pas que l’épiscopat anglican y fût ignoré, ainsi que l’existence de toute autre Église. Des expressions comme celle-ci : « nous gouvernerons et continuerons de gouverner et administrer avec juridiction ordinaire les comtés de Middlesex, Hertford faisaient scandale, parce qu’on n’y faisait aucune mention de la reine ni des évêques existant dans le pays. Il est bien évident qu’il ne s’agissait que d’un gouvernement spirituel, s’exerçant sur les seuls catholiques. On ne pouvait admettre cette autre phrase de Wiseman, affirmant que l’Angleterre « avait retrouvé son orbite dans le firmament religieux, d’où sa lumière avait longtemps disparu », car on interprétait de l’Église établie ce que le nouveau cardinal disait de l’Église catholique. Le feu était attisé par certaines intempérances de langage des catholiques romains dans le TabIet, V Univers, par l’éclat donné aux cérémonies d’intronisation des nouveaux évêques, par le discours de Newman, quand Ullathornc prit possession du siège de Birmingham : « Le peuple anglais, y disait Newman, qui, pendant si longtemps, fut séparé du siège de Rome, est suivant sa propre volonté réuni à la sainte Église. » Cornish, A history of English Church in the nineteenth Century, t. i, I>. 3 13 sq.

Toutefois on ne comprend pas ce mauvais accueil fait au bref pontifical, puisque les documents issus de la Curie pontificale n’existaient pas plus aux yeux de la loi anglaise que ceux qui provenaient des autorités des communautés baptistes ou westeyiennes : le bref n’intéressait que les membres de l’Église romaine dans le nouvel "archevêché. L’émancipation catholique d’ailleurs, si elle avait un sens, était une invitation à l’Église romaine de sortir de l’ombre où elle était tenue depuis des siècles. L’organisation en vicariats apostoliques territoriaux avait été acceptée et l’intervention de Grégoire XVI, en 1840, portant de quatre à huit ces vicariats, n’avait suscité aucune opposition. Lu Irlande, les titres territoriaux étaient Officiellement reconnus ; l’officielle Dublin Gazette du

7 août 181 ! » parlait de l’i archevêque catholique romain de Dublin. Des sièges romains venaient

d’être créés en Australie, au Canada et eu Nouvelle

Ecosse, avec titres territoriaux reconnus par le gouvernement colonial et métropolitain.