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WISEMAN. LE VICAIRE APOSTOLIQUE


le don de persuasion de l’orateur, la courtoisie et l’absence de polémique dans ses démonstrations, touchèrent ses compatriotes et provoquèrent la conversion de plusieurs anglicans de marque, entre autres celle du célèbre architecte Pugin. Chez beaucoup les préjugés contre l’Église romaine diminuèrent ; on parla et on discuta de ces conférences ; l’attention était attirée sur l’Église catholique, si méprisée encore par les anglicans. Parmi les catholiques, si quelques-uns étaient déroutés par une méthode si différente de l’apologétique courante, beaucoup étaient flattés de l’importance que reprenaient leur foi et leur Église aux yeux de leurs compatriotes. Ils firent frapper une médaille portant sur une face l’effigie de Wiseman et sur l’autre cette inscription : Nicolao Wiseman, avita religione forli suavique eloquio vindicata catholici Londinenses, MDCCCXXXVI. Cf. Thureau-Dangin, op. cit., t. i, p. 134-139.

Wiseman ne pouvait pas rester en Angleterre ; il ne voulait pas d’autre part que l’œuvre si heureusement commencée fût interrompue. Pour la continuer, il fonda, avec l’aide d’O’Connell et de Quinn, le périodique trimestriel Dublin Review, demeuré l’organe scientifique le plus important des catholiques anglais. Le dessein qu’il poursuivait en fondant cette revue, qu’il voulut actuelle et vivante, était de-faire connaître au public anglais « le génie du christianisme sous sa forme catholique », Ward, The life and lime o cardinal Wiseman, t. i, p. 252, par l’exposé des questions actuelles. Dans le premier numéro, paru en mai 1836, il donna l’exemple en traitant du cas du D r Hampden dont la nomination de regius professer de théologie avait soulevé de graves controverses parmi les anglicans. Cf. ici Oxford, t. xi, col. 1689 sq. La Revue de Dublin allait suivre de près le mouvement d’Oxford, le surveiller, s’efforcer de le redresser : les catholiques ne pouvaient plus y demeurer indifférents. D’autres périodiques sont créés peu après la Revue de Dublin, avec l’appui et l’encouragement de Wiseman : en 1837, un recueil mensuel, le Catholic Magazine et, en 1840, un hebdomadaire, le Ta blet.

III. Le vicaire apostolique (1840-1850). — L’Angleterre attirait de plus en plus Wiseman : en 1839, il y prêcha comme un missionnaire « quatre-vingt-dix fois en six semaines et une heure chaque fois ». Ward, op. cit., t. i, p. 355. C’est en Angleterre que devait être son véritable terrain d’action. Le 8 juin 1840, le cardinal Fransoni le consacrait au Collège anglais évêque de Melipotamus, comme coadjuteur de l) r Walsh, vicaire apostolique du district de Midland.

Quelques jours après, le 8 juillet 1840, Grégoire XVI portait de quatre à huit le nombre des vicariats apostoliques d’Angleterre ; le vicariat du Midland était partagé en deux : vicariat du Centre et vicariat de l’Est ; Mgr Walsh, devenu vicaire apostolique du Outre, conservait son coadjuteur qui recevait en même temps la charge de président du nouveau collège d’Oscott, près de Birmingham, où il fixa sa résidence : cette résidence allait devenir le centre de réunion des catholiques les plus notables. En août 1847, il devenait pro-vicaire apostolique du district de Londres, après la mort de Mgr Thomas Grifïiths (12 août 1847), puis coadjuteur de Mgr Walsh, transféré au vicariat apostolique de Londres, 8 juillet 1848, et enfin à la mort de ce dernier, 18 février 1849, il lui succédait comme vicaire apostolique du district de Londres, se trouvant ainsi placé à la tête du clergé’ni holique anglais.

Son programme était vaste et bien approprié aux circonstances : obtenir l’abrogation des injustices qui pesaient sur les catholique ! dans le domaine civil et politique, faire participer les catholiques à la vie

publique de la nation, développer leur vie religieuse et scientifique, les attacher plus étroitement au Siège apostolique, en les détournant d’un certain nationalisme qui, émanation du gallicanisme, dominait dans certains milieux ecclésiastiques et laïques. Il se heurtera à l’opposition d’un grand nombre de catholiques anglais quand il prétendra ranimer le culte public, rétablir les anciennes manifestations oubliées de la piété catholique. On lui reprochera son romanisme, l’introduction d’une piété italienne en désaccord avec le tempérament national : tant les siècles de persécution avaient marqué leur empreinte sur le clergé catholique anglais, entravé dans l’expression de sa foi par une timidité passive et inerte, habitué à des formes de culte et de prière plus froides que celles du continent.

Mais sa grande préoccupation était toujours le mouvement d’Oxford. Il suit de près les diverses manifestations des tractariens, écrivant, par exemple, à Newman après la publication du tract 90 pour protester contre la distinction qu’il prétendait établir entre la doctrine officielle de l’Église et certaines corruptions tolérées par elle ; il publie d’autres articles dans la Revue de Dublin, sur la position illogique des tractariens, articles réunis en volume, sous le titre High Church daims, 1841. Il exprime son sentiment lors de l’affaire Gorham, cf. ici Puseyisme, t. xiii, col. 1370 sq., en mettant en relief, dans la Revue de Dublin de mars 1850, l’inconséquence et l’impuissance des défenseurs des idées High Church, et en proclamant de la chaire de sa pro-cathédrale, le 17 mars 1850, que le seul moyen pour les anglicans de sauvegarder leur indépendance spirituelle était d’en appeler à la seule autorité religieuse, à l’Église catholique, dont ils ont commis la faute de se séparer.

Il s’efforce aussi d’entrer en relations avec les tractariens romanisants, Ward, Oakley, Bloxam ; il cherche sans résultat à atteindre Newman. Il sent de la défiance ; aussi n’insiste-t-il pas. Par les premiers convertis, restés en relations avec les membres du mouvement, Lisle Philipps, Pugin, il travaille à dissiper les préventions, à corriger les fausses conceptions que les anglicans se font du catholicisme. S’il ne peut intervenir directement, il laisse faire le temps, comprenant que le fruit mûrissait lentement mais sûrement.

Wiseman devait d’ailleurs lutter aussi contre l’incompréhension des catholiques qui, sous « l’empire de méfiances et de ressentiments séculaires, ne parvenaient pas toujours à comprendre qu’il pût leur venir quelque chose de bon de leurs persécuteurs ». Thureau-Dangin, op. cit., t. i, p. 227. Sur toutes ces difficultés provenant des anglicans et des catholiques, il s’expliqua publiquement dans une brochure parue en 1841, sous forme de Lettre au comte de Shrewsbury. Cf. Thureau-Dangin, op. cit., t. i, p. 228-231.

Wiseman fut heureux d’aider, à la fin de 1842, à la conversion du révérend Bernard Smith, recteur de I.cadenham, ancien fellow de Magdalen. qui abjura après une retraite faite à Oscott, sous la direction du coadjuteur. Quant à Newman, ce ne fut qu’après sa conversion (1845) qu’il entra en relations avec Wiseman : « Jamais, écrira ce dernier, quelques jours plus tard, l’Église n’a reçu un converti qui se soit approché d’elle avec une foi plus droite et plus simple. » Ward, op. cit., t. i, p. 433. Wiseman voit dans les ion vertis d’Oxford qui, en grand nombre, suivirent l’exemple de Newman, « un afflux de sang nouveau…, et des hommes pleins de l’esprit de l’Église priml tive ». Ward, op. cit., t. i, p. 385. Il les reçoit avec joie, leur donne asile dans une dépendance de son collège d’Oscott, dirige Newman et Ambroise Saint John vers Borne, où les suivront d’autres convertis, (.’est