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WION (ARNOLD DE — WIRCKBURGENSES


En fait ce texte paraît pour la première fois en 1595 dans l’ouvrage de Wion, sans aucune indication d’origine, et il a été impossible de mettre la main sur la moindre trace dans un manuscrit quelconque. Personne n’en a jamais parlé entre la mort de saint Malachie et la publication du Lignum vitse. Tout porte donc à croire que le texte a pris naissance peu avant cette dernière date, soit que Wion l’ait fabriqué lui-même, soit -- hypothèse beaucoup plus vraisemblable — qu’il ne se soit pas mis suffisamment en garde contre un faussaire qui lui en a imposé. Cette supposition se renforce quand on examine la contexture de cette pièce bizarre. Les textes relatifs aux papes antérieurs à 1595 donnent, dans la majorité des cas, un signalement de l’ayant-cause qui se tire de diverses circonstances toutes personnelles : de son pays, de son nom de famille, de son prénom, de son titre cardinalice, des fonctions antérieurement remplies par lui, de telle conjoncture de son pontificat. Les explications données à ce sujet par Ciacconius sont généralement satisfaisantes ; tout se passe comme si un auteur du xvie siècle, bien au courant de l’histoire pontificale, avait cherché à donner de la personne de chaque pontife un signalement plus ou moins transparent. La seconde série de légendes, à partir de 1595, a un caractère tout différent. Bien que les notices soient du même style que celles de la première, il faut en général des prodiges d’interprétation pour permettre de l’adapter à tel pape plutôt qu’à tel autre. Que signifie, dans le cas de Léon XI qui a régné quinze jours, la devise Undosus vir (n. 78), ou pour Innocent XI la légende Bellua insatiabilis (n. 86) et tant d’autres ? Sans doute on fait état de la devise Peregrinus aposlolicus (n. 96) attribuée à Pie VI, où l’on veut trouver une prédiction des voyages volontaires ou forcés qui éloignèrent ce pape de sa capitale. Plus encore insiste-t-on sur YAquila rapax (n. 97), légende de Pie VII, où l’on veut voir une annonce des persécutions infligées à ce pape par Napoléon I er ! Mais on ne remarque pas que, dans cette interprétation, ce n’est plus le pontife lui-même qui est désigné, mais au contraire le persécuteur qui l’a fait souffrir ? L’épithète Vir religiosus (n. 99) appliquée à Pie VIII pourrait, sans aucun doute, être attribuée à bien d’autres papes des trois derniers siècles. La devise Canis et coluber (n. 98) — qui est construite sur le type de beaucoup de légendes de la première série (cf. De cervo et leone, n. 57 = Paul II ; Ex ansere custode, n. 9 = Alexandre III) — ne peut être appliquée ni à la personne de Léon XII, ni à son pontificat, sans des prodiges d’interprétation. Et c’est le cas ryur la plupart des devises des papes des xviie et xviiie siècles. Ce manque de correspondance n’est que faiblement atténué par quelques coïncidences heureuses, dont la plus connue est celle qui se remarque entre le n. 1 02, Lumen in cœlo, et son attribution à Léon XIII, qui, dans ses armoiries de famille, portait une « étoile dans le ciel » et dont l’enseignement fut toujours une si grande lumière dans l’Église. Mais cette rencontre ne saurait compenser les multiples échecs de l’interprétation symbolique appliquée aux pontificats des trois derniers siècles. En bref, à prendre les choses en gros, les devises de la première série s’appliquent d’ordinaire assez bien, moyennant un peu d’ingéniosité, à la personne des papes qu’elles prétendent désigner. Pour celles de la seconde série, elles ne rappellent pas, d’habitude, la personne des papes auxquels on les attache, et ce n’est que moyennant une exégèse subtile que l’on peut parfois leur faire exprimer la caractéristique d’un pontificat. L’hypothèse de la fabrication aux dernières années du xvie siècle de cette étrange composition est donc celle qui rend le mieux compte des particularités que relèvent et la

critique externe et la critique interne du document. Celui-ci n’est pas, à coup sûr, digne de tout le travail qui s’est dépensé autour de lui.

Pour la bibliographie, voir surtout U. Chevalier, Répertoire des sources historiques du M. A., Bio-bibliogr., art. Malachie. En même temps qu’une argumentation énorme en faveur de l’authenticité on trouvera tous les renseignements désirables et une très copieuse bibliographie dans J. Maître, La prophétie des papes attribuée à saint Malachie, Beaune, 1901.

É. ÀMANN.


WIRCEBURGENSES. — On désigne sous ce nom un groupe de jésuites, à savoir les PP. Henri Kilber, Thomas Holtzclau, Ulrich Munier et Ignace Neubauer, professeurs de théologie à l’université de Wurzbourg, qui publièrent, à partir de 1766, un cours de théologie connu comme Theologia Wirceburgensis ou Herbipolensis. L’ouvrage fut entrepris à l’instigation du prince-évêque Philippe von Greiffenklau. Ce prélat, qui possédait sur ses terres une université florissante (érigée en 1582), trouvait peu pratique la méthode alors en usage de la « dictée » (sur cette méthode, cf. R. de Scorraille, François Suarez, 1912, t. i, p. 89-94). À la rentrée de 1747, il publia une ordonnance interdisant la dictée pour le cours de théologie, puis pour le cours de philosophie, invitant les professeurs, pour la commodité de leurs élèves, à choisir un livre de texte. Néanmoins le corps professoral résista, alléguant que l’usage de la dictée, supprimé dans d’autres universités, avait dû y être rétabli, et qu’il avait l’avantage d’obliger les élèves à plus d’attention, et les professeurs à soigner leurs cours, les « dictées » passant de main en main. Mais le prince-évêque maintint ses ordonnances et l’on fit choix, pour la théologie, de la dogmatique de Platel, de la théologie morale de Busembaum et des Controverses de Pichler. Mais la Synopsis de Platel paraissant trop brève, les professeurs de dogme se résolurent à imprimer leurs propres traités. Il semble cependant que ces projets n’aient pas été immédiatement mis à exécution, car, en 1749, le prince-évêque proteste encore contre le système de la dictée. On imprima cependant divers cours, mais ce ne fut que longtemps après que la Theologia Herbipolensis vit le jour. Dans l’intervalle, certains professeurs avaient été remplacés, tels Franz Schwarz et Théodore Weber, dont les dictées, au dire de l’historien de l’université de Wurzbourg, avaient servi à beaucoup d’autres. Voir B. Duhr, Geschichte der Jesuilen in den Làndern deutscher Zunge, t. iv b, 1928, p. 64-70.

La Theologia dogmatico-polemico-scolastica prælectionibus academicis accommodata parut de 1766 à 1771, en 14 vol. in-8°, chez J. Stahel, sous le nom des auteurs de chaque traité. Elle avait été précédée par des traités publiés séparément chez d’autres éditeurs, et qui ont été vraisemblablement repris pour être insérés dans l’œuvre collective. Nous en dirons quelques mots plus loin à propos des différents auteurs.

La théologie de Wurzbourg est donc moins une œuvre originale qu’un manuel abondant, reflet d’un enseignement nouveau par la méthode plus encore que par les doctrines. Elle suit en gros le plan des traités scolastiques, mais elle fait une place considérable aux questions positives. Le cours de controverses semble se fondre avec le cours de dogme. Les questions sont présentées sobrement ; on les fait suivre de longues séries d’objections. Les difficultés tirées de l’Écriture et de l’histoire du dogme sont résolues avec sérénité ; on évite d’ordinaire de nommer les adversaires, se contentant de formules générales : scriptores heterodoxi recenter insimulant. Cependant, plus d’une fois on rencontre les noms de Daillé, de Launoy ou de Dupin. De Bellarmin aux Wircebur-