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    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. ALEXANDRE DE HALÈS

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dant que, dans le même ordre religieux, se manifeste Duns Scot.

Du côté des dominicains, deux noms s’imposent : Albert le Grand et Thomas d’Aquin. Dans le clergé séculier, plusieurs noms sont à retenir : des évêques illustrèrent la science théologique en même temps que le gouvernement de l’Église, Guillaume d’Auxerre, Guillaume d’Auvergne, Robert Grossetête, etc. Au fur et à mesure de notre exposé, d’autres noms s’ajouteront à cette première liste mais en se groupant tous autour des « chefs de file ». Sur l’orientation générale de la théologie triuitaire au xiiie siècle, voir A. Stohr, Die Hauptrichiungen der Théologie des mu. Jahrhunderls, dans Tubinger theol.Quartalschrift, 1925, p. 113-135.

En ce qui concerne le dogme trinitaire, il faut, hors cadre, mettre en relief Robert Grossetête, évêque de Lincoln, et Guillaume d’Auvergne, évêque de Paris.

1. Guillaume d’Auvergne († 1249). —

Sans écrire à proprement parler sur les Sentences, Guillaume a laissé vingt-deux traités théologiques, dans lesquels on peut voir les éléments d’une vaste encyclopédie théologique, laquelle, tout en demeurant fidèle au plan qui a dicté l’œuvre du Lombard, prélude déjà à ia magistrale conception de saint Thomas d’Aquin.

Le traité De Trinitate, notionibus et prædicamentis est placé au début du t. h de l’édition d’Orléans-Paris, 1674. L’auteur y fait d’abord un préambule sur l’existence, la simplicité, la toute-puissance de Dieu prouvées par des arguments métaphysiques en forme de démonstrations géométriques. C’est par des raisonnements analogues qu’il veut établir le mystère de la Trinité. Toutefois il semble bien qu’on doive interpréter cette démonstration comme celle de saint Anselme, car Guillaume apporte des exemples tirés des choses créées « pour rendre ce mystère plus croyable ». L’âme humaine vit ; elle s’aime ; elle se conçoit : ces trois choses, vie, intelligence, amour ne sont pas dans l’âme comme des parties différentes d’elle-même ni comme des accidents ; elles ne font avec l’âme qu’une même essence. Enfin, l’auteur traite des notions et des attributs divins, tant relatifs qu’essentiels ; et il termine le traité en s’expliquant brièvement sur la volonté et la prédestination divines. Cf. Ceillier, op. cit., p. 1027. Sa doctrine sur les relations divines est encore bien hésitante : elle semble accorder aux personnes de la Trinité un caractère absolu. Voir Schmaus, op. cit., p. 391.

Comme évêque, Guillaume eut à censurer un certain nombre d’erreurs, réduites à dix propositions, où l’on retrouve des échos d’Abélard ou de Gilbert de la Porrée et de l’hérésie cathare. Cf. Ceillier, op. cit., p. 1030. Voici les premières, qui intéressent plus directement le dogme trinitaire :


I. Les bienheureux ne verront pas l’essence de Dieu ;
II. À raison de la force, l’essence divine n’est pas la même dans le Saint-Esprit que dans le Père et le Fils ;
III. Le Saint-Esprit, comme amour et lien de l’amour mutuel du Père et du Fils, ne procède pas du Fils ;
IV. Il y a plusieurs vérités éternelles qui ne sont pas Dieu même ;
V. Le principe n’est pas créateur.
Cf. Bibliotheca Palritm, t. xxv, p. 329.

2. Robert Grossetête († 1268). —

Cet auteur aurait admis, comme Guillaume d’Auvergne, que les personnes divines sont constituées par une propriété absolue, virtuellement distincte de l’essence : « L’opinion du vénérable évêque de Lincoln est qu’en Dieu il y a trois suppôts absolus et une essence commune et qu’il n’y a pas de suppôts constitués par les relations. Celles-ci s’ajoutent aux suppôts déjà constitués par les propriétés absolues ; c’est une réalité absolue, hypostasc ou personne, qui engendre et, en suite de cette génération, s’établit, par l’acte passif, per actum passivum, de l’origine une « habitude » (un rapport) de filiation. La troisième personne, qui est « spirée » acquiert aussi « l’habitude » de don ou d’Esprit. Les relations sont donc des habitudes consécutives aux personnes déjà constituées par des propriétés incommunicables et absolues, de sorte que l’essence est commune aux trois personnes absolues et chaque propriété personnelle est formellement incommunicable et propre à chaque personne. Ainsi, dans le Père, la paternité n’est pas formellement identique à l’essence et n’entre pas dans son concept ; et pourtant, dans le Père, elle est réellement identique à l’essence, sans composition ni imperfection… » Cité par Robert Cowton (début du xive siècle), dans Schmaus, op. cit., p. 452.

Cette doctrine trouvera à la fin du xiiie et au xiv «  siècles des adeptes. Schmaus cite, après Guillaume d’Auvergne, voir ci-dessus, P. Olieu († 1298), Jacques de Viterbe († 1307) et Jean de Ripa (t vers 1350). Les textes, p. 391, 467, 475, 541-543, 567, 551. On voudra bien, à l’art. Relations divines, t. xiii, col. 2152, ajouter ces noms à celui de Jean de Ripa.

Deux maîtres franciscains de l’école de Richard de Saint-Victor.

Pour l’intelligence des exposés qui vont suivre, il est nécessaire de se remémorer les notions philosophiques relatives au principe formel prochain, au principe formel immédiat, au principe formel quod et au principe formel quo des processions divines. Voir Processions divines, t. xiii, col. 654659.

1. Alexandre de Halès († 1245). —

Sur cet auteur, voir t. i, col. 772. On notera que, depuis la parution de cet article, les franciscains de Quaracchi ont commencé d’éditer la Somme théologique d’Alexandre, avec des introductions qui contiennent d’intéressants aperçus doctrinaux. Les difficiles circonstances dans lesquelles l’auteur du présent article s’est trouvé pour le rédiger, l’ont contraint à se référer au texte des anciennes éditions, sans faire la discrimination des interpolations de Guillaume de Méliton.

Dès les premières questions relatives à la Trinité, Alexandre corrige le plan défectueux de Pierre Lombard et s’en tient à l’ordre suivi par Richard de Saint-Victor, étudiant d’abord les attributs essentiels de la divinité et seulement ensuite la trinité des personnes.

a) Personnes, processions, relations.

Le point de départ, conforme au concept grec de la Trinité, est semblable à celui de Richard : Dieu, d’abord envisagé dans les trois personnes et ensuite dans l’essence unique. Comme chez Richard, « personne » signifie « substance ». Sum. theol., part. I a, q. lvi, memb. 3 ; cependant la personne est quis habens, la substance quid habitum : « Il y a plusieurs personnes et non plusieurs substances, parce qu’il y a plusieurs « ayant » un seul et même être indistinct, mais avec des propriétés différentes qui les unissent. » Ibid., q. xliv, resol. L’ordre de nature et d’origine des personnes nous est connu par la révélation, mais « puisqu’en Dieu tout est divine substance, il ne peut y avoir ordre de nature et d’origine que par rapport à une chose qui est substance. Donc il ne peut y avoir en Dieu un ordre sans qu’il y ait plusieurs hypostases. Bien plus, puisque l’hypostase est substance, l’ordre de nature établit les hypostases mêmes ». Ibid., q. xlvi, memb. 8, ad 2um. Écrivant après le concile de 1215, Alexandre explique qu’on ne peut dire : Substantia gentil subslantiam, car engendrer suppose non la substance conçue comme principium quo, mais la personne, principium quod, possédant la divine substance. Ibid., q. xlii, memb. 3, a. 2.

Toutefois, encore qu’il n’emploie pas l’expression, il semble bien qu’Alexandre maintienne encore que le principe prochain de la procession est l’essence.