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WESSEL

’est la ruine de la chrétienté : aussi tous les fidèles sont-ils tenus de résister à ceux qui détruisent l’Église. Les brebis, loin de devoir à leurs pasteurs une obéissance muette et passive, doivent examiner la nourriture qu’ils leur présentent, car elles sont douées de raison et de libre arbitre, et éviter par tous les moyens possibles la contagion de la peste ; si elles obéissent quand même, elles sont sans excuse. N’écoutez ceux qui sont assis sur la chaire de Moïse que s’ils parlent selon Moïse ; n’écoutez les docteurs et prélats que s’ils sont envoyés par le Christ, c’est-à-dire s’ils prêchent selon l’Évangile. » Remarquons toutefois que si ce passage et d’autres semblables peuvent être tirés au luthéranisme, il n’est pas impossible de leur donner une interprétation catholique. Le problème du refus d’obéissance à un pasteur indigne est de ceux qui peuvent se poser à la conscience d’un fidèle. Le tort de Wessel, ici, est de laisser entendre que le seul ou même le principal recours du fidèle, en face d’un pasteur suspect, est l’appel à la Bible ou à l’Esprit qu’il sent en lui-même. D’un pasteur particulier, il est toujours possible d’en appeler au pasteur suprême et aux conciles généraux antérieurs. De toute évidence, l’ecclésiologie de Wessel est insuffisante, pour ne rien dire de plus. Il n’admet pas même que l’Église puisse obliger sub morlali. La juridiction ecclésiastique ne se meut que dans le domaine des choses extérieures, et l’obéissance, qui lui est due pour le bien de la paix et de l’ordre public, ne met pas le fidèle en face d’une obligation de droit divin. Désobéir ne peut être qu’un péché véniel. Le passage cité plus haut, sur le droit de contrôle accordé à tout fidèle sur l’enseignement des supérieurs ecclésiastiques, paraît bien annoncer le dogme luthérien du sacerdoce universel.

La doctrine sacramentaire de Wessel est elle aussi passablement vague. Dans son désir de réagir contre la confiance populaire en une action en quelque sorte mécanique des sacrements, il insiste sur les conditions intérieures d’efficacité au point de donner à croire que ces conditions sont l’essentiel, voire le tout de l’action sacramentelle. En d’autres termes, il semble rejeter l’action ex opère operalo, pour mettre l’accent sur Yopus operanlis. Toutefois la pensée de Wessel, sur ce point, reste trop obscure, pour que l’on puisse assurer qu’elle est hétérodoxe, car l’Église catholique a toujours admis que l’efficacité du sacrement dépendait subjectivement des dispositions de ceux qui le reçoivent. C’est la doctrine connue de Vobex.

L’un des points où Wessel annonçait le plus les erreurs luthériennes, c’était celui de la pénitence. Pour lui, le péché mortel est effacé directement par l’Esprit-Saint, dans l’acte de contrition-charité. La rémission des péchés n’est pas distincte de l’infusion de la grâce, qui se confond avec le don de l’Esprit. La contrition n’est donc pas une condition de la rémission des péchés, puisque la rémission des péchés et l’infusion de la grâce ne sont que le don de l’Esprit, dans le temps même où il brise le cœur du pécheur par le repentir. La contrition est un effet et non une cause de la conversion et de la rémission des péchés. A plus forle raison, Wessel rejette-t-il la satisfaction. Pour lui la rémission de la faute ne peut aller sans la rémission de la peine. Il soutient même que le mot satisfaction, pris au sens strict, n’implique pas seulement une erreur mais un véritable blasphème et qu’il engendre le désespoir. La responsabilité devant Dieu consistant surtout dans la peine, que Wessel Identifie avec la privation de Dieu (peine du dam), il n’est pas possible que le péché suit pardonné sans que la peine disparaisse. Que l’on ne parle pas ici de peines t i-m porelles, car si Dieu remet la peine éternelle, a plus forte raison « loi I il remettre la peine temporelle. En d’autres termes, Wessel veut ignorer et la rémission

de la faute et la rémission des peines, car pour lui une seule chose compte : le don ou le retrait de l’Esprit, c’est-à-dire de la grâce. Et la condition essentielle de la grâce c’est la charité.

On conçoit dès lors que Wessel repousse l’indulgence. Il n’y a pas lieu d’accorder des indulgences en laissant croire que par là on remet des peines dues au péché, puisque la rémission de ces peines suit nécessairement celle de la faute, dans la justification par l’amour. L’indulgence ne peut avoir d’autre efficacité que la rémission des peines canoniques. Or, au su de tous, le sentiment populaire, quand on annonce une indulgence plénière, c’est que le pape concède immédiatement le droit d’entrée au paradis. C’est là une erreur grossière contre laquelle Wessel ne croit pas pouvoir assez protester. Sur ce point, il a raison, mais la conclusion qu’il tire de ce préjugé populaire est excessive. Et ce qui prouve combien sa pensée est flottante, c’est que, d’après sa doctrine de la rémission de toute peine en vertu même de la rémission de la faute, il devrait rejeter le dogme du purgatoire. Or, il maintient ce dogme, quitte à l’expliquer à sa manière. Selon lui, le feu du purgatoire est purifiant, mais il n’a rien de satisfactoire. Il achève la sanctification de l’âme, il l’élève à l’amour parfait, mais il n’a rien à effacer du passé. On a pu voir, dans cette opinion de Wessel, une résurrection et, si l’on veut, une anticipation de Vapocataslasis universelle, c’est-à-dire de la doctrine universaliste qui rejette l’éternité de l’enfer.

Une autre conséquence de la doctrine pénitentielle de Wessel, c’est que l’absolution du prêtre ne peut avoir aucun caractère judiciaire. C’est un abus de parler du tribunal de la pénitence. Le prêtre n’est pas un juge. La rémission des péchés n’est qu’un aspect concomitant de la justification. L’absolution ne peut revêtir que la forme d’une déclaration extérieure de justice intérieure ou de communion avec l’Église. Mais toute la réalité de cette communion résulte de l’action de l’Esprit dans le cœur du pénitent.

Logiquement, Wessel ne voit dans la confession autre chose qu’un exercice de détest ation du péché. Il veut que l’on se tourne plutôt vers un amour positif de Dieu que vers un amour négatif. Quicunqur ergo Deum laudani, écrit-il, magis vivuni quam qui sua peccala confilentur Deo adversum se. Plus enim dclectari in Domino quam sua peccata detestari. lui un mol, mieux vaut bénir Dieu dans la joie que ressasser ses fautes dans la tristesse !

Les idées antiluthériennes.

S’il y a, dans ce

qui précède, des opinions où Luther se retrouvait lui-même, il y en avait beaucoup d’autres où Wessel était, contre lui, le témoin de la tradition catholique. Et c’était sur les points essentiels que cette opposition d’idées entre Wessel et lui éclatait.

On a vu que, pour Wessel, ce n’est pas la foi seule, sans les œuvres, qui justifie, mais bien la foi qui opère dans la charité. En second lieu, la foi, chez Wessel. est avant tout une adhésion de l’intelligence aux enseignements divins, tandis que chez Luther la foi justifiante n’est autre chose que la certitude du salut. D’une telle certitude. Wessel ne sait rien. Il enseigne comme tous les docteurs catholiques que c’est « dans la crainte et le tremblement que nous devons faire notre salut ». Il ressort également de son langage, que la volonté humaine jouit de la liberté. I.e fata lisme luthérien ne présente, chez lui. aucune trace. Il admet, sans doute, le dogme de la prédestination, à la manière de saint Augustin, et il veut que l’on attii bue à Dieu seul toute la gloire du salut, mais, comme

saint Augustin aussi, il accorde une coopération de la

volonté hum. une dans l’acte divin qui nous Justifie.