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TESTAMENT — TESTAMENT (ANCIEN ET NOUVEAU

l’esprit qui doit nous guider dans l’interprétation du canon 1513.

Toute libéralité testamentaire en faveur d’une cause pie doit être considérée comme acquise à l’Église ; ce principe est à prendre dans le sens le plus large et sans aucune restriction provenant de la loi civile, qu’il s’agisse de défaut de formalités ou d’incapacités. Il suffit, mais il est requis aussi, que le testateur possède pour tester la capacité de droit civil et de droit ecclésiastique ; pratiquement, qu’il soit sain d’esprit, qu’il dispose de ce qui lui appartient et que le droit canonique ne l’ait pas inhabilité par la profession religieuse solennelle. À ce propos, faisons remarquer une exception qui mérite notre attention. Quand, en matière de causæ piæ, la loi française déclare nulles les libéralités excédant la réserve, la loi canonique n’entre pas en lutte avec la loi civile et elle admet que le legs soit nul en conscience. La raison en est que la réserve en faveur des ascendants et descendants est de droit naturel ; or, le canon 1513 n’a pas pour but de modifier le droit naturel, mais uniquement de maintenir contre la loi civile la compétence exclusive du droit ecclésiastique en fait de dernières volontés.

Une petite difficulté avait été soulevée par quelques auteurs au sujet de la terminologie différente dans les § 1 et 2 du canon 1513 : au § 1, le texte mentionne les causæ piæ, donc donne un sens général au principe, mais il semble en restreindre la portée au § 2, en employant les mots in bonum Ecclesise, c’est-à-dire, d’après le canon 1498, en appliquant le principe seulement aux personnes morales ecclésiastiques, quand il s’agit de legs dépourvus des formalités civiles. Mais cette difficulté est en train de disparaître, car les auteurs, Noldin et Vromant, qui s’appuyaient sur cette différence de termes pour enseigner que les legs civilement invalides ne seraient que douteusement valables pour la conscience, n’ont pas maintenu leur opinion dans les éditions subséquentes. Vromant, De bonis Ecclesiæ temporalibus, éd. 1934, n. 155 ; Noldin, Summa theol. moralis, t. ii, éd. 1932, n. 556. Il est donc juste de conclure avec Creusen-Vermeersch, Epitome juris canonici, t. ii, éd. 1930, n. 835, sub nota 1 : errat qui obligationem conscientiæ exsequendi legali pii civiliter informis extenuare vellet. Aucune distinction n’est a faire entre les causes « le nullité civile. Nonobstant n’importe quelle nullité, tout legs pieux, de sa propre nature, est valable, pourvu que le testateur possède la capacité naturelle et canonique ; c’est l’ancien principe de l’exclusive compétence de l’Église en cette matière, et d’ailleurs le canon 1498 semble lui même supposer que le terme Ecclesia peut recevoir un sens plus large ou plus étroit que celui de quælibet persona moralis in Ecclesia.

Tout legs pie gardant sa valeur île droit naturel et de droit ecclésiastique, la conséquence ne peut être autre pour les héritiers qu’un devoir de conscience d’accomplir fidèlement les dernières volontés du défunt.

Le canon 1513, § 2, l’exprime, mais d’une façon si délicate que le texte a donné lieu à des obscurités dans le cas où le legs n’a pas été revêtu des formalités civiles nécessaires : (hæ sollemnitates juris civilis) si omissæ fuerint, heredes moneantur ni testatoris voluntatem odimpleant.

La difficulté porte sur le sens exact du terme moneantur. Omettons l’avis de ceux qui pensaient que équivalait à non obligentur ; cette opinion est directement opposée à la lettre et à l’esprit du texte. D’autres ont compris le verbe monere dans son sens exhortatif et concluaient que l’obligation d’exécuter le legs existait, mais qu’il fallait se contenter d’en recommander l’accomplissement aux héritiers. Enfin une opinion plus commune, qui est devenue certitude par l’interprétation authentique de la Commission pontificale d’interprétation des canons du Code (17 févr. 1930, Acta Apost. Sedis, 1930, p. 196), donnait au verbe monere le sens de rappeler un devoir, donc une signification préceptive comme le dit expressément la réponse de la Commission pontificale.

Mais la forme délicate de cette prescription reste significative. Elle ne vaut, cela va de sol, que si les dernières volontés sont certaines, et nul héritier ne peut être obligé en conscience d’exécuter un legs pie. dont il n’a pas la preuve. Avant de s’y résoudre, il a le droit de demander un écrit dont il reconnaîtra l’écriture comme étant certainement celle du testateur, ou encore au moins deux témoins sérieux de l’affirmation que l’on prête au défunt ; en cas de doute, il pourra ne pas se rendre et attendre la sentence d’un tribunal ecclésiastique.

La forme choisie par le Code indique aussi que la monition doit se faire avec prudence. C’est d’ailleurs, en théologie morale, la règle générale qui guide et modère toute monition, en prescrivant le choix du moment, des mots et des autres circonstances. Le canon 1517 lui-même énumère quelques règles spéciales de prudence, marquant bien que l’Église ne veut pas procéder avec esprit de lucre et de dureté en ces affaires qui ont un aspect tout d’abord matériel. Si l’exécution du legs, en raison de la grandeur des sommes en question ou de la situation économique des héritiers, paraît trop dure, trop lourde, que les héritiers s’adressent au Saint-Siège par une supplique demandant la réduction et la modification du legs, can. 1517, § 1 ; que si elle est devenue moralement impossible sans qu’il y eût eu faute de la part des héritiers, l’Ordinaire a le pouvoir d’en diminuer la charge, à moins qu’il ne s’agisse de réduction de messes, question qui est de la compétence exclusive du Saint-Siège. Can. 1517, § 2. Les héritiers ont donc les moyens d’arranger ces sortes d’affaires avec l’autorité ecclésiastique qui se montrera conciliante autant que le droit le lui permettra.

Tous les ouvrages de théologie morale traitent la question des testaments : avant le Code, Ballerini-Palmieri, D’Annibale, Gousset, Lehmkuhl, Marc, Génicot, Prümmer, Tanquerey ; pour l’explication du canon 1513, en plus des nouvelles éditions de Noldin-Schmitt, Marc-Rauss, Génicot-Salsmans, Tanquerey, les ouvrages de Vermeersch, Theol. moralis, t. ii, 1928, p. 564 ; Vromant. De bonis Ecclesiæ temporalibus, éd. 1934, n. 154-155 ; Creusen-Vermeersch, Epitome juris canonici, t. ii, 1930, n. 835 ; Salsmans, Droit et morale, 1924, n. 322-330. — Pour l’explication du Code civil français : Planiol-Ripert, Traité élémentaire de droit civil, 1937, t. iii, n. 2512 sq.; Allègre, Le Code civil commenté à l’usage du clergé, t. i, 1895, p. 628-631.

P. Chrétien.

2. TESTAMENT (ancien et nouveau).

Dans la langue ecclésiastique, le mot testament, simple transcription de testamentum latin, lequel traduit d’ordinaire le διαθήκη grec, a un sens très particulier qui ne se rattache que d’assez loin à celui de « disposition testamentaire ». Accompagné de l’une des deux épithètes « ancien » ou « nouveau », le terme désigne en premier lieu l’économie de salut réalisée par Dieu avant et après la révélation terrestre du Fils de Dieu. On parle des institutions de l’Ancien Testament, on dit que certaines d’entre elles oui été abolies sous ou encore par le Nouveau Testament. C’est dans le même sens que l’on dit : l’Ancienne et la Nouvelle Loi et, avec une nuance un peu différente : l’Ancienne et la Nouvelle Alliance. Dans cette acception les mots testament, loi, alliance sont à peu près équivalents.

Par abrégé, les mots Ancien Testament, Nouveau Testament, en sous-entendant le mol histoln disent aussi dis événements dans et par lesquels se sont manifestées ces deux économies de salut : « la