Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/8

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


DICTIONNAIRE

DE

THÉOLOGIE CATHOLIQUE

Séparateur

T


TABARAUD Mathieu-Mathurin, prêtre de l’Oratoire (1744-1832). — Né à Limoges le 17 avril 1744 ; il fit ses études au collège des jésuites de sa ville natale et entra dans la communauté de Saint-Sulpice ; les supérieurs ne goûtèrent pas sans doute sa tournure d’esprit et il fut remercié ; peut-être en garda-t-il quelque rancune et une certaine manière de juger les personnes et les choses relativement au clergé. Il fut reçu dans la congrégation de l’Oratoire à vingt-deux ans ; son cours de théologie achevé, il professa les humanités à Nantes, la théologie, le grec, l’hébreu à Arles ; à Lyon, il travailla avec son confrère Valla à la composition d’un cours de théologie connu sous le nom de Théologie de Lyon ; il eut surtout beaucoup de part à la seconde édition., publiée en 1780 sous les auspices de M. de Montazet, fortement attaché au jansénisme, et contribua sans doute aussi au cours de philosophie du même auteur. Il se trouvait à Lyon en même temps que M. Émery, professeur de théologie au séminaire Saint-Irénée, et plusieurs fois ils eurent à discuter ensemble sur des questions rendues délicates par la présence d’un évêque appelant.

En 1783, il devint supérieur de Pézenas ; il était à La Rochelle en 1786, lorsque Louis XVI rendit l’état civil aux protestants : il écrivit, pour l’approuver, une première Lettre d’un théologien aux curés de La Rochelle. L’évêque, M. de Crussol, protesta le 26 février 1788 dans un mandement qui fut supprimé le 3 avril par arrêt de la Cour ; Tabaraud de son côté répliqua par une Seconde lettre d’un théologien aux curés de La Rochelle, xi-31 p. Quand la Révolution éclata, il était supérieur de la maison de Limoges qu’il rebâtissait après un incendie.

Il se montra d’abord favorable aux réformes qu’il croyait utiles à l’État et à l’Église ; à la demande de Necker, il indiqua celles dont le clergé avait besoin et publia Motifs de justes plaintes du clergé du second ordre, Limoges, 1788, in-8°. Mais, la Révolution ayant dépassé très vite les limites dans lesquelles il désirait la voir rester, il écrivit en faveur de la monarchie, contre la Constitution civile du clergé, la persécution des prêtres : 1. Lettre du P. T. de l’Oratoire au P. R. de la même congrégation, Limoges, 27 juillet 1790. Ensuite, il publia en faveur et au nom de plusieurs citoyens paisibles de Limoges : 2. Prospectus et mémoire pour la Société des amis de la paix, Limoges, 1791, in-8⁰ ; Exposition de la conduite et des principes des amis de la paix, Limoges, 1791 ; Adresse des habitants de la paroisse Saint-Michel au directoire de la Haute-Vienne, Limoges, 1791, in-8° ; Pétition aux administrateurs du directoire de la Haute-Vienne ; Pétition des habitants de Saint-Junien au directoire de la Haute-Vienne, 1791, in-8° ; Adresse des habitants de la paroisse Saint-Michel-des-Lions ; Adresse de la paroisse Saint-Pierre-des-Queyrois de Limoges, 1791, in-8°. Ces brochures, très rares, sont dirigées contre les jacobins ou les prêtres constitutionnels ; c’est en partie grâce à leur auteur que l’ordre se maintint dans Limoges, tandis que d’autres villes tombèrent dans l’anarchie. 3. Il adressa à l’évêque constitutionnel Guy de Vernon, deux Lettres, l’une du 14 avril 1791, l’autre du 14 mai 1791, et des Observations sur le mandement de l’intrus, 1792. Le véritable évêque, Mgr d’Argentré, lui écrivit à propos de ces brochures : « J’ai lu tous les ouvrages que vous avez publiés pour la bonne cause : ils font autant d’honneur à vos talents qu’à la solidité de vos principes et à votre zèle pour tout ce qui pourrait intéresser la religion. » Dénoncé au club jacobin de Paris par celui de Limoges, il fut contraint de fuir à Lyon d’abord, puis à Paris. Le P. Moisset, supérieur général, était mort le 7 décembre 1790 et n’avait pu être remplacé ; Tabaraud fut très probablement un des soixante oratoriens qui signèrent, le 10 mai 1792, une adresse au pape Pie VI, dans laquelle ils protestaient contre le sacre des premiers évêques constitutionnels et, « levant les yeux vers le centre de l’unité catholique comme vers le port assuré du salut, désiraient renvoyer leur dernier souffle de vie au principe de qui l’Oratoire l’avait reçu » ; il l’a reproduite dans son histoire du cardinal de Bérulle. Il publia en 1792 un de ses ouvrages les plus importants : Traité historique et critique sur l’élection des évêques, Paris, 2 vol. in-12 : l’élection appartient au clergé, le peuple ne doit que manifester ses vœux.

Affligé et effrayé de la journée du 20 juin 1792, il se retira à Rouen, d’où, après les massacres de septembre, il s’exila à Londres pendant les dix ans qu’il y resta, sa plume lui fournit des moyens d’existence. Il rédigea la partie politique du Times, donna des articles à l’Oracle, à l’Anti-Jacobin Review. Il traduisit de l’anglais les Réflexions soumises à la considération des