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    1. TKHTULLIEN##


TKHTULLIEN. DOCTRINE, L’ÉCRITURE

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S’agit-il de tenir tête au clergé, tous les laïques se lèvent comme un seul homme ; tous sont prêtres, ils le prouvent au besoin par l’Écriture. S’agit-il, au contraire, d’étendre à tous les prescriptions onéreuses et la discipline sacerdotale ? aussitôt ils déposent les insignes du sacerdoce ; les voilà tous égaux, au dernier rang. » De monog., xii.

Le dernier terme de l’évolution est fourni par le De pudicitia, où l’on voit le pouvoir de remettre les péchés conféré, non pas à l’Église hiérarchique, c’est-à-dire pratiquement aux évêques, mais à l’Église spirituelle. Ecclesia quidem delicta donabil, sed Ecclesia Spiritus per spiritalem hominem non Ecclesia numerus episcoporum. De pudic, xxi. À ce moment l’Église n’a pour ainsi dire plus de réalité visible : elle réside essentiellement dans l’Esprit-Saint qui est sur la terre le principe de l’union des fidèles, comme il est au ciel le principe de l’union des trois personnes divines : Nam et Ecclesia proprie et principaliter ipse est Spiritus, in quo est Trinilas unius divinilatis, Pater et Filius et Spiritus Sanctus. Illam Ecclesiam congregat quam Dominus in tribus posuit. Atque ita exinde etiam numerus omnis qui in hanc fidem conspiraverint Ecclesia ab auctore et consecratore censetur. De pudic, xxi.

Nous sommes ici bien loin de l’Église catholique, telle qu’elle était représentée dans le De præscriptione hæreticorum. Mais, en parlant comme il le fait dans le De pudicitia, Tertullien se borne à exprimer ses idées personnelles, ou au plus celles du petit groupe auquel il s’est rattaché. Dans le De præscriptione, au contraire, sa voix faisait écho à celle de toute la catholicité.

2° Les sources de la foi : Écriture et tradition. — L’Église véritable tire sa foi de l’enseignement divin. Cet enseignement, qu’elle doit garder et transmettre avec fidélité, se trouve contenu dans l’Écriture Sainte et dans la Tradition.

1. L’Écriture.

C’est un bloc, dont toutes les parties doivent être reçues avec un égal respect. Elle comprend deux recueils de pareille autorité : l’Ancien Testament : vêtus instrumentum, Adv. Hermog., xx ; inslrumentum judaicæ litleraturæ, De cultu femin., i, 3 ; armarium judaicum, ibid. ; et le Nouveau Testament : novum Testamentum, De oral., i ; Adv. Marc, v, 4. Ce dernier se divise lui-même en deux parties : evangelicum instrumentum, Adv. Marc, iv, 2 ; et apostolica instrumenta, De resurr. carn., xxxix ; evangelicæ et apostolicæ litterse, De præscr., xxxvi.

A ces deux recueils, l’Église puise la doctrine de vérité : (Ista Ecclesia) legem et prophetas cum evangelicis et apostolicis litteris miscet ; inde potat fidem. De priescript., xxxvi. Marcion, on le sait, rejetait l’Ancien Testament, où il voyait l’œuvre du Dieu juste, le Père du mensonge. Tertullien tient à affirmer, contre l’hérésiarque, que les deux Testaments sont l’ouvrage du même Dieu ; que, s’ils se distinguent comme le fruit se distingue de la semence, ils ne sont nullement opposés l’un à l’autre. Adv. Marc, iv, 11,

Le canon de l’Ancien Testament a été reçu des Juifs. Tertullien ne se pose à son sujet aucune question et il reçoit avec un égal respect les protocanoniques et les deutérocanoniques. Si l’on ne trouve pas dans ses œuvres d’allusions à Ruth, Esther et Aggée, parmi les premiers, à Tobie et aux fragments d’Esther parmi les seconds, c’est par hasard et parce que les circonstances ne lui fournissent pas l’occasion de citer ces ouvrages. Quant au Nouveau Testament, Tertullien défend contre Marcion le caractère inspiré des quatre évangiles dans leur intégrité, les Actes des apôtres, les treize premières épîtres de saint Paul. Il cite encore, comme Écritures divines, la première épître de saint Pierre, la première de saint Jean, l’épître de saint Jude et l’Apocalypse qu’il attribue expressément à saint Jean. Ad Scap., xii ; Adv. Marc, iii, 14 ; De fuga, ix. L’épître

aux Hébreux est mise à un rang inférieur, parce qu’elle est regardée comme l’œuvre de Barnabe, mais Tertullien ne fait aucune difficulté pour reconnaître qu’elle est plus généralement reçue que le Pasteur d’Hermas. De pudic, xx.

Parmi les apocryphes, Tertullien cite plusieurs fois Hénoch, bien qu’il n’ignore pas la défaveur de certains fidèles pour ce livre qui ne figure pas dans le canon juif, De cultu femin., i, 3, et il le tient personnellement pour inspiré. De même, il pense que la Sibylle a prononcé des oracles du vrai Dieu et qu’il faut lui faire confiance, Ad nation., ii, 12 ; Apol., xix (fragment de Fulda). Dans ses ouvrages catholiques, il parle du Pasteur d’Hermas avec respect et il le cite volontiers, De orat., xvi ; mais, une fois devenu montaniste, il le rejette comme apocryphe et fauteur d’adultère. De pudic, x et xx. Il met en garde les fidèles contre les Actes de Paul, écrits, assure-t-il, de son temps, par un prêtre d’Asie, qui fut pour cette faute, déposé de son office. De bapt., xvii.

Le plus souvent, Tertullien emploie, pour l’Ancien Testament, la version des Septante et, pour le Nouveau, le grec original, qu’il traduit lui-même en latin. Il va jusqu’à déclarer que tout chrétien doit s’en tenir au texte des Septante, seul capable de décider dans les cas douteux. Apol., xviii.

Cependant, il n’ignore pas l’existence de versions latines et il est un des témoins les plus anciens de ces vieilles traductions populaires, que nous ne connaissons avant lui, que par les Actes des martyrs scillitains. A vrai dire, il ne nous renseigne pas sur elles avec autant de précision que nous le voudrions, car il cite habituellement la Bible d’une manière très libre et le même verset reparaît ici ou là dans ses œuvres avec des variantes très notables. Tandis que, chez saint Cyprien, on pense constater une réelle fidélité à suivre une version unique, on a l’impression qu’au temps de Tertullien, l’Église d’Afrique devait posséder plusieurs essais de traductions latines, sans donner la préférence à aucun d’entre eux et le rhéteur carthaginois ne se fait pas faute de proposer ses propres interprétations. Quelques critiques ont même pu se demander si Tertullien témoignait réellement en faveur des traductions latines : leur scepticisme porte à faux, et quelques unes de ses formules tout au moins sont décisives pour trancher le débat.

L’Écriture appartient à l’Église. Seule l’Église a donc le droit de l’interpréter d’une manière authentique. Les hérétiques, lorsqu’ils proposent des explications nouvelles, ne méritent même pas d’être entendus, car ils emploient un livre qui n’est pas à eux. De prœscr., xii, xiv. On peut cependant formuler les règles d’une bonne exégèse : procéder du connu à l’inconnu, du certain à l’incertain, expliquer les passages obscurs par l’ensemble des passages clairs, De resur. carn., xxi ; Adv. Prax., xxvi ; De pudic, xvii ; ne pas s’arrêter aux mots, mais s’efforcer de pénétrer l’esprit, Scorp., vu ; rechercher dans le Nouveau Testament le sens exact des passages de l’Ancien sur lesquels on éprouve des hésitations. Ibid., ix-xii. Toutes ces règles sont très sages. Elles aboutissent à une condamnation de la méthode allégorique, dont Tertullien marque bien les défauts : n’en vient-on pas, sous prétexte d’allégorie, à tourner en symboles tous les enseignements de l’Écriture, en particulier ceux qui concernent la résurrection des morts ? n’est-on pas amené à chercher une signification figurée aux moindres détails et ne tombe-t-on pas de la sorte dans de vaines subtilités ? De resur. carn., xx sq. ; De pudic, vin sq.

L’exégèse de Tertullien s’efforce donc avant tout d’expliquer l’Écriture au sens littéral et le plus souvent elle est sagement conduite. Les livres contre Marcion en particulier témoignent d’une véritable maîtrise et