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TERTULLIEN. DOCTRINE, LA RÈGLE DE FOI
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été ordonné par Pierre et le bienheureux Éleuthère. Il ne donne jamais la liste complète des évêques de Rome comme le faisait saint Irénée. Dans le De pudicitia, il va jusqu’à écrire : Præsumis et ad te dérivasse solvendi et alligandi potestatem, id est ad omnem Ecclesiam Pétri propinquam ? Qualis es, evertens atque commutons manijestam Domini inlentionem personaliter hoc Petro conjcrentem. De pudic, xxi. Ceux qui reconnaissent le pape Calliste dans l’adversaire de Tertullien concluent au moins de ce passage qu’au début du me siècle l’évêque de Rome faisait appel au texte de Matth., xvi, 16-18, pour établir son autorité. Mais il est plus probable, comme semble l’indiquer l’incise, id est ad omnem Ecclesiam Pétri propinquam, que le personnage visé par Tertullien n’est pas le pape lui-même, mais un autre évêque, sans doute l’évêque de Carthage, qui revendiquait le pouvoir des clés, sous le prétexte que les privilèges de Pierre avaient passé à toutes les Églises susceptibles de se recommander de lui en quelque manière. L’Église de Rome est une de ces Églises ; elle n’est pas la seule. On peut croire d’ailleurs que l’exégèse de Tertullien lui est personnelle : c’est parce qu’il est montaniste et montaniste fougueux au moment où il rédige le De pudicitia, qu’il s’efforce d’enlever aux évêques leurs prérogatives et qu’il limite au seul Pierre l’exercice des pouvoirs donnés par le Sauveur. Il ne parlait pas ainsi dans ses œuvres catholiques et il n’hésitait pas à y reconnaître l’autorité des évêques.

Aux évêques, en effet, il appartient d’enseigner, d’administrer les sacrements, de gouverner. Ce sont eux qui baptisent, De bapt., xvii ; qui consacrent l’eucharistie, Apol., xxxix ; De cor., m ; qui remettent les péchés, De pudic, xviii ; qui prescrivent les jeûnes à la communauté, De jejun., xiii ; qui président à toutes les réunions. Ils sont véritablement les chefs des Églises. Les prêtres, les diacres, le clergé inférieur leur sont soumis et n’exercent leurs fonctions que sous leur contrôle et avec leur permission. Aussi doivent-ils être pour les fidèles des modèles de vertu : en particulier leur est-il strictement interdit de contracter de secondes noces. Il semble que cette règle ait été parfois violée, De monog., xiii ; mais Tertullien s’en indigne et sans doute n’est-il pas le seul à le faire. Il arrive parfois, dans les pays de langue grecque, que les évêques des cités voisines s’assemblent pour traiter des questions importantes, De jejun., xiii ; et ces conciles Offrent l’avantage de donner, en quelque manière, un corps à l’Église catholique, d’en fournir la représentation visible.

Même sans eux, l’unité de l’Église est parfaitement assurée par l’unité de la foi qui trouve sa formule dans la règle à laquelle Tertullien aime à se référer et dont il ne donne pas moins de quatre exposés.

Les deux premiers figurent dans le De præscriptione :

llla est autem fidei… llla scilicet qua creditur iinum

omnino i >eum rvw nec allum præter mundicondltorem, qui

universa de nlhtlo produxeril per Verbum nium primo

omnium demissum ; Id Verbum, Filium ejus appellatum, In

Domine Del varie vtaum a palriarchta, in prophetta sempei

lum, postremo delatum ex spii Itu Patris Deiel virtute

In virglnem Mariam, carnem tactum In utero ejus et es ea

natum extase Jesum Christum ; exinde prsjdicasse novam

legem et novam promisslonem regnl ccelorum, vlrtutes

ni tertia die resnnexisse, in cselos ereptum

ram l’atrta, misi se vicariam vim Splritui

i, qui credontes agat, venturum cum claritate ad su mendos sanctos in vit » seternæ et promlssorum ocelestium

fructum el ; > « I profanos Judlcandos Igni perpetuo, tacta

utriusque partis resuscltatione cum carnis reatltutlone, De

r.. XIII.

La deuxième formule n’est visiblement qu’un résumé. Elle affirme : - un seul Seigneui Dieu, créateur du monde, el Jésus-Christ, né de la vierge Marie, lils

du Dieu créateur, la résurrection de la chair. » Ibid., xxxvi. On ne saurait la regarder comme exprimant toute la foi de l’Église : à elle seule l’omission du Saint-Esprit suffirait à nous le montrer.

Un troisième texte est donné dans le De virg. vel., i :

Régula qnidem fidei una omnino est, sola immobilis et irreformabilis, credendi scilicet inunicumDeumomnipotentem, mundi conditorem, et Filium ejus Jesum Christum, natum ex Maria virgine, crucitixum sub Pontio Pilato, tertia die resuscitatum a mortuis, receptum in cselis, sedentem nunc ad dexteram Patris, venturum judicare vivos et mortuos per carnis etiam resurrectionem.

Enfin, la quatrième formule appartient à la période montaniste ; elle figure dans VAdversus Praxean, i :

Nos vero et semper et nunc magis, ut instructiores pei Paracletum, deductorem scilicet omnis veritatis, unicum quidem Deum credimus, sub hac tamen dispensatione, quam œconomiam dicimus, ut unici Dei sit et Filius Sermo ipsius, qui ex ipso processerit, per quem omnia facta sunt et sine quo factuni est nihil. Hune missum a Pâtre in virginem et ex ea natum, hominem et Deum, filium hominis et filium Dei et cognominatum Jesum Christum ; hinc passum, hinc mortuum et sepultum secundum Scripturas et resuscitatum a Paire et in cado resumplum sedet ad dexteram Patris, venturum judicare vivos et mortuos ; qui exinde miserit, secundum promissionem suam a Patio Spiritum Sanctum Paracletum, sanctificatorem lidei eorum <iui credunt in Patrem et Filium et Spiritum Sanctum.

On peut être surpris de ce que Tertullien, qui par ailleurs accorde tant d’importance à l’unité de la règle de foi, n’en donne pas une seule formule, stéréotypée une fois pour toutes, mais qu’il en cite des rédactions assez différentes les unes des autres. Le quatrième texte en particulier est manifestement d’inspiration montaniste et il met l’accent sur le rôle de l’Esprit-Saint. Il est d’autant plus remarquable que Tertullien, en même temps qu’il se déclare plus instruit par le Paraclet, affirme l’identité de la foi montaniste avec celle de la grande Église.

En toute hypothèse, si les formules diffèrent les unes des autres, leur contenu est un : ce n’est pas l’omission, sans doute accidentelle, de la mention de Saint -Esprit dans la seconde et dans la troisième d’entre elles qui peuvent inspirer des cloutes quant à la croyance universelle sur ce point. Il est vraisemblable que, pour l’administration du baptême, les questions posées au catéchumène étaient fixées dans leur teneur è Carthage comme à Rome, mais que le texte même de la profession de foi pouvait recevoir des compléments plus ou moins considérables, selon les circonstances. L’essentiel est que toutes les Eglises du monde aient la même croyance. Aucun doute n’est permis sur ce point.

Lorsque Tertullien sera devenu montaniste, ses idées sur l’Eglise subiront naturellement l’influence de ses nouvelles croyances. Autant, durant sa période cal Indique, il insiste sur le critère de l’apostolicité qu’il regarde comme le seul décisif, aillant, pendant les dernières années de sa carrière, il met l’accent sur l’inspiration de l’Esprit-Saint. À l’Église hiérarchique, il substitue l’Église charismatique : « Lsi ce que, même laïques, nous ne sommes pas prêtres ? il est écrit : » Il vous a faits royaume, prêtres de Dieu son I’( Entre clercs et laïques, la différence est constituée par l’investiture de l’Église, qui honore les uns d’une pré e. OÙ il n’y a plus ni assemblée ni préséance, vous

sacrifiez, vous baptiseI. ous êtes prêtres par vous-mêmes, de plein droit. Mais on se trouvent réunis trois ftdi les, fussent ils laïques, la est i I De exhort.

CIUL, viii. Les mêmes idées se ici rouvent dans le I rai lé

De monogamia, où Tertullien étend aux simples fidèles le précepte apostolique du mariage unique : Faudra t il donc, pour le recrutement du clergé, constituer un ordre de fidèles monogames ? En matière de droit ecclésiastique, on rem ont re d’étrangi sini onséquences.