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TRIBUT. L’OBLIGATION FISCALE


dans son ouvrage Droit et morale, 1925, n. 180-184. Dans son cours de l’université grégorienne, le P. Vermeersch, cf. Theol. mor., 1937, t. ii, n. 528, accède en somme à cette opinion, en affirmant que l’intention d’obliger en justice est de moins en moins probable chez le législateur moderne et qu’on peut donc regarder la plupart des lois fiscales actuelles comme n’obligeant pas directement en justice.

De plus un certain nombre de moralistes professent la même doctrine en ce qui concerne les impôts indirects : ainsi Ballerini-Paîmieri, Opus morale, 2e éd., 1892, t. i, p. 325, n. 154, si on entend vectigalia et gabellæ dans ce sens d’impôts indirects ; tout à fait explicitement Lehmkuhl et Noldin, loc. cit.

d) Enfin il faut noter que certains auteurs se refusent, en ce qui concerne les impôts de leurs temps, à donner, sur leur obligation et toute leur casuistique, des réponses générales : ils sont trop divers, disent-ils, d’après les pays et aussi selon leurs natures. C’était la position que prenait Cl. Marc dans ses Institutiones alphonsianse, 13e éd., 1906, t. i, n. 967 ; après avoir présenté les trois opinions générales, il concluait que les impôts actuels sont très différents de ceux du temps de saint Alphonse et qu’on ne peut donner à leur sujet de règle générale. C’est cette même position qu’ont reprise naguère deux des plus récents auteurs : Merkelbach, Summa theol. mor., 2e éd., 1935, t. ii, n. 628 et Vittrant, Théol. mor., 1941, n. 454 sq.

3. En un certain nombre de points, les auteurs modernes se sont accordés au sujet de l’impôt :

a) Est sévèrement défendue, et doit être considérée comme allant contre la justice commutative elle-même, la corruption des fonctionnaires du fisc. Ils sont en vertu de leur contrat professionnel obligés de remplir honnêtement leur office. Si, en les achetant, on les en détourne, on participe à leur injustice.

b) Les lois et règlements des impôts indirects et spécialement des douanes, sont considérés par beaucoup d’auteurs comme de caractère purement pénal ; ils n’en condamnent pas moins comme contraire à la morale le métier de contrebandier : il constitue un mépris trop continu et trop complet de telles lois, et puis il expose à des dangers constants et graves, même au point de vue de la vie.

c) Dans ses monopoles, dans V exploitation de son domaine public, l’État se trouve dans la position d’un directeur d’entreprise, d’un patron. Même si ces sources de revenus se trouvent participer de l’impôt, entre l’État et le citoyen s’instituent des rapports de justice commutative qui seront à respecter.

Par exemple, en France, en ce qui concerne les Chemins de fer, les Postes et Télégraphes, etc., si l’on peut fermer les yeux sur certaines fraudes très légères ou portant sur des modalités secondaires (comme les diverse ! classes des chemins de fer), des torts vraiment appréciables et non tolérés par l’usage commun du milieu, par exemple voyager sans billet, seraient dis injustices, pouvant donner lieu à restitution.

4. Au terme de cette étude sur la doctrine théologique de l’impôt civil, notons un fait récent, qui exercera sans doute une influence sur l’avenir de celle-ci.

Dès le début du xxe siècle, des critiques ont été adressé" 1, à cette doctrine par ceux qui, sous l’influence et la direction des grandes encyclique pontificales, travaillaient à constituer une théologie sociale répondant m besoins de notre temps. Ils reprochaient à la théologi. moral’- une attitude trop indulgente vis-à-vis des contribuables et de leurs fraudes

lien d’insister sur le di voir qu’oui tons les citoyens de participer aux charges de l’Etat, bien des

auteur’, ne l’éner aient ils pas en air. plant Irnp f.-n-i Igment l’assimilation des lois fi cales à des lois purement pénales ? Au lieu de réagir contre une opinion

trop portée vers un individualisme qui ne regardait que le bien personnel du contribuable, ne la favorisaient-ils pas, au risque de s’illusionner, en oubliant les exigences et les nécessités du bien commun ?

On trouverait l’expression de ces craintes et de ces désirs dans diverses leçons des Semaines sociales de France, par exemple celles du P. Antoine, Rouen, 1910, 7e année, p. 123 sq. (Doctrine générale de l’impôt), de M. Ad. Boissard, Versailles, 1913, x c session, p. 187 sq. (Fondement de l’obligation fiscale), etc. Pour illustrer ce conflit entre moralistes et maîtres de la science sociale catholique, indiquons les rapports et discussions d’un Congrès d’économie sociale à Liège en 1918 : Congrès de Xhovémont, compte rendu, Liège, 1921 ; rapports du P. Rutten sur le rôle de l’État, p. 188 sq. et du P. Vermeersch sur l’impôt, p. 203 sq. ; Discussions très ives, p. 197 sq. Comme résumé de ce mouvement d’idées, nous citerons enfin ce qu’expose avec netteté le Code social de Matines, Esquisse d’une synthèse sociale catholique, publié en 1928 par l’Union internationale d’études sociales, fondée en 1920, sous la présidence du cardinal Mercier. En tête du § xiii sur l’impôt, il y est dit, n. 121 : « Les lois fiscales justes et justement appliquées obligent en conscience. L’effort des catholiques sociaux doit tendre à corriger l’opinion abusé ; en cette matière et à provoquer, au nom de la justice sociale, une loyale, participation des gens de bien aux charges de l’État. »

Sans nul doute, pour apprécier tout à fait justement ces critiques, il ne faut pas oublier le point de vue et la tâche propre de la théologie morale : avant tout elle entend préparer le futur prêtre à son ministère pénitentiel et le mettre à même de ne pas manquer à la justice vis-à-vis de ses pénitents. On conçoit donc qu’elle tienne compte et de l’opinion commune — serait-elle relâchée — et de la bonne foi du pénitent, de sa situation individuelle. Même le théologien social le plus convaincu de sa doctrine et le plus dévoué au bien commun sera obligé de tenir compte des situations présentes, dans ses jugements pénitentiels ; il ne pourra condamner les honnêtes gens à un héroïsme fiscal qui les mettrait en trop mauvaise position, tenir rigueur au contribuable, qui a rempli une grande partie de ses obligations, d’esquiver, somme le fait tout son milieu social, une partie relativement minime de charges considérables ; les encycliques Rerum novarum et Quadragesimo anno ont reconnu que certains impôts, tels ceux sur les héritages, sont souvent abusifs, contraires aux intérêts familiaux et sociaux.

Par conséquent, qu’au tribunal de la pénitence et dans la préparation du juge à ce tribunal ou garde une certaine indulgence, qu’on laisse une certaine marge dans l’accomplissement du devoir strict, il ne faut ni s’en indigner, ni le reprocher à la théologie morale. Celte dernière ne peut que souhait) t voir de meilleures mœurs fiscales s’instituer, un état d’esprit plus Boctal, plus dévoué au bien commun, une meilleure organisation des impôts de la part de l’État être recherchés et établis. Elle est toute prête à y travailler pour sa part et sans doute c’est dans ce sens — dan, un esprit plus social et communautaire — qu’elle s’orientera dans les temps qui viennent ; la réaction générale contre l’individualisme qui prévaut actuellement accentuera sans doute c tic tendance que divers auteurs, Prûmro Tanquerey par exemple, manifestent déjà et que l’avenir verra, croyons-nous, prédominer.

V. I.’k.tahi.issfmi nt in L’IMPÔT : BBS conditions morales. — 1° La morale chrétienne n’a pas seule ment à s’occuper du devoir fiscal : elle a aussi son mot à dire sur le juste et bon établissement des impôts.

C’est en p.nii : une question technique, regardant l’économie sociale et polit Ique ; mais c’est aussi, quant aux conditions de Justice, d’équité, di n i" i i des