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TRIBUT. L’OBLIGATION FISCALE


Acta apost. Sedis, t. iii, p. 278, déclarant que l'évêquc peut y obliger sub gravi les curés et même user de peines canoniques contre les résistances obstinées. « Tout en faisant aux fidèles une obligation grave de cette contribution, on évitera donc de l’assimiler à un impôt rigoureux et surtout d’imposer l’obligation sous peine de faute grave de restituer ou de compenser ce qui n’aurait pas été offert les années écoulées. » Vittrant, Théol. mor., n. 650, 2.

II. L’impôt civil. — 1° Nature. Division. Étude morale. — 1. Dans toute société humaine tant soit peu développée, l'État, pour assurer son administration, procurer le bien commun et le promouvoir, a besoin de ressources matérielles. Jadis il pouvait trouver ses ressources dans un domaine public, sur des biens-fonds lui appartenant en propre ou propriété de ses chefs. Avec le progrès social, dans nos sociétés modernes aux services si multipliés, ce ne serait plus suffisant. Un petit État comme celui de Monaco, couvre son budget, grâce aux jeux, par des prélèvements sur les étrangers ; c’est exceptionnel. Régulièrement, un État évolué le fait par voie légale au moyen des impôts sur ses sujets.

L’impôt peut donc être défini : tout prélèvement fait légalement par l'État sur les biens des particuliers en vue du bien commun et des services publics.

Il faut donc le distinguer : a) des revenus du domaine public (forêts, bâtiments, terres cultivées, etc.), appartenant à la Nation et administré par l'État ; — b) des monopoles proprement dits, privilèges publics de produire et de vendre certaines denrées ; ils ne deviennent des impôts que si les prix faits par l'État au public dépassent notablement ceux qu'établiraient l’industrie et le commerce privés (par exemple tabacs et allumettes en France) ; — c) des redevances ou taxes demandées aux particuliers pour des services personnels que leur rendrait l’administration publique, par exemple frais de justice, péages destinées à acquitter des travaux publics et cessant quand ces travaux ont été soldés, etc.

2. L’ancienne théologie morale distinguait surtout les tributa au sens propre et les vectigalia ; les premiers étaient des impôts affectant immédiatement les personnes ou les biens, les seconds ceux qui concernaient le transport ou la vente des marchandises. Les uns et les autres recevaient certaines dénominations plus spéciales selon les temps et les pays, les tributa sont aussi appelés par divers auteurs : contributiones, exacliones, décimée, census, prxstationes, etc. ; les vectigalia : talliæ, angarise, gabellæ, guidagium, pedagium, etc.

Les économistes modernes distinguent de multiples espèces d’impôts d’après la nature des prestations à fournir, la base ou le sujet rt l’objet sur qui tombe l’impôt, la manière dont il est déterminé ou réparti.

De ces distinctions nous avons à retenir surtout, en vue de mieux comprendre la doctrine morale : a) celle des impôts personnels (tombant immédiatement sur la personne) et des impôts réels (affectant les biens, leur production ou circulation) ; — b) et surtout celle des impôts directs et indirects. Cette division, présentée, diversement par les économistes, paraît le plus communément être expliquée ainsi : Les impôts directs sont exigés à intervalles régalien de p< notltlM nommément désignées ou tombent directement sur les personnes ; les impôts indirects affectent immédiatement les choses ou les marchandises et seulement médiatement les personnes, leur IllhlHIll Une liberté plus grande

3. Une doiiblr question morale se pose principalement au sujet de l’impôt : celle de l’obligation qui existe de le payer, et celle de son juste et équitable établissement. Les anciens moralistes se sont surtout ot.cupés

de la première et l’ont, au grand moment de la casuistique, étudiée dans tous ses détails (fondement, paiement, restitution, etc.) ; sur la deuxième, ils se sont généralement contentés de généralités qui ne suffisent plus à certains modernes, et spécialement à la théologie sociale constituée à la suite des encycliques pontificales et dont on connaît les grands développements. Nous ne donnerons à la fin de cet article sur cette deuxième question qu’une note très brève, ne traitant en détail que la première.

Le P. Prûmmer, au début de son exposé sur le devoir de l’impôt, Theol. mor., t. i, n. 291, fait remarquer qu’il y a peu de matière en théologie morale où l’on rencontre chez les auteurs autant de diversité d’opinions, et il en donne comme raison la diversité elle-même des impôts et de la conception que l’on s’en fait dans les différents pays. Il y a cependant — et le même auteur ne manque pas de le montrer plus loin, n. 292 — une doctrine commune à tous sur l’obligation de principe de l’impôt : c’est elle que nous devons d’abord présenter.

III. Le devoir de l’impôt : existence, fondement, CARACTÈRE GÉNÉRAL DE L’OBLIGATION FISCALE.

— C’est un principe tout à fait commun dans la théologie morale : En conscience les sujets sont obligés d’acquitter les impôts établis justement par l’autorité civile légitime.

Enseignement commun.

Des Pères de l'Église

aux moralistes du xxe siècle, nul, au cours de l’histoire, n’a mis en doute ce principe qu’on peut regarder comme étant une doctrine catholique.

1. Fondement scripturaire.

C’est qu’il possède un fondement scripturaire particulièrement solide.

a) Il repose d’abord sur la solution fameuse donnée par Notre-Seigneur au cas de conscience, par lequel ses ennemis avaient espéré le perdre, Matth., xxii, 17-21 ; Marc, xii, 13-17 ; Luc, xx, 20-26 : Licet censum (xtjvoov) dare Csesari an non ? Le Maître se fait apporter et montrer un denier, la monnaie romaine dans laquelle devait être payé cet impôt et qui portait l’effigie de César, Tibère sans doute, et déclare : Reddile Cœsari quæ sunt Csesaris et quæsuntDei, Deo. Cette réponse certes dépasse singulièrement la question de l’obligation de l’impôt, puisqu’elle est la base de la distinction des deux pouvoirs spirituel et politique et constitue un élément capital de la civilisation chrétienne ; d’elle on peut cependant conclure qu’il y a, même vis-à-vis d’un pouvoir conquérant, établissant la paix dans la nation et servant le bien public, cette obligation d’acquitter l’impôt.

b) À ce texte, les auteurs ajoutent généralement celui que nous avons apporté plus haut : au sujet du didrachme, Matth., xvii, 23-27. Sans doute il s’agit là, cette fois, d’un impôt proprement religieux ; mais, de l’obligation de justice qu’il comporte aussi, on peut conclure à pareille obligation pour l’impôt ctvil.

c) Tout à fait explicitement, dans l'épîtrc aux Romains, xiii, 1-7, saint Paul, après avoir déclaré que toute personne doit être soumise aux autorités supérieures, car l’autorité vient de Dieu, Invite le chrétien à se soumettre non seulement par crainte du cbâtiment, mais encore par motif de conscience ; « c’est pour cela, continue-t-il (♦, 7), que vous payez les impôts, car les magistrats sont des ministres de Dieu, (l’expression grecque Xeiroopyot a une couleur religieuse marquée), qui s’appliquent assidûment à leur emploi. Rendez donc à tous ce qui leur est dû : cui tributum, tributum ; cui vecligal, vectigal… »

Il s’agit directement ici des Impôts romains : le tributum (riXoç) paraît bien être l’impôt personnel, la capitatton ; le vectigal ((p6poç) est l’impôt fond 1rs diverses l : ixes constituant lei impôts Indil A la date où écrivait saint Paul, le César romain