Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/771

Cette page n’a pas encore été corrigée
1527
1528
TRIBUT ECCLÉSIASTIQUE


le Bref, Charlemagne, Louis le Débonnaire, cités dans Villien, Histoire des commandements de l'Église, p. 320 sq. Toute une série de conciles, dans les diverses parties de la chrétienté entière, organisent dès lors cet impôt religieux et en pressent l’observation. Dans notre pays en particulier, l’histoire de la dîme a été singulièrement mouvementée : taux, revenus imposés, modes de perception, intervention du pouvoir civil, rappels de l’autorité religieuse et résistances des imposés ont varié avec les siècles. Voir pour cette histoire, résumé et bibliographie, pour les origines : Diction, d’archéol. chrét. et de lit., t. iv, col. 995 sq., art. Dtme, et pour la suite, Villien, op. cit. et Diction, apolog., t. i, col. 1105 sq.

La dîme a été abolie en France quant à son principe dans la nuit du 4 août 1789 et définitivement le 17 juillet 1793. Le Concordat de 1801 la remplaça par le budget des cultes. Les lois de séparation de 19051907 ayant supprimé ce dernier et spolié l'Église de ses biens, il a été institué en France par l’autorité religieuse un impôt personnel : le Denier du culte, dont l’organisation est diverse selon les diocèses, mais que l'Église presse ses fidèles d’acquitter. Voir Diction, pratique des connaissances rel., t. ii, col. 213, art. Clergé (Œuvres pour le), et col. 764, art. Denier du culte.

4. Au cours de l’histoire, dans les divers pays chrétiens, à côté des dîmes, d’autres impôts ecclésiastiques ont existé : prémices, dons extraordinaires, etc., établis par des décrets conciliaires ou passés en coutumes. On peut aussi rattacher à ces impôts — ce sont des sortes d’impôts indirects — les diverses taxes statuées pour des actes de juridiction volontaire, comme la concession des dispenses, ou pour l’exécution des res crits du Saint-Siège, ou encore à l’occasion de l’administration des sacrements et des sacramentaux. Le Code de Droit canonique (1918) donne au t. IV, tit. xxvii, De bonis ecclesiasticis acquirendis, can. 1502 sq., un certain nombre de règles à suivre pour l'établissement de ces diverses contributions ; l’on en trouvera le résumé dans le Diction, pratique des connaissances religieuses, t. i, col. 835-836, art. Biens ecclésiastiques.

2° Légitimité de l’impôt religieux : son obligation morale et sa pratique dans l'Église. — 1. L'Église gallicane prétendait que la dîme était d’origine divine, même dans sa détermination concrète. C'était trop dire. Ce qui est vrai, c’est que le principe sur lequel repose l’obligation des chrétiens d’assurer la subsistance de leurs pasteurs est de droit naturel et divin ; textes évangéliques déjà cités, Matth., x, 9-10 et Luc, x, 4-8 ; textes pauliniens, I Cor., ix, 7-15 ; I Tim., v, 17-18. Notre Seigneur a voulu lui-même mettre en pratique cet enseignement : Luc, viii, 2-3, le collège apostolique assisté par les saintes femmes et Joa., xii, 6, la bourse des aumônes confiée à Judas.

Quant à la détermination et à la réglementation des contributions, elles sont de droit positif et ecclésiastique ; cf. S. Thomas, II » -II", q. lxxxvii, a. 1, Determinatio décimée partis soloendæ est auctoritate Ecclesise tempore Novæ Legis instituta. Du reste l'Église, société parfaite (au sens juridique de ce dernier mot), a comme telle le droit naturel d'établir des contributions personnelles ou réelles, ayant le caractère et l’obligation de véritables impôts. Ces taxes personnelles n’obligeaient que ses sujets, les baptisés ; les taxes réelles, portant sur des biens matériels, pouvaient atteindre même les non baptisés.

A plusieurs reprises l'Église a revendiqué ce droit et hautement déclaré l’obligation de s’y soumettre en conscience : Profession de foi prescrite aux Vaudois (1208) : Décimas, primitias et oblaliones ex præcepto Domini credimus clericis persolvendas, Denz.-Bannw., n. 427 ; condamnation de la proposition 18 de Wicleff au concile de Constance : Decimæ sunt puise eleemosy næ, et possunt parochiani propler peccala suorum prælatorum ad libitum suum eas au/erre, ibid., n. 598 ; Concile de Trente, sess. xxv, c xii de reform., cf. sess. xxiii, c. xviii, de reform. ; Code de Droit canon, can. 1496, droit de l'Église, indépendamment du pouvoir civil d’exiger des fidèles ce qui est nécessaire pour le culte divin, l’entretien des clercs et les autres fins qui lui sont propres, et can. 1502 relatif aux décimes et prémices pour lesquels on gardera les statuts et coutumes de chaque région.

2. Ainsi fondée, cette obligation apparaît comme une obligation de religion et de justice. Wernz-Vidal, Jus decrelalium, t. iv, n. 835 ; Prûmmer, Theol. mor., t. ii, n. 499. En principe elle irait même jusqu'à imposer la restitution au cas où les taxes fixées par l’autorité compétente n’auraient pas été intégralement acquittées.

En fait cependant l'Église ne paraît pas généralement urger cette restitution, ni user de son droit strict et complet en matière d’impôts. Aussi certains moralistes, cf. Vittrant, Théol. mor., n. 649, préfèrent parler d’obligation d'équité plutôt que de justice proprement dite ; même là où ces contributions sont fortement rappelées au peuple chrétien, où le devoir de les payer est inséré dans les catéchismes parmi les commandements de l'Église (comme aux États-Unis), celle-ci semble bien inviter à ne pas user de rigueur en ce qui concerne la détermination des taux, l’emploi du refus des sacrements, l’imposition de la restitution, spécialement chez ceux qui ont acquitté au moins en partie leur impôt. D’une manière générale elle désire que sur ce point, comme en d’autres où elle se heurte à l’argent et aux nécessités des biens matériels, on évite ce qui peut porter tant de tort à son activité spirituelle : l’avidité même apparente et la rigueur excessive à se procurer ces biens.

3. En particulier à l’occasion de l'établissement en France du Denier du culte, c’est ce désir et cet esprit de l'Église qui se sont manifestés dans une lettre adressée aux archevêques de France, au nom de Pie X, par le cardinal Merry-del-Val, le 8 octobre 1907. « [Le Saint-Père], y est-il dit, tient à ce que l’on procède dans une matière pareille avec une grande délicatesse, en évitant absolument tout ce qui pourrait avoir même l’apparence de vexation et de fiscalité… [11] désire vivement que toute taxation fixe et obligatoire, tant personnelle que paroissiale, soit écartée, pour deux raisons principales : d’abord le système des taxes semble mettre en quelque sorte officiellement le ministère spirituel à prix d’argent ; ensuite il expose nécessairement à l’arbitraire… Quant aux sanctions… il faudrait exclure toute sanction pécuniaire… et plus encore la sanction qui consisterait soit à supprimer le service religieux dans la paroisse, soit à refuser aux individus le saint ministère… Sa Sainteté espère qu’en agissant ainsi par voie d’amour et de persuasion, les évêques trouveront dans la générosité des catholiques français une digne réponse à leur appel ; et par conséquent ils ne seront pas obligés, afin de pourvoir aux besoins de l'Église, de recourir à des mesures qui sembleraient amoindrir la spontanéité et la religion des fidèles dans l’accomplissement de cette grave obligation… »

C’est en ce sens que doit être comprise et expliquée la mention faite par le Catéchisme à l’usage des diocèses de France. Dans sa dix-neuvième leçon sur l'Église, q. 156, il donne comme moyen pour les fidèles d’aider les pasteurs, après la collaboration à l’action catholique, le versement du denier du culte. C’est aussi dans cet esprit que le clergé local doit s’acquitter de son devoir de travailler activement à recueillir par luimême ou par d’autres les versements réunis au centre diocésain. Cf. Réponse de la S. Congr. du Concile,