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TRIBUNAUX ECCLÉSIASTIQUES


du for externe. Signalons cependant que le SaintSiège accorde parfois à certains tribunaux de la chrétienté des privilèges qui leur confèrent une juridiction semblable à celle des tribunaux romains. C’est ainsi que l’Espagne possède à Madrid un tribunal doté pour ce pays d’une juridiction analogue à celle de la Rote romaine ; on l’appelle communément la Rote madrilène, Rota Matritensis. Son institution remonte à Clément XIV, 22 mars 1771. Elle compte six auditeurs, ayant à leur tête un doyen ; sur commission du nonce apostolique, elle reçoit en dernier appel les causes jugées en deuxième instance devant le métropolitain. De ses sentences on ne peut faire recours qu'à la Signature apostolique. — De même aux ÉtatsUnis d’Amérique, en raison des difficultés créées par la guerre mondiale de 1940 et tant que dureront ces difficultés, le délégué apostolique a reçu le pouvoir de désigner l’un des vingt tribunaux archi diocésains pour définir en suprême appel les causes qui normalement auraient dû être soumises à la décision de Rome (en particulier les cas de nullité de mariage à partir du deuxième appel). Toutefois les fidèles conservent intacte la faculté de recourir au Saint-Siège.

La Sacrée Rote romaine.

1. Origine. — C’est

à la fin du XIIe siècle qu’apparaît dans les documents la mention de ce tribunal. Nous savons par Honorais III (1216-1227) que le pape Lucius III (1181-1185) eut sa « chancellerie », c’est-à-dire un lieu où étaient rédigés les actes judiciaires et les pièces des procès, et son « auditoire », mot qu’il faut traduire par salle d’audience, ou mieux par tribunal. Cf. Pressutti, Regesta Honorii PP. III, Rome, 1888, n. 638.

Sans doute, dès avant cette époque les papes eurent à rendre personnellement la justice. Ils avaient, pour les aider dans cette tâche, des personnages appelés soit judices lateranenses, soit judices de clero. Mais ces magistrats n’eurent ni l’importance, ni l’autorité de leurs successeurs qui apparaissent au xiie siècle sous le nom de capellani papæ ou é'auditores sacri palalii. La renaissance du droit romain à la fin du xi° siècle ne fut sans doute pas étrangère à la réorganisation de la cour de justice papale sur le modèle des institutions de Byzance. Comme l’empereur, le pape eut lui aussi son auditorium, c’est-à-dire un lieu spécial où il traitait, en conseil privé, les procès et les affaires des particuliers (par opposition au consistorium réservé aux affaires publiques). Dans cet « auditoire », le pape en personne exerçait les fonctions de juge ; mais comme il ne pouvait, en raison des devoirs de sa charge, suivre l'évolution complète des causes, il commençait par accueillir l’instance ; puis il confiait le « milieu du procès », c’est-à-dire les interrogatoires, l’examen des documents, les plaidoiries, à l’un dises chapelains ou conseillers, tout en se réservant à lui-même la conclusion ou sentence finale. Le rôle du chapelain chargé de l’instruction était d'écouter avec soin les dépositions, afin de renseigner exactement le pape et de lui fournir les éléments de la solution : de là son nom d’auditeur. Il arriva parfois, et cela dès le temps d’Innocent III (1198-1216), que les papes laissèrent au chapelain le soin de prononcer la sentence, du moins après qu’il aurait pris l’avis des cardinaux ; le souverain pontife se contentait de ratifier la sentence. Mais bientôt les cardinaux cessèrent de prendre part à la délibération, dans laquelle leur rôle apparaissait comme accessoire. Ce fut alors que U chapelains, auxquels on adjoignit quelques juriste., furent constitués en un collège avec un mandat stable et permanent. De plus, tandis que UrtB Im membres conservaient, comme aujourd’hui encore, le lit ri d’auditeur, l’un d’eux, celui qui était chargé du mi lieu du procès » ou instruction, reçut mis' ion de faire un rapport devant ses pairs, ponere in relationibus.

DICT. DE THROL. CATHOL.

pour leur exposer les résultats de son enquête : ce fut le ponent (ponens) ou rapporteur. Il ne prenait poinl part aux délibérations de ses collègues à la suite de son exposé ; mais c'était lui qui, à la lumière de la discussion, était chargé par le pape de porter la sentence. Aujourd’hui encore, le ponent est le président du « tour » devant lequel se traite une affaire : il est le premier des juges et c’est lui qui rédige la sentence.

Ainsi fonctionna le tribunal jusqu'à la réforme de la Curie romaine par Pie X en 1908, au moins pour les procès envoyés de la chrétienté. Car, à partir de 1821, Pie VII fit de la Rote un véritable tribunal d’appe ! pour certaines contestations d’ordre civil entre sujets de l'État pontifical (spécialement pour les affaires commerciales). Grégoire XVI, en 1834, étendit les attributions de la Rote à toutes les causes, quelle que fût leur nature, mais seulement dans le ressort des États pontificaux.

Sur le nombre et les privilèges des auditeurs de Rote dans le passé, voir Cour romaine, t. iii, col. 18681869.

2. État actuel.

Le tribunal de la Rote était comme tombé en sommeil au cours des siècles (au moins en ce qui concerne les causes venant de la chrétienté), par suite du développement des Congrégations romaines et de l’extension de leur compétence. Il retrouva son activité et son importance lorsque, par la Bulle Sapienti consilio (29 juin 1908), Pie X le « rappela à l’exercice de ses anciennes fonctions ». Cf. Ac.ta apost. Sedis, t. i, p. 7 sq. Toutes les causes contentieusf s traitées jusque là par les divers organismes de la Curie romaine sont désormais attribuées à la Rote.

L’organisation de ce tribunal, son fonctionnement ainsi que la détermination de sa compétence se trouvent dans la Bulle Sapienti consilio et dans les deux documents annexes : la Lex propria et YOrdo servandus publiés à la suite. À ces textes, sont venus s’ajouter les Règles, composées par le collège des auditeurs et auxquelles le même pape Pie X donna force de loi le 2 août 1910. Après la promulgation du Code par Benoît XV, en 1917, une nouvelle édition et adaptation des règles de procédure s’imposait. La rédaction en fut proposée, le 22 juin 1934, au pape Pic XI, qui l’approuva et la fit publier sous le nom de Normæ S. Romaine Rotæ Tribunalis ; ces normes se trouvent aux Acta apost. Sedls, t. xxvi, 1934, p. 451-491.

La Rote est aujourd’hui un tribunal collégial jouissant d’une juridiction ordinaire. Il se compose d’un « certain nombre » de prélats (la Lex propria de 1908 disait dix), qui ont conservé l’ancien titre d’auditeurs, bien que ce terme ait perdu de son sens historique, car les auditeurs sont de véritables juges.

C’est le pape qui les nomme, par bref de la Sccrétairerie d'État. Ils doivent être prêtres, d'âge mur, recommandables par leur prudence ainsi que leur science juridique et être au moins docteurs dans l’un et l’autre droit (la Lex propria disait : docteurs en théologie it en droit canonique). À leur tête est un doyen qui préside le collège tanquam primus inter pares. Sa désignation est automatique : c’est l’auditeur le plus ancien dans ses fonctions. Généralement les juges de la Rote n’abandonnent leur charge que pour être promus à des dignités plus hautes. Mais à soixante-quinze ans, ils obtiennent l'éméritat et cessent toute activité judiciaire.

Jadis iliaque aidit(Ur avait droit de se faire aider pour certaine ! parties de sa tâche par un (ijtitanle <ii studio, choisi par lui avec l’approbation du collège et du consentement du pape. La fonction fut abolit Mais les dernières Normrr prévoient qu’un auditeur peut se faire aider DM deux secrétaires, le doyen par trois. Cf. art. 7.t ail.M) -53. — Il y a aussi à la Rote,

comme dans tout tribunal d'Église : un promoteur de

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