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TRIBUNAUX ECCLÉSIASTIQUES


que les délits, sont du ressort des tribunaux ; la fonction propre de ces derniers est de procéder selon les règles de la stricte justice et d’en faire prévaloir les droits. Au contraire, les questions administratives sont le domaine propre des Congrégations romaines ou des organismes diocésains tels que le conseil épiscopal, le chapitre et, dans certains cas, les examinateurs synodaux ou les curés consulteurs ; la procédure ici est dépourvue d’appareil judiciaire au sens strict, et les questions sont traitées de bono et aequo.

3° Les tribunaux d’Église sont distribués suivant une hiérarchie calquée sur la hiérarchie même de la société ecclésiastique. C’est ainsi qu’on distingue les tribunaux du Saint-Siège, les tribunaux métropolitains et les tribunaux diocésains. On fait remarquer cependant que seuls le tribunal du souverain pontife et celui de l’évêque sont de droit divin ; le degré intermédiaire n’est que d’institution ecclésiastique.

Il ne faut pas confondre avec ces divers degrés de tribunaux les degrés du jugement, c’est-à-dire les différentes instances qui, engagées selon un ordre déterminé, permettent de conduire l’action judiciaire jusqu’à la conclusion définitive : on peut ainsi, d’une juridiction inférieure porter la cause à une juridiction supérieure, laquelle a pouvoir de confirmer, modifier ou annuler la sentence du premier tribunal. Bien que le nombre des instances ne soit pas limité dans les causes qui concernent l’état des personnes (mariage, ordination, can. 1903), une affaire est considérée comme jugée définitivement après deux sentences conformes, can. 1902, ou même dans certains cas exceptionnels, après une seule sentence. Can. 1880. Ainsi sont distingués les tribunaux de première instance et les tribunaux d’appel ou de deuxième et même de troisième instance. Can. 1599.

On notera que, dans l’Église, l’ordre des instances ne coïncide pas toujours avec les degrés de la hiérarchie des tribunaux. C’est ainsi que, dans les cas prévus par le droit, on peut, en première instance, porter un différend devant la Rote romaine, qui est, de sa nature, le suprême tribunal d’appel. De même, on peut faire appel d’un « tour » de la Rote à un autre tour du même tribunal. Can. 1599, § 2.

4° Hormis les causes réservées par le droit au Saint-Siège, can. 1557, § 1 et 2, ou dont le Saint-Siège se réserve lui-même la définition, can. 1557, § 3, l’ordre normal des instances est le suivant : un litige est introduit et peut être défini en première instance devant le tribunal de l’Ordinaire, can. 1572 ; en seconde instance, il passe au tribunal métropolitain, can. 1594, à moins que l’Ordinaire ne soit lui-même métropolitain ; dans ce cas, l’appel est porté devant le tribunal d’un des suffragants, ou devant un autre tribunal spécialement désigné par le Saint-Siège. Voir Procès ecclésiastiques, t. xiii, col. 631. Si une troisième instance est nécessaire, c’est au tribunal de la Rote romaine qu’elle sera portée. Enfin, contre certaines sentences de la Rote, il est possible de recourir à la Signature apostolique pour solliciter la révision du procès ou sa cassation pour vice de forme. En ce cas, ce tribunal suprême ne juge pas sur le fond, mais renvoie l’affaire à un tribunal inférieur. Can. 1603.

5° Entre les divers tribunaux d’Église, il n’y a pus seulement une hiérarchie, mais aussi une coordination, de telle sorte que tout tribunal a le droit de solliciter l’aide d’un autre tribunal pour citer et examiner des témoins, faire une reconnaissance des documents ou de l’objet litigieux, intimer un dccr< t et accomplir d’autres besognes semblables. Can. 1570. C’est l’équivalent de la « commission rogatoirc du droit français.

6° Quant à la qualité des tribunaux Elle Ml déterminée par la nature même de l’objet déduit en just lot ou par la qualité de la juridiction. C’est ainsi que l’on

distingue les tribunaux contentieux et les tribunaux criminels, selon que l’on poursuit un droit ou un délit.

— Certaines causes peuvent être définies par un tribunal unipersonncl, c’est-à-dire qui n’a qu’un seul juge ; d’autres exigent un tribunal collégial, composé de plusieurs juges, toujours en nombre impair (trois ou cinq). — Les tribunaux sont dits ordinaires ou délégués, selon que leur juridiction est elle-même ordinaire ou déléguée. Si la délégation vient du Saint-Siège, les juges peuvent choisir leurs ministres et assesseurs. Si elle vient de l’Ordinaire, les juges utiliseront, sauf disposition contraire de l’évêque, les ministres de la curie diocésaine. Les uns et les autres devront observer, outre les règles générales de la procédure, les normes qui régissent la juridiction déléguée. Can. 1607.

Aux termes du droit actuel, doivent être confiées à un tribunal collégial de trois juges les causes contentieuses concernant le lien de l’ordination ou du mariage ; de même les causes criminelles dans lesquelles il peut être question de priver un clerc d’un bénéfice inamovible, et aussi d’infliger ou de déclarer une excommunication. Cinq juges sont requis s’il s’agit de délits qui comportent les peines de déposition de privation perpétuelle du port de l’habit ecclésiastique ou de la dégradation. De plus, les Ordinaires des lieux ont la faculté de confier à un tribunal de trois ou cinq juges les causes qu’ils estimeront plus importantes ou plus difficiles. Tout tribunal comportant plusieurs juges doit procéder collégialement et porter les sentences à la majorité des suffrages. Can. 1577.

7° Trois principes régissent l’action des tribunaux d’Église :

1. En raison de la primauté du pape, il est loisible à tout fidèle de l’univers catholique d’introduire une cause contentieuse ou criminelle devant le Saint-Siège, ou de lui déférer cette cause à n’importe quel degré de l’instance ou à n’importe quel stade du procès. On fait remarquer toutefois que, hormis le cas d’appel (c’est-à-dire lorsqu’un tribunal inférieur a déjà porté la sentence), ce recours au Saint-Siège ne suspend pas la juridiction du juge qui a commencé à connaître de la cause ; celui-ci peut donc poursuivre le procès jusqu’à sentence définitive, à moins qu’il ne soit clair que le Saint-Siège a appelé toute l’affaire à son jugement. Can. 1569.

2. Quiconque a jugé une affaire à un degré quelconque de l’instance ne peut la juger à un autre degré, can. 1571 (sauf le privilège spécial de la Rote, qui, grâce aux « tours » organisés entre les auditeurs, ne présente pas exactement les mêmes juges).

3. On ne peut, à proprement parler, faire appel de la sentence de l’offlcial à l’évêque du lieu, attendu que tous deux ne constituent qu’un tribunal unique. Cependant l’évêque peut se réserver à lui-même le jugement de certaines causes. Can. 1573.

II. Du TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE. l°DanS

les diocèses, abbayes ou prélaturcs nullius, ce tribunal porte aujourd’hui le nom d’ofpcialité, du nom de l’offlcial son président et premier juge. À quelle date remonte l’institution de ce ministre de la justice épiscopale ? De tout temps les évêques avaient été appelés à juger les différents que leur soumettaient les fidèles ou les clercs inférieurs. Pour’acquitter de cette tâche, ils eurent recours, tout comme en matière administrative, au ministère des prêtres et des diacres dont Ils étaient entourés. Le prcinierd’entreces diacres, l’archidiacre, eut bientôt un rôle prépondérant en raison dl I fonctions qui lui furent confiées à partir du milieu du iv siècle : formation des jeunes clercs, administration

temporelle, visite du diocèse. Cf. Drrrrl. (irai., dist. XCIII, can. 6. Dès le vie siècle, il Jouit d’une certaine juridiction criminelle. Mais d’autre juridictions étaient reconnues au Moyen Age, entre autres celle Ai I