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TRENTE (CONCILE DE). RÉSULTATS


tion nette en faveur de l’immaculée conception. Que de controverses dirimées à propos de la justification 1 La théorie de l'école de Cologne est définitivement éliminée, le rôle de la foi précisé, la nécessité d’une rénovation intérieure et surnaturelle proclamée, les possibilités accordées à l’homme déjà justifié déterminées, les conditions de la persévérance établies ; enfin les anomalies que Luther pensait avoir découvertes dans la doctrine du mérite, pleinement dissipées. Après la viie session, les controverses relatives à l’efficacité des sacrements sont obligées de se porter sur un terrain plus solide, celui de Y ex opère operalo ; l’intention du ministre n’est plus simplement constituée par l’observance du rite extérieur ; la validité du baptême conféré aux enfants nouveau-nés est proclamée sans discussion possible. Si la xiiie session sur l’eucharistie n’a pas tranché les controverses librement agitées entre catholiques, elle a du moins établi avec une fermeté incomparable la doctrine de la présence réelle par la transsubstantiation, condamnant ainsi du même coup sacramentaires et luthériens. Mais c’est peut-être surtout à propos de la pénitence (xive session) que le progrès doctrinal s’affirme davantage : distinction nette entre baptême et pénitence ; énumération des parties du sacrement, rôle de l’attrition. Sans doute, ici encore, les susceptibilités des écoles adverses sont respectées, mais tout ce qui pourrait troubler désormais la sécurité du pénitent est éliminé. La nécessité de la satisfaction et la nature des œuvres satisfactoires apportent à ces doctrines un heureux complément. Les décisions de la xxie session réalisent un notable progrès touchant la communion sous une seule espèce et la communion des enfants. C’est peut-être dans la doctrine du sacrifice de la messe (xxiie session) que le progrès est moins accentué : en dégageant le dogme des obscurités dont les réformateurs l’avaient enveloppé, le concile avait rempli son rôle. Il n’est pas responsable des controverses écloses après lui et, de leur solution, il n’aura semblablement posé que des principes assez éloignés. À la xxme session, sur l’ordre, en une formule qui respecte l’opinion thomiste sur le caractère sacramentel des sept ordres, le concile laisse entrevoir qu’il n’entend pas l’imposer ; tout comme, sans trancher la brûlante question de l’origine de la juridiction épiscopale, il ouvre nettement la voie à l’opinion qui prévaudra dans les âges postérieurs. La doctrine du mariage est en progrès accentué : la nature du sacrement, l’autorité de l'Église touchant les empêchements, la nullité des mariages clandestins, voilà un apport sérieux à une théologie qui était encore imparfaite.

Ce qui est à souligner ici, c’est qu'à Trente les écoles les plus diverses s’affrontaient et, en suivant les débats, on aurait pu craindre que les divergences d’opinions n’entraînassent quelque obscurité ou quelque hésitation dans les définitions à promulguer. Il n’en a rien été : scotistes, thomistes, nominalistes, augustiniens se sont finalement unis sur des formules précises et larges à la fois ; précises quant à la définition des dogmes, larges quant à la juste liberté laissée aux opinions. On admirera également comment ces théologiens qui, en fait d’histoire des dogmes, ne possédaient que des éléments assez rudimentaires, ont cependant abouti à des conclusions assez nuancées pour n'être pas contredites aujourd’hui par la plus exigeante critique. Qu’on relise, en particulier, le canon concernant l’origine de la confession et l’on sera contraint d’avouer que le souffle de l’Esprit est passé par là.

La discipline ecclésiastique.

De plus, le concile

a opéré une rénovation complète dans la discipline ecclésiastique, rénovation qui a commencé par le clergé et qui a gagné tous les membres de l'Église. Les prescriptions tridentines visaient surtout les abus de l'époque. Les décrets de réformation interdirent le

cumul des bénéfices (vu* session), exigèrent la résidence de ceux qui avaient charge d'âmes (vi « et xxii c session), réglèrent les conditions à remplir pour être admis aux saints ordres (xive session), ou pour être promu aux bénéfices et aux fonctions du saint ministère (xxiie et xxive sessions). Des peines salutaires et des sanctions sagement calculées furent portées contre les clercs qui manqueraient à leurs devoirs (xxme session) et l’on détermina la procédure à suivre à l'égard des coupables (xme session). C'était favoriser dans le cœur des prêtres l’amour de la piété. Mais la formation du prêtre n’est ordinairement durable que si elle est commencée dès l’enfance : aussi le concile a-t-il décrété l’institution des séminaires (xxme session).

La rénovation du clergé devait amener celle du peuple et le concile poursuivit directement ce résultat en obligeant les prêtres ayant charge d'âmes à prêcher la parole de Dieu (v* et xxive session), à résider au milieu de leurs ouailles pour y remplir leur ministère (xxiir" et xxive sessions). De plus, les Pères de Trente mirent entre les mains des pasteurs le manuel d’instruction nécessaire au peuple, le catéchisme dont l’idée première, on l’a vii, revient au concile. L’instruction religieuse développée dans le peuple par des hommes comme saint Canisius ramena au sein du catholicisme des régions entières qui ne s’en étaient écartées que par ignorance. Il n’est pas jusqu'à la musique d'Église qui ne se soit ressentie des déci : ions tridentines.

3° L’unité dans l'Église. — Enfin le concile de Trente eut cet heurexix effet de resserrer les liens étroits qui doivent unir au pape les membres de l'Église entière. En France, les efforts accomplis par les légistes gallicans pour empêcher l’acceptation du concile ont réussi au contraire à grouper le clergé autour de la chaire romaine. Venant après les tentatives subversives de Constance et de Bâle.le concile de Trente, sans trop heurter les susceptibilités nationales, a fait comprendre qu’en toutes choses l’autorité du Siège apostolique doit être respectée. La réforme fut portée jusque dans la curie romaine, mais toujours avec la déférence due au père commun des fidèles. Le concile aurait voulu faire davantage : le projet de réforme des princes, rédigé en douze articles, dût être abandonné devant l’opposition des intéressés. La formule souple qui fut substituée au projet abandonné marque néanmoins que les princes eux-mêmes doivent concourir à la régénération des peuples chrétiens et apporter l’appui de leur autorité à la direction imprimée par Rome.

Résultats effectifs.

Ces heureux effets ne tardèrent pas à porter leurs fruits. Dès la fin du XVIe siècle et pendant tout le xviie se produisit une efflorescence extraordinaire des sciences sacrées, de cette

théologie positive surtout, qui éprouve le besoin de remonter aux sources en contrôlant les canaux, pour appuyer plus solidement les affirmations du dogme. C’est encore l’esprit de la réforme tridentine qui provoqua la fondation d’un assez grand nombre d’ordres, de congrégations d’hommes ou de femmes, d’institutions pieuses. Jésuites, théatins, oratoriens d’Italie et plus tard sulpiciens, oratoriens de France, eudistes, prêtres de la Mission rivalisèrent de zèle pour la réforme du clergé et du peuple chrétien. En France, si le gallicanisme releva la tête au cours du xviie siècle, si, par la faute du pouvoir civil, les abus relatifs aux commendes et à la nomination aux évêchés ne disparurent pas immédiatement, on peut dire cependant que les principes posés à Trente, qui avaient sauvé le clergé du schisme à la fin du xvr » et au début du xviie siècle, le préservèrent pareillement soit à la fin du xviiie, quand il préféra la mort et l’exil à la Constitution civile du clergé, soit au début du xixe, lorsqu’il se soumit à un concordat qui brisait l’ancienne orga-