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1501 TRENTE (CONC. DE). ŒUVRE DOCTRINALE ET RÉFORM. 1502

membres du concile ne parvenaient pas à se mettre d’accord. Et nous avons constaté que, même dans le cas où les exagérations de quelques Espagnols entêtés auraient pu engager le concile dans une impasse, les papes ont respecté les opinions même discutables et toléré que le concile s’arrêtât à des formules encore incomplètes et n’exprimant qu’une partie de la vérité. La discussion du principe de la résidence fournit un exemple frappant de cette condescendance. La discussion sur la clandestinité des mariages en est un autre exemple. Bien plus, la majorité du concile, s'étant prononcée ici contre l’opinion qui prédominait chez les Italiens, légats et pape acceptèrent la décision. En plusieurs autres circonstances le concile se prononça en un sens qui n'était pas attendu. Voir col. 1462, 1477. Le concile fut donc libre dans ses discussions et dans ses décisions : on a pu remarquer que, si les amendements essentiels sont, quand les légats le jugent à propos, soumis à la ratification du souverain pontife, celui-ci laisse au concile liberté pleine et entière de reprendre n’importe quelle question en cours, surtout celles qu’avaient soulevées les protestants au point de vue de la foi. Ou même, il lui abandonne la réforme générale, celle même de la curie romaine en tant qu’elle touche à la première. La seule réserve concerne l’entente préalable avec Sa Sainteté, en vue de sauvegarder, comme on l’a dit tout à l’heure, la dignité du Siège apostolique.

Les autres griefs ne méritent pas d'être relevés, sauf peut-être le reproche fait à Pie IV et à ses légats d’avoir cherché, ou par des faveurs, à capter l’appui de certains personnages, ou, par des menaces et des disgrâces, à éliminer les perturbateurs. Il est vrai que Pie IV n’a pas marchandé ses faveurs et les légats leurs prévenances au cardinal de Lorraine, afin d’avoir, en faveur de la conclusion heureuse du concile, l’appui considérable de son influence. On peut apprécier diversement ces gestes de diplomatie, peut-être plus italienne que chrétienne ; il faut cependant reconnaître que cette diplomatie ne comportait aucun marché passé pour fausser les décisions des Pères. Pourquoi serait-il contraire à la liberté d’employer les moyens humains pour favoriser la réalisation du bien général ? On remarquera d’ailleurs que toujours les décisions dogmatiques ont été prises à la presque unanimité et les décisions disciplinaires, sauf une ou deux fois, à des majorités considérables. Quant aux menaces et aux disgrâces, elles furent extrêmement rares, destinées non à changer la majorité, mais simplement à tenir en respect quelques esprits brouillons ; et l’on a vu que le pape remarqua lui-même que c'était là un moyen sans efficacité réelle, qu’il s’empressa d'écarter. Voir col. 1464.

Au fond, quand les adversaires parlent du manque de liberté du concile, un double préjugé les inspire : ils veulent que le pape, partie et accusé, soit exclu du concile et que les représentants des Églises protestantes et des princes séculiers aient le droit d’y figurer comme juges et déflniteurs. Nous sommes ici en face de prétentions que condamnent absolument les enseignements traditionnels. Mais plus d’un auteur protestant a su cependant reconnaître les mérites du concile de Trente. Marheineke déclare qu' « on ne peut s’empêcher d'être pénétré de respect en songeant à tant d’elforls persévérants pour sauver la foi de l'Église et la fortifier de tous côtés ; en constatant l’intelligence dont firent preuve les Pères du Concile pour réprimer tant d’abus, tant de manquements de discipline, on ne peut s’empêcher d’admirer la piété, la hauleur de vues, avec lesquelles furent traitées les questions les plus élevées, les plus saintes. Aucun autre concile n’a duré aussi longtemps ; aucun n’a été forcé par les oppositions de ses ennemis à ajourner plus longtemps

ses décisions suprêmes ; aucun n’a mis plus de science au service de la vérité chrétienne ». Et Grotius : « Quiconque lira les actes du Concile avec un esprit libre de préjugé sera obligé de convenir que tout y est très sagement expliqué et conforme de tout point à l'Écriture sainte et à la doctrine des Pères ». Cités l’un et l’autre par Janssen-Paris, op. cit., t. iv, p. 434, note. Voir Albert Desjardins, La liberté des Pères au concile de Trente, Paris, 1870 (extrait de la Revue critique de législation et de jurisprudence).

VII. Conclusion : L'œuvre doctrinale et réformatrice nu concile. — Les protestants contestent que le concile de Trente ait produit quelque bon résultat. « On peut dire, déclare tout net Leibniz, que bien des choses ont empiré quand il (le concile) fut terminé, que Rome triomphait de joie d'être sortie sans dépens de cette grande affaire et d’avoir maintenu toute son autorité ; que l’espérance de la réconciliation fut perdue ; que les abus jetèrent des racines plus fortes ; que les religieux, par le moyen des confréries et de mille inventions, portèrent la superstition plus loin qu’elle n’avait jamais été, au grand déplaisir des personnes bien intentionnées : que personne n’osa plus ouvrir la bouche, parce qu’on le traitait d’abord d’hérétique… » Réponse au mémoire de l’abbé Pirol, dans Œuvres de Bossuet, t. vi, p. 289. Affirmations contredites par les faits. Sans doute, il fut impossible de réconcilier avec la vérité catholique les dissidents obstinés ; mais la réforme que Luther avait rêvé de faire sans le pape et contre le pape, le concile la réalisa avec le pape et par le pape, d’une façon remarquable.

Dès le début de la constitution Dei Filius, le concile du Vatican retrace en raccourci les bienfaits du concile de Trente :

La providence que Dieu déploie pour le bien de son Église… s’est montrée avec une éclatante évidence dans les grands fruits que l’univers chrétien a retirés de la célébration des conciles œcuméniques et notamment du concile de Trente, bien qu’il se soit tenu dans des temps mauvais. Grâce à ce concile, les dogmes très saints de la religion ont été définis avec plus de précision, exposés avec plus d’ampleur ; les erreurs ont été condamnées et arrêtées ; la discipline ecclésiastique s’est relevée et fortifiée ; l’amour de la science et de la piété s’est augmentée au sein du clergé ; des séminaires se sont ouverts pour former la jeunesse à la sainte milice ; on a vu enfin les mœurs du peuple chrétien restaurées par les soins qu’on a mis à mieux instruire les fidèles et à leur faire fréquenter davantage les sacrements. En outre, les liens qui unissent les membres de l’Eglise à son chef visible ont été resserrés, et une vigueur nouvelle a été donnée à tout le corps mystique du Christ. On doit à ce concile la multiplication des familles religieuses, la naissance d’autres institutions pieuses et aussi la persévérance de ce zèle qui s’applique sans relâche et jusqu'à l’effusion du sang à propager le royaume de Jésus-Christ au loin par tout l’univers. » Trad. A. Vacant, Études théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, t. i, p. 61.

La mention spéciale accordée ici au concile de Trente s’explique en raison des grands maux auxquels ce concile était appelé à porter remède. Ain une assemblée de ce genre ne porta des décrets plus nombreux, soit dans l’ordre dogmatique, soit dans l’ordre dis* iplinaire.

1° Les définitions dogmatiques ont porté un coup fatal au protestantisme, en arrêtanl son développenicul doctrinal et en le réduisant ou bien à se tenir dans le cercle étroit tracé par les premiers réforma teurs ou bien à se (le ;.a « ré^cr dans un libéralisme de doctrine, bien voisin du rationalisme. Mais les définitions trldentines ont fait aussi ]>< l’explication du dogme dans un sens nettement positif. C’est le cas, à la iv session, du canon des Ecrit lires el « lis l ra « lit ion s apostoliques, La v session écarte certaines fausses Interprétations donnée ! sur le péché originel, sa transmission ci sa nature ; elle fournil une Indice