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TRENTE (CONCILE DE). ŒCUMENICITÉ


buer les droits de l'Église universelle ». Lettre de Mme de Brinon, dans la Correspondance de Bossuet, lettre i. Voir aussi la Réponse de Leibniz au mémoire de l’abbé Pirol, n. xvi et xvii, dans Bossuet, Œuvres, t. vi, p. 259, 290.

La difficulté a été, en grande partie déjà, résolue à l’art. Conciles, t. iii, col. 642. Pour qu’un concile soit œcuménique, il faut que les évêques de l'Église universelle aient été dûment convoqués par le pape. Or ni Paul III, ni Jules III, ni Pie IV n’ont manqué à cette formalité juridique. Des nonces ont été envoyés dans les différents États de l’Europe ; les papes et les légats ont instamment prié les évêques de se rendre à Trente ; parfois même ils les ont menacés de peines canoniques en cas de refus. Les princes, même protestants, ont été invités. Si les évêques ont répondu en nombre relativement restreint, surtout sous Paul III et Jules III, c'était impossibilité matérielle et morale pour les uns, les princes y mettant obstacle, pour d’autres, négligence ou scepticisme à l'égard de la tenue du concile.

Mais le nombre ne fait rien à la chose, pas plus que la prédominance italienne. La majorité italienne est un fait naturel dont on ne peut rien conclure contre la légitimité du concile, puisqu’il n’existe pas de loi qui détermine le nombre et la nationalité des Pères : « On parle de Bâle et de Constance, écrit Bossuet, où l’on opina par nations : une seule nation ne dominait pas, l’une contrebalançait l’autre. Tout cela est bon ; mais cette forme n’est pas nécessaire. Il y avait à Éphèse deux cents évêques d’Orient contre deux ou trois d’Occident et, à Chalcédoine, six cents encore contre deux ou trois. Disait-on que les Grecs dominassent ? Ainsi, que les Italiens aient été à Trente en plus grand nombre, ils ne nous dominaient pas pour cela : nous avions tous la même foi. Les Italiens ne disaient pas une autre messe que nous ; ils n’avaient point un autre culte, ni d’autres sacrements, ni d’autres rituels, ni des temples ou des autels destinés à un autre sacrifice. Les auteurs qui, de siècle en siècle, avaient soutenu contre tous les novateurs les sentiments dans lesquels on se maintenait, n'étaient pas plus italiens que français ou allemands. Une partie des articles résolus à Trente, et la partie la plus essentielle, avait déjà été déterminée à Constance, où l’on avoue que les nations étaient également fortes. » Réponses à plusieurs lettres de Leibniz, juin-octobre 1693, Œuvres, t. vi, p. 297298.

Pour arriver à ces conclusions, il faut évidemment admettre les principes catholiques relativement à l’infaillibilité du corps des pasteurs de l'Église enseignante unis au pape. C’est ce que Bossuet, dans les paragraphes précédents, p. 294-295, avait développé. Le concile, dûment convoqué par le pape et uni au pape est par lui-même certainement infaillible, sans qu’il soit nécessaire, pour confirmer cette certitude, de recourir à l’acquiescement du magistère ordinaire. Cf. Concile du Vatican, const. De flde catholica, c. iii, § 4, Denz.-Bannw. , n. 1792.

Nous ne nous arrêterons pas à une dernière instance : il aurait manqué au concile de Trente la convocation de l’empereur 1 Dans les anciens conciles, dit-on, l’empereur et ses magistrats présidaient et dirigeaient, le pape et ses légats n’ayant qu’une place d’honneur. Voir les assertions de Luther, Calvin, Henri VIII, des protestants de Naumbourg, de Gentillet, Du Moulin, Heidegger, Jurieu, dans Pallavicino, n. 242-258, col. 797-804. Pour la réponse, voir Conciles, t. iii, col. 643 sq.

3° Les décisions du concile furent-elles libres ? — D’une seule voix, les adversaires répondent par la négative. Les évêques de la majorité n'étaient que des instruments aux mains du pape et des légats ; ceux-ci,

en effet, pressaient les évêques italiens de venir à Trente, de manière à avoir par eux « leur majorité ». Du Moulin, op. cit., a. 21, 22 ; Jurieu, op. cit., p. 46, dans Pallavicino, n. 389-391 et 404, col. 836-837, 841. Les légats ont ainsi réduit l’assemblée en esclavage. Pallavicino, qui cite à ce sujet de longs extraits des auteurs que nous connaissons déjà, col. 830-850, condense leurs griefs à l'égard du pape et des légats.

Parmi les quatre griefs, formules contre le pape, le principal est qu’il ait eu ses agents à Trente. Nous avons vii, en effet, que Pie IV avait chargé Simonetta, puis Visconti, ou quelque autre occasionnellement, de le renseigner directement sur l'état des esprits, sur les difficultés de l’assemblée. — Mais n'était-ce pas son droit et son devoir en tant qu’animateur et chef du concile ? D’ailleurs celui-ci gardait sa liberté, et s’il ratifia le choix de Paul III quant aux autres officiers du concile nommé par ce pape, il n’en fut pas de même dans le choix de Massarelli comme secrétaire, Massarelli ayant été préféré par l’assemblée au prélat indiqué par le pape. Voir col. 1429. Il n’est pas exact non plus d’affirmer que « le pape avait donné ordre aux légats de se retirer ou de rompre le concile si l’on voulait toucher à ses prérogatives ». Un seul point trouva le pape intransigeant ; c’est quand, directement ou indirectement on voulut ramener la question de la suprématie du concile général sur le souverain pontife. La doctrine ici était engagée. Sur les questions de réforme, Pie IV se montra d’une condescendance remarquable, demandant simplement qu’on respectât, dans la manière de porter la réforme dans la curie même, la dignité et l’autorité du souverain pontife. Les pouvoirs accordés aux nonces de suspendre ou de transférer le concile n'étaient accordés qu’en vue du pire et avec la recommandation de n’en user qu'à la dernière extrémité. Enfin si le pape confirma le concile, c’est que cette confirmation est indispensable pour la valeur œcuménique d’un concile qu’il n’a pas présidé personnellement. D’ailleurs, Pie IV confirma purement et simplement les décisions conciliaires sans y rien modifier.

A l'égard des légats, il n’y a pas moins de quatorze grieꝟ. 1 Le principal est le fameux proponentibus legalis qui démontrerait leur main-mise sur la marche du concile. — Ils ont expliqué eux-mêmes maintes fois que cette formule n’impliquait aucune entrave à la liberté des Pères ; elle constate simplement que leurs débats ont une direction, comme il arrive dans toute assemblée dont l’ordre du jour est proposé par le président. Entre la liberté qui consisterait à laisser chacun des membres du concile parler à sa guise, sur n’importe quel sujet ou proposer à son gré n’importe quelle question, et l’autorité rigide qui impose des solutions toutes faites, il y a le moyen terme très sagement exprimé dès le début du concile : Placet vobis… in eo (concilio) ea, debito servalo ordine tractari quæ proponentibus legatis ac prassidentibus… apta et idonea… videbuntur ? Une telle formule avec ses explications, même en acceptant qu’elle soit une innovation répondant à la nécessité de mettre de l’ordre dans les discussions (n’avait-on pas l’exemple de ce qui s'était passé à Bâle ?), ne doit pas être considérée comme « trois pas faits en avant » dans le sens de l'étranglement de la liberté, « quitte à revenir en arrière, mais de deux pas seulement », comme l'écrit fort irrévérencieusement P. Rouffet, art. Concile, dans l’Encyclopédie des sciences religieuses de Lichtenberger, t. iii, p. 294.

On accuse aussi les légats de n’avoir rien laissé faire au concile que le pape n’approuvât. N'était-il pas juste que le souverain pontife remplît son devoir de conseiller et de véritable président du concile ? On envoyait à Rome, non des décisions à reviser, mais des consultations. Il le fallait bien dans les cas difficiles où les