Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/756

Cette page n’a pas encore été corrigée
1497
1498
TRENTE (CONCILE DE). ŒCUMÉNICITÉ


firent bien de n’en pas profiter. Sur ces assertions, voir Pallavicino, op. cit., t. iii, col. 924-930, lequel cite également Heidegger, op. cit., p. 1255 et Spanheim, Histoire chrétienne, Leyde, 1701, sœc. xvi.

L’histoire des pourparlers engagés par les nonces de Paul III des invitations lancées aux protestants par Jules III, et, conséquence de leur obstination, des multiples prorogations des sessions conciliaires suffirait à montrer le peu de consistance des allégations rapportées. Pallavicino fait observer justement que « la doctrine des protestants était déférée seule au concile de Trente, leurs personnes étaient complètement hors de cause. On pouvait donc se dispenser de les citer et de recevoir leurs explications ; car la doctrine… doit se défendre par elle-même ». Néanmoins on les mit en demeure de venir expliquer aux Pères ce qu’ils enseignaient de contraire à la croyance générale. Avant l’ouverture du concile, Henri VIII écrivit deux lettres dans lesquelles il refusa positivement de se rendre à un concile œcuménique convoqué par le pape. Les textes dans Pallavicino, op. cit., t. iii, col. 765, 771-772, 778-779, 895. Par ailleurs, les États protestants assemblés à Naumbourg reçurent le nonce avec la désinvolture qu’on sait. Les théologiens de ces États repoussaient jusqu'à l’idée même du concile, n’accordant aux décisions de ces sortes d’assemblée qu’une valeur fort discutable. Pallavicino, t. iii, col. 748. Ce sont les protestants qui se sont eux-mêmes exclus.

L’exclusion cependant ne fut pas complète. Gentillet lui-même fait le récit de la venue à Trente, lors de la xive session, des ambassadeurs du duc de Wurtemberg et de la république de Strasbourg. Pallavicino col. 935-938. À plusieurs reprises ils furent reçus chez le légat Crescenzi, en présence des évêques ; mais leurs exigences furent telles qu’il était impossible d’y accéder. Il aurait fallu « qu’on annulât toutes les décisions déjà prises ; qu’on ôtât au pape la présidence du concile et qu’on le mît en prévention, que les évêques fussent déliés de leur serment de fidélité, qu’on choisît d’un commun accord des arbitres, qu’on accordât voix délibérative à leurs théologiens, que tout fût décidé par l'Écriture sainte, l’usage de l'Église primitive, les Pères et les docteurs qui s’accordent avec l'Écriture ». Pallavicino, col. 939.

Quant au sauf-conduit, il suffit d’en lire attentivement le texte pour constater qu’il n'était ni insuffisant ni captieux. Aussi largement donné que possible, il prévoyait même implicitement l’autorisation de faire librement à domicile les exercices religieux du culte protestant.

2. Pourquoi les protestants n’ont-ils pas été admis à sii’ger parmi les juges ? — C’est là le reproche qui retient surtout l’attention des adversaires du concile. Ceux-ci auraient voulu que les dissidents pussent, sans distinction, prendre part aux délibérations et aux décidons. L’une des conditions du concile « libre et chrétien » qu’il aurait fallu tenir était « la réception des protestants dans l’unité de l'Église romaine, nonobstant le leste de leurs dissentions » ; et, pour affirmer cette union, il faudrait que le pape reconnût les surintendants pour vrais évêques, afin d'être ensuite appelés au concile général, non point comme parties, mais comme juges compétents et ayant droit de suffrage avec les évêques catholiques romains ». Molanus, abbé de Lokkum, Projet de réunion, dans les Œuvres de Bossuct, t. vi, p. 164. Ne s’agissait-il pas, au concile de Trente, de dirimer les conflits qui avaient surgi entre, d’une part, les partisans de la Réforme et, d’autre part, les évêques catholiques présidés par le pape ? Est-il juste que les ronllits soient dlrimés uniquement par l’une des deux parties ? Voir, sur ce thème fondamental, les textes de Gentillet, op. cit., I. V, n. 6-7 ; de

Du Moulin, op. cit., a. 9-10 ; de Ranchin, op. cit., t. I, c. m ; de Heidegger, op. cit., p. 1256 ; de Le Vassor, Hist. de Louis XIII, 1. 1, p. 740 ; de Spanheim, op. cit., sœc. XVI, dans Pallavicino, op. cit., t. iii, col. 897905. « Nous soutenons, dit Jurieu, que le concile de Trente n’est pas le concile de l'Église ; c’est le concile du pape et de la cour de Rome, qui sont formellement nos parties. C’est au pape que les protestants en voulaient… Le bon sens dicte qu’il n’y a rien de si injuste que d'établir pour juge dans sa propre cause celui auquel on s’en prend directement. » Réflexions historiques…, p. 4. Cf. Pallavicino, col. 903.

L’argument paraît spécieux : il n’oublie qu’une chose, c’est que, dans l’enseignement des vérités dogmatiques et la promulgation de décisions disciplinaires, seuls le pape et les évêques ont reçu mission du Christ. Voici comment Bossuet répond dans ses Réflexions sur l'écrit de M. l’abbé Molanus, c. vu : « La principale raison que les protestants ont opposée à ce concile est que le pape et les évêques de sa communion, qui ont été leurs juges, étaient en même temps leurs parties… Mais, si cette raison a lieu, il n’y aura jamais de jugement contre aucune secte hérétique ou schismatique, n'étant pas possible que ceux qui rompent l’unité soient jugés par d’autres que par ceux qui étaient en place quand ils ont rompu. Le pape et les évêques n’ont fait que se tenir dans la foi où les protestants les ont trouvés. Ils ne sont donc point naturellement leurs parties. Ce sont les protestants qui se sont rendus leurs parties contre eux, en les accusant d’idolâtrie, d’impiété et d’antichristianisme. Ainsi ils ne pouvaient pas être admis comme juges dans une cause où ils s'étaient rendus accusateurs… En un mot, quoi qu’on fasse, on ne peut jamais faire que les hérétiques soient jugés par d’autres que par les catholiques : et, si l’on appelle cela être partie, il n’y aura plus de jugement ecclésiastique ». Œuvres, t. vi, p. 217-218. L’idée d’un « concile libre et chrétien » d’où le pape

— parce que partie — serait exclu, où les dissidents seraient admis comme définiieurs au côté des évêques, est, au point de vue traditionnel, un pur non-sens.

Sans doute, en certains conciles du xv c siècle, les théologiens consulteurs eurent droit de décision. C'était une usurpation. A Trente, ils ne sont plus que les serviteurs des Pères qui les ont amenés. Les généraux d’ordre sont devenus définiteurs de droit et le pape n’a pas retiré aux princes le privilège de déléguer leurs agents techniques à côté de, leurs diplomates. Le pape avait bien, lui aussi, le droil d’y envoyer ses théologiens. La composition du concile était donc aussi parfaitement conçue que possible.

2° Les conditions d'œcuménicilé ont-elles été réunies ?

— On conteste au concile de Trente le caractère œcuménique en raison du petit nombre d'évêques qui 5' prirent part, de l’absence de représentation d’un grand nombre de chrétientés et de la prépondérance excessive de l'élément italien. Gentillet, op. cit., t. II, n. 1 ; t. III, n. 1 ; t. V, n. 14 ; Du Moulin, op. cit., n. 18 ; Ranchin, Spanheim, Heidegger, cités par Pallavicino, col. 780-783. Jurieu écrit : « Encore n’est-il pas vrai que ce soit un concile général de l'Église romaine ; c’est le concile de l’Italie et celui des Italiens… Dans les deux premières convocations, il n’y eut guère plus de soixante évêques, presque tous espagnols ou italiens. Où est le concile général, qui ait été compose d’aussi peu de gens ?… Il est vrai que, dans la troisième ( (invocation, il se trouve plus de deux cents prélats au concile ; mais d’où étaient-ils venus' 1 … Toute l’Europe appelait ce concile, le concile du pape ei des Italiens. » Réflexions, p. 25 ; cf. Pallavicino, col. 783*784. Pour

Leibniz, « ce serait approuver et confirmer nu moyen

de faire triompher l’intrigue, si une assemblée, dans laquelle une seule nation est ahsolue. pouvait s’attri-