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TRENTE (CONCILE DE). ŒCUMÉNICITÉ


par le Saint-Office contre l’Histoire de de Thou. Il fut porté à son paroxysme à la suite d’un arrêt du Parlement interdisant l’impression de l’ouvrage de Bellarmin, La puissance du pape dans les choses temporelles et, un peu plus tard, à l’apparition de la Théologie de Suarez. L’autorité et la vie même du roi semblaient aux parlementaires mises en péril par ces publications « démocratiques ! »

Pendant ce temps, le clergé sentait de plus en plus le besoin d’une réforme. Sans embrasser les opinions de Bellarmin et de Suarez, il était néanmoins décidé à s’opposer aux empiétements incessants de la juridiction séculière. Le livre d’Edmond Richer, Libellus de ecclesiastica et politica potestate, voir ici t. xiii, col. 2699, fournit au clergé l’occasion de se grouper autour du pape. Si les politiciens avaient espéré dresser l’Église gallicane contre Rome, ils obtinrent justement l’effet contraire. Le cardinal du Perron fit condamner le livre comme hérétique, voir t. iv, col. 1958. Aussi, dès l’ouverture des États généraux convoqués (7 juin 1614) à Sens, à l’occasion de la majorité de Louis XIII (2 octobre 1614) Martin de Racine, promoteur du clergé, demanda (7 novembre) que la publication du concile de Trente figurât en premier lieu dans les articles soumis à l’examen du roi. La proposition fut, après une discussion « longue, mais grave et sans passion » acceptée à l’unanimité. Voir dans V. Martin, op. cit., p. 365-366, le texte de la résolution votée. La noblesse acquiesça finalement par une majorité de huit gouvernements sur douze. Mais le Tiers-État, travaillé par Richer et quelques membres du Parlement, demeura irréductible. Le 26 février 1615, le clergé présenta sa demande par l’organe d’un jeune évêque, Jean-Armand du Plessis, le futur cardinal de Richelieu, qui fit, écrit le nonce Ubaldini, « une harangue adroite, éloquente, merveilleuse ». Malgré l’appui de Marie de Médicis, l’acquiescement royal demeura en suspens : le donner eût été se heurter à l’opposition systématique du Parlement.

Les évêques adoptèrent la seule solution possible, celle que leur avait d’ailleurs suggérée le nonce Ubaldini, en promulguant eux-mêmes pour la France, le concile : « Après avoir mûrement délibéré sur la publication du concile de Trente, ils ont unanimement reconnu et déclaré… qu’ils sont obligez pas leur devoir et conscience à recevoir, comme de fait ils ont receu et reçoivent ledit concile, et promettent de l’observer autant qu’ils peuvent, par leur fonction et authorité spirituelle et pastorale ». Ils prescrivirent la tenue des synodes provinciaux dans les six mois qui suivraient, avec injonction de faire recevoir ledit concile par tous les synodes diocésains (7 juillet 1615).

Le Parlement partit en guerre, interdisant aux évêques d’obéir au décret du 7 juillet, menaçant les récalcitrants de séquestrer leurs revenus. Le clergé ne se laissa pas émouvoir et, dans l’audience royale de congé (8 août), le coadjuteur de Rouen, François de Harlay, prononça un discours aussi déférent que ferme, sur l’obligation de conscience qu’avaient les évêques d’agir ainsi. Il rappela au roi qu’après « la dispensation qui appartient au Saint-Père, comme dispensateur des mystères de Dieu et interprète des intentions de l’Église et du Concile », il reste « la protection qui appartient à Votre Majesté, qui ne lui peut être non plus ravie que la couronne même ». Cf. Le Gentil, Recueil des Actes, titres et mémoires concernant les afjaires de France, Paris, 1673, t. v, p. 261 sq. Comme le garde des sceaux, Sillery, protestait, le cardinal de la Rochefoucauld fit entendre la réponse péremptoire : « Recevoir le concile et le publier pour qu’il ait force de loi sont deux choses tout à fait différentes : la première ne dépend en rien de la connaissance ni de l’autorité royales ; elle ne regarde que les évêques. Quant

à la seconde, c’est-à-dire à l’obligation, pour les juges, dans les procès qui pourraient avoir lieu, de prononcer conformément au concile, nous savons qu’il est indispensable que Sa Majesté intervienne, et nous la prierons d’intervenir. » Cf. V. Martin, op. cit., p. 389-390.

L’acte collectif de l’assemblée ne faisait d’ailleurs qu’étendre à toute la France des décisions déjà antérieurement acquises ou projetées par des conciles provinciaux : Reims (cardinal de Lorraine), 1564 ; Rouen, (cardinal de Bourbon), 1581 ; Reims (cardinal de Guise) ; Bordeaux (Prévost de Sauvac) ; Tours et Angers (Simon de Maillé), 1583 ; Bourges, synode d’Aquitaine (Reginald de Beaulne), 1584 ; Aix-en-Provence (Alexandre Canigiani), 1585 ; Toulouse (cardinal de Joyeuse), 1590 ; Narbonne (Louis de Vervins), 1609. Après l’assemblée de 1615, d’autres synodes soit provinciaux, soit diocésains sont tenus pour le même objet ; le plus important, est celui de Bordeaux (cardinal de Sourdis), 1624. Les textes dans Labbe, t. xv ; Hardouin, t. x ; Odespun, Concilia novissima Gallim, Paris, 1646 ; des extraits dans Noël Alexandre, Histoire, in sœc. xvi, diss.xii, a. 16.

L’institution des séminaires devait venir un peu plus tard, avec M. Olier, saint Jean Eudes et saint Vincent de Paul. Voir A. Degert, Histoire des séminaires français jusqu’à la révolution, Paris, 1912.

VI. Valeur œcuménique du concile. — On a rappelé à Conciles, t. iii, col. 636 sq., les conditions requises pour la composition des conciles œcuméniques, leur convocation, leur présidence, leur confirmation, leur autorité, la valeur doctrinale de leurs décisions, col. 641-669. On négligea donc ici les difficultés soulevées contre les conciles en général, telles qu’on les trouve chez certains protestants, notamment Calvin, Institution chrétienne, t. IV, c. ix ; Heidegger, Tumulus concilii Tridentini, Zurich, 1690 ; Jurieu, Réflexions historiques déjà citées.

Les objections directement formulées contre le concile de Trente peuvent se grouper sous trois chefs : 1° Les protestants ne devaient-ils pas être convoqués au concile comme juges, afin d’éviter que le pape et les prélats catholiques fussent à la fois juges et parties ? 2° Le concile de Trente a-t-il réuni les conditions requises pour une cecuménicité véritable ? 3° Ses décisions furent-elles libres ?

1° Par l’exclusion des juges protestants, le pape et les Pères du concile n’ont-ils pas été indûment juges et parties ? — 1. Les protestants furent-ils exclus du concile ? — L’affirmative se trouve fréquemment répétée par nos adversaires, encore qu’ils doivent reconnaître que les protestants furent maintes fois convoqués. Mais, disent-ils, on s’arrangeait pour qu’ils ne vinssent pas. Gentillet, jurisconsulte dauphinois et protestant, remarque que les sauf-conduits n’ont été délivrés qu’aux dissidents des pays où des cultes non catholiques étaient admis. Les réformés français ne purent donc être entendus. Le bureau du concile de Trente, 1586, t. V, n. 4. Ranchin conclut que, même en admettant que le pape et les évêques n’aient pas eu tort, qu’ils aient été juges compétents et irrécusables, que même la procédure ait été légitime, on ne saurait admettre comme définitif un jugement porté contre des absents. Révision du concile de Trente, p. 130. Du Moulin déclare qu’aucun protestant n’a pu être admis au concile puisqu’il fallait le serment au pape et à l’Église romaine et qu’ « après avoir procédé sans appeler partie, c’est une nullité contre tout droit divin, naturel et humain ». Conseil sur le faict du concile de Trente, a. 7 et 8. L’attaque peut-être la plus tendancieuse part de Le Vassor traducteur des Mémoires concernant le concile de Trente de Vargas, Paris, 1700. Pour lui, le sauf-conduit de 1551, était insuffisant et captieux en bien des manières, de sorte que les protestants