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1493 TRENTE (CONCILE DE). RÉCEPTION DANS LES ÉTATS 1494

aient été contestés en France, cela ressort de l’aveu même des légistes gallicans. Un des plus acharnés d’entre eux, Baptiste du Mesnil, ne trouve à incriminer, dans les articles dogmatiques, que l’anathème jeté par le synode contre ceux qui prétendaient nécessaire la communion sous les deux espèces et l’affirmation de la validité des ordinations faites sans le consentement de l’autorité séculière ! Advertisscment sur le faict du concile de Trente, Lyon, 1564. En réalité, les gallicans du Parlement rejetaient le concile simplement parce que l’admettre était « rabaisser l’authorité du Roy et de ses Edictz, annuler ses droietz et ceux des Estats de France, oster les libertez anciennes de l'Église pour en faire un appui d’abusion papale et par mesme moyen remettre les troubles et divisions, non seulement entre les subjects du Roy, mais par toute la chrétienté ». Ibid. Il s’agit bien, on le voit, de l’aspect disciplinaire et non du côté dogmatique du concile.

Cette opposition à la discipline tridentine a retardé en France l’adoption et l’application des décrets de Trente. Voir V. Martin, Le gallicanisme et la réforme catholique. Essai historique sur l’introduction en France des décrets du concile de Trente (1563-1615), Paris, 1919.

Le nonce de Pie IV, Santa Groce, avait tenté, dès le principe, d’obtenir de Catherine de Médicis la reconnaissance du concile. Pie IV étant mort, le projet fut abandonné. A Charles IX, Pie V demanda la mise en pratique de la réforme catholique plus encore que la reconnaissance officielle du concile ; il demanda notamment la résidence des évoques et insista même auprès de ceux-ci, tant pour leur résidence que pour la fondation des séminaires. Le pape mourut sans avoir pu obtenir satisfaction. Grégoire XIII obtint davantage : le roi alla même jusqu'à convoquer à Paris — il est vrai que ses besoins financiers l’y incitaient autant que le souci du concile — une représentation du haut clergé et il chercha à garder à cette assemblée des allures réformatrices. Mais rien d’effectif ne sortit de ces réunions. Au début du règne d’Henri III — fait nouveau — c’est le clergé lui-même qui, tout en réservant les privilèges de l'Église gallicane, s’agite en faveur de l’introduction du concile, d’abord d’une façon quelque peu détournée aux États de Blois (1576), puis plus ouvertement à l’assemblée de Melun (1579). L'évêque de Bazas, Arnauld de Pontac, y fait au roi un éloquent et amer exposé de la misère morale du royaume, les diocèses sans pasteurs, les évêchés et prieurés n’ayant que des titulaires laïques, les églises se vendant, se troquant, se donnant en dot, s’hypothéquant. Et l’orateur ne craint pas d’accuser publiquement le roi de simonie. Henri III, pour obtenir l’argent dont il avait besoin, fit de vagues promesses. En 1583, l’affaire avait été reprise sur des bases, semble-t-il, plus solides. En la personne du juriste Jacques Faye d’Espesse, le gallicanisme fit échouer l’entreprise. Son À avertissement sur la réception et publication du concile de Trente est « le réquisitoire le plus hardi, le plus fielleux, le plus brutal, le plus injuste, mais, à tout prendre, le plus complet et le plus hardi qui ait sans doute paru durant cette controverse ». V. Martin, op. cit., p. 204.

Malgré tout, Henri III était personnellement disposé à accepter le concile. Le duc de Guise, au nom fie la Ligue, avait obtenu de Catherine de Mcdieis et du roi une promesse formelle (art. 10 de l'édit d’union). Mais les réserves gallicanes soulevaient toujours, du point de vue romain — et le pape. SixtcQuint dirigeait un peu trop loi pourparlers en par les évoques — fies obstai lis in sur mon labiés. Enfin une formule fut trouvée qui agréa à la commission cardinalice chargée de l’examiner. Le roi se contentait

de « l’assurance et confiance… que l’intention de Sa Sainteté est de conserver les droicts à nous et à nostre royaume appartenant ». Mais la France était en pleine révolution et l’attentat de Jacques Clément mit fin aux espoirs.

Les luttes qui suivirent la mort d’Henri III et l’avènement d’Henri IV ne permirent pas à la diplomatie pontificale de faire autre chose que chercher l’orientation de sa politique. Aux États de la Ligue (26 janvier 1593), Pellevé, que nous retrouvons cardinal-archevêque de Reims, proposa de donner au royaume le bienfait de la publication du concile. Après une longue discussion de plusieurs mois, la proposition fut retenue et adoptée (8 août 1593). Mais Henri IV était catholique depuis le 25 juillet. L’acte du 8 août le blessa ; le Parlement ordonna aux députés de rentrer chez eux et cassa leurs décisions. Cf. Mariéjol, dans Lavisse, Histoire de France, t. vi, Paris, 1904, t. IV, c. vu.

La décision des États de la Ligue eut cependant l’effet pratique de retenir à l’ordre du jour de toutes les négociations avec Rome la publication du concile en France. Cette publication fut une des conditions posées par Clément VIII à l’absolution du monarque : toutefois cette condition fut enveloppée de formules capables de ménager les susceptibilités nationales. Cf. César de Ligny, Les ambassades et négociations de /'///me et /jme cardinal du Perron, Paris, 1623, p. 159165. Bien décidé à tenir la parole donnée, Henri IV hésitait cependant pour des raisons d’opportunité : il se heurtait, en effet à des difficultés insurmontables de la part des légistes gallicans. Cf. Louis Dorléans, Extraits d’aucuns articles du concile de Trente qui semblent être contre et au préjudice de la justice royale et des libertez de l'Église Gallicane, jails par M. M. de l' Assemblée de Paris en 1593. Toutefois, après la déclaration de nullité de son premier mariage, Henri IV fit préparer, en 1600, un texte dont la minute est conservée à la bibliothèque Mazarine, ms. 2112, fol. 56-59, ordonnant « que le saint concile de Trente soit reçu et observé en tous les lieux de nostre Royaume… sans préjudice toutesfois des droicts, privilèges et prérogatives appartenans à nostre personne et dignité, à ceste couronne et aux libertez et franchises et immunitez de l'Église gallicane, de nostre édict [de Nantes] faict sur l’observation des [précédents] édicts de pacification et pour maintenir la paix et le repos dans le royaume, n’entendant aucunement y déroger ny contrevenir aux choses susdictes ». On trouve ici un écho de l’habile diplomatie du nonce de Clément VIII. Voir V. Martin, Les négociations du nonce Silingardi… relatives à la publication du concile de Trente en France (1599-1601), Paris, 1919. Toutefois Henri ne put jamais surmonter l’opposition du Parlement et dut faire expliquer franchement la situation à Clément VIII par Philippe de Bélhune, frère de Sully (novembre 1601). Aucun résultat pratique ne put être obtenu et le poignard de Ravaillac (14 mai 1610) fit tomber les dernières espérances.

Depuis les velléités d’Henri IV, en 1600, toute une série d’attaques avait eu lieu contre la publication du concile. En 1600, Guillaume Ranchin, avocat à la Cour des Aides de Montpellier, lançait un volumineux réquisitoire en sept livres : Révision du concile de Trente, contenant les nullilez d’iceluy, les griefs des Iiois et princes chrestiens, de l'Église gallicane et d’autres catholiques. Dans cet arsenal, les adversaires de la nouvelle réforme iront puiser à pleines mains. En voir le sommaire détaillé dans V. Martin, Le Gallicanisme…, p. 347.ilï) note. À partir de 1607, les attaques se multiplient, à peine eonl redites par quelques réponses plus OU mollU perl inentes. I.a guerre devint ouvert c et le conflit s’envenima à propos de la condamnât ion portée