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1491 TRENTE (CONCILE DE). RÉCEPTION DANS LES ÉTATS 1492

et, de plus, ils exigeaient que les prélats eux-mêmes et notamment le cardinal de Constance donnassent l’exemple de la résidence. Mais, en même temps, les cantons faisaient, pour la durée de la vie du pape, une alliance en vue de maintenir la foi catholique et la mise en œuvre des affaires du « saint concile œcuménique et très chrétien » de Trente. Cet accord eut grande portée pour l’avenir. Cf. Mayer, Das Konzil von Trient und die Gegenreformation in der Schweiz, Stans, 1901-1903. Saint Charles Borromée, que Pie IV avait délégué pour veiller à l’observation des décrets dans le Tcssin, et qui accueillait à Milan les séminaristes suisses, eut une large part dans la conservation du catholicisme en Suisse ; voir t. ii, col. 2267. Sur le synode de Constance de 1567, voir Luthoff, Katholische Schweitzerblatter, t. x, 1864, p. 452.

2. En Allemagne.

Les orateurs de Ferdinand I er avaient donné leur signature à Trente. Mais les décisions du concile étaient loin d'être, par le fait même, acceptées en Allemagne, en Autriche et en Hongrie. Cette acceptation passa même au second plan, tant que vécut Ferdinand. Sans doute celui-ci s'était-il montré très accueillant, tout en empêchant la publication des décrets qui lui parurent toucher aux prérogatives de l'État. Aux évêques encore hésitants et peu zélés pour la publication et l’exécution des décrets conciliaires, Pie IV députa saint Pierre Canisius qui vit successivement le cardinal Truchsess d’Augsbourg, l'évêque de Wurtzbourg, les archevêques de Mayence et de Trêves, les évêques d’Osnabruck, de Munster, de Paderborn : pour chaque évêque, il était porteur d’exemplaires du concile et il avait des recommandations et des exhortations. Mais l’attention des Allemands était ailleurs. Tout un parti, dont l’empereur Ferdinand, était persuadé que la concession du calice et le mariage des prêtres ramèneraient beaucoup de dissidents à l’unité catholique. Il avait été question de l’une et de l’autre concession lors de la légation du cardinal Morone. Pie IV se décida à concéder l’usage du calice le 16 avril 1564, déléguant à cet effet les évêques pour la partie allemande de leurs diocèses (Salzbourg, Prague, Gran, Magdebourg, Brème, Naumbourg, Gurk). Tout d’abord, un heureux effet en résulta. Puis, après expérience, on s’aperçut que la concession était plus nuisible qu’utile à la foi catholique. Elle fut progressivement retirée, de 1571 en Bavière à 1621, date extrême, en Bohême. Voir l’histoire de cette concession dans G. Constant, Concession à l’Allemagne de la communion sous les deux espèces, Paris, 1923. La seconde concession, que Pie IV estimait moralement possible, fit l’objet de pourparlers suivis, mais interrompus à la mort du pape. A Rome, on hésita devant le parti à prendre : Pie V trancha par la négative. G. Constant, La légation du cardinal Morone…, p. 546-612, et ici PieIV, t.xii, col. 1644-1646. Sur les entrefaites, Ferdinand était mort (1564). La publication et l’exécution du concile de Trente, qui étaient passées à l’arrière-plan pendant les discussions sur la double concession, virent leur chance diminuer encore à l’avènement de Maximilien. En octobre 1564, le nonce Delfino proposa à Maximilien de faire publier par décret impérial les décisions de Trente ; mais ce fut en vain. Maximilien montra ses véritables sentiments en empêchant la publication des décrets en Hongrie, où l’archevêque de Gran avait convoqué pour le 23 avril 1564 une réunion des évêques hongrois. L’empereur interdit même aux professeurs la prestation de la profession de foi de Pie IV. Cf. Pastor, t. xvi, p. 70. Sur l’action néfaste de Maximilien, voir Janssen, op. cit., t. iv, t. III, c. v, p. 449 sq. Les évêques demeuraient donc seuls pour réformer le clergé, ouvrir des séminaires et introduire ainsi les décrets. Quelques-uns s’y appliquèrent (Mayence, Salzbourg

et surtout Eichstàtt). La Bavière donna l’exemple d’une entrée progressive dans la voie de la restauration catholique. Ibid., p. 71. Synodes signalés par Calenzio : 1567, Augsbourg, Trente ; 1568, Olmûtz ; 1569. Salzbourg ; 1570, Osnabruck, Trêves ; 1571, Osnabruck. Les jésuites, surtout Canisius, et le duc Albert V de Bavière eurent une grande influence dans ce retour à la foi catholique. Janssen, op. cit., t. iv, t. III, c. vi, p. 457 sq. Gams n’indique aucun synode pour la Hongrie, laquelle se débattait à cette époque dans des difficultés religieuses très graves ; voir Hongrie, t. vii, col. 47-48.

3. En France.

Les décrets dogmatiques ne furent jamais contestés en France. Jurieu, pour infirmer cette constatation, est obligé d'écrire « qu’il n’y a pas de point de discipline qui n’ait une liaison étroite avec un point de droit et même qu’il y a des points de discipline qui ne laissent pas d'être des points de doctrine », Réflexions historiques, placées en tête de son Abrégé de l’histoire du concile de Trente, Genève, 1682, p. 57. Voir ici, t. xii, col. 1642, le témoignage de l’abbé Pirot. Se référant à ce mémoire, Bossuet affirme péremptoirement « qu’on peut prouver par une infinité d’actes publics que toutes les protestations que la France a faites contre le concile, et durant sa célébration, et depuis, ne regardent que les préséances, prérogatives, libertés et coutumes du royaume, sans toucher en aucune sorte aux décisions de la foi, auxquelles les évêques de France ont souscrit sans difficulté dans ce concile ». Projet de réunion des protestants d’Allemagne, dans Œuvres complètes, Bar-le-Duc, 1862, t. vi, p. 216. Cf. Correspondance, lettre ii, à Mme de Brinon ; vii, à Leibniz, ibid., p. 261, 268. La réplique des protestants est que l’autorité royale n’a jamais accepté en France le concile. Cf. Réplique de l’abbé de Lokkum (Molanus), ibid., p. 256-257 ; Leibniz, Réponse au mémoire de l’abbé Pirot, dans Correspondance, lettre xxi, ibid., p. 285 sq. Devant la carence de l'État et les protestations des ambassadeurs contre le concile de Jules III, Leibniz estime que la ratification du concile en entier, faite en présence des prélats français et de leur consentement, demeure inopérante ; outre, ajout et-il, « que ces sortes de ratifications in sacco, en général et sans discussion sont sujettes à des surprises et à des subreptions ». Bossuet de répliquer qu' « en ce qui regarde la foi, [il est] constant que [le concile de Trente] est tellement reçu et approuvé, à cet égard, dans tout le corps des Églises qui sont unies de communion à celle de Rome, et que nous tenons les seules catholiques, qu’on n’en rejette non plus l’autorité que celle du concile de Nicée ». L’assemblée des évêques suffit pour faire accepter la foi définie : « S’il fallait une assemblée pour accepter le concile, il n’y a pas moins de raison de n’en demander pas encore une autre pour accepter celle-là ; et ainsi, de formalité en formalité, et d’acceptation en acceptation, on irait jusqu'à l’infini. Le terme où il faut s’arrêter, c’est de tenir pour infaillible ce que l'Église, qui est infaillible, reçoit unanimement… Par là on voit qu’il importe peu qu’on ait protesté contre ce concile une fois, deux fois, tant de fois qu’on voudra ; car, outre que ces protestations n’ont jamais regardé la foi, il suffit qu’elles demeurent sans effet par le consentement subséquent ; ce qui ne dépend d’aucune formalité, mais de la seule promesse de Jésus-Christ et de la seule notoriété de consentement universel ». Lettre xxii, ibid., p. 295-296. Peu importe qu’Henri II n’ait pas reconnu le concile de Jules III ; à la dernière session, d’un consentement unanime, le concile a ratifié les décisions prises sous Paul III et sous Jules III. Même ratifiées in sacco, pour reprendre l’expression de Leibniz, ces décisions sont couvertes par l’infaillibilité.

Que seuls, même au début, les décrets disciplinaires