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1467 TRENTE. LE CONCILE DE PIE IV, LES DIFFICULTÉS 1468

confiance des ambassadeurs français et un rapprochement plus sûr encore fut réalisé par le geste habile des légats faisant aboutir à Rome, malgré l’opposition du Saint-Office, la promotion à la métropole de Sens du protégé des Guises, Nicolas de Pellevé, évêque d’Amiens. Susta, t. ii, p. 74, 120. Cf. Pallavicino, t. XIX, c. x, t. iii, col. 89-90.

4. Directives pontificales.

Les détails qui précèdent montrent en quelle atmosphère se déroulaient les débats conciliaires. A Rome, des accusations parties de l’assemblée, représentaient les légats comme sans énergie, faibles, condescendants envers l’opposition, impuissants à obtenir du concile un travail sérieux. Pie IV n'était peut-être pas loin d’accepter ces suggestions. Il était indispensable que les légats eussent avec le pape et la secrétairerie d'État une explication franche ; ils y députèrent Visconti, réservant à Gualtieri de porter les requêtes du gouvernement français, quand elles arriveraient. Deux points surtout se dégageaient des mémoires envoyés à Rome par les légats : nécessité de ménager le cardinal de Lorraine dont l’influence était indispensable à une conclusion heureuse du concile ; directives nettes et précises sur les questions débattues, les motions à présenter (le proponentibus legatis étant toujours mal supporté) et solution des difficultés soulevées à propos du canon 7 (relatif au droit divin des évêques), point de départ de tous les ennuis. De plus il était évident que la session devait, une fois encore, être reportée à une date ultérieure.

Le 3 janvier, les trois ambassadeurs français vinrent présenter, au nom de leur jeune roi, trente-quatre articles de réforme. D’accord avec Lorraine, les articles furent expédiés à Rome, et Gualtieri partit le 6 janvier. Entre temps, ils furent également soumis à l’examen d’une commission à Trente. Ces articles furent jugés bien moins dangereux que ne le supposait le public. Les évêques français acceptèrent d’ailleurs de bonne grâce d'éliminer de ce programme de réforme ce qui se ressentait trop du gallicanisme. Il n'était plus question de la supériorité du concile sur le pape ; on avait abandonné l’idée du mariage des prêtres, pour spécifier simplement qu’au moins les évêques soient ordonnés à un âge assez mûr qui leur facilitât la continence. Avec l’instruction suffisante, le projet requérait des bénéficiers ayant charge d'âmes de sérieuses capacités intellectuelles et morales, la dignité et l’honnêteté de vie ; ils devaient instruire les peuples, administrer les sacrements d’une manière suivie. Les réformateurs sollicitaient la suppression des provisions, regrès, résignations de bénéfices, une limitation précise des dispenses et, dans les procès ecclésiastiques, la disparition des « possessoires » « pétitoires » et d’autres complications qu’y apportait la curie romaine. Les chanoines devaient résider et remplir convenablement leurs fonctions. Les synodes diocésains devraient se tenir chaque année et les conciles provinciaux tous les trois ans. Richard, p. 794-795 ; cf. SuSta, t. ii, p. 145.

Dès le 13 janvier un exprès de Borromée apportait une première réponse de Rome. Il s’agissait des canons 7 et 8, tels que Lorraine les avait proposés, en attribuant aux évêques, le titre de vicaires de JésusChrist et les définissant les successeurs des apôtres. Peu de changements y étaient introduits. Pie IV indiquait simplement ses préférences pour une rédaction présentant les évêques comme appelés par le pape in partem sollicitudinis suse et établis par l’Esprit-Saint pour gouverner l'Église de Dieu (can. 7) ; et, en ce qui concerne le can. 8, il désirait qu’on y insérât, en même temps que dans le chapitre de doctrine, un passage emprunté au concile de Florence, savoir que le pape a reçu de Jésus-Christ pleixam potestatem regendi, pascendi et gubernandi Ecclesiam universalem. Le cardinal Borromée invitait son collègue à mettre en œuvre sa

grande influence pour faire adopter les nouveaux textes et pour faire aboutir une session bien remplie, dans laquelle avant tout on établirait un règlement pratique sur l’observation de la résidence, sans se préoccuper du principe. Quant au canon 7, il fallait plutôt le supprimer que d’abandonner la session.

Les théologiens romains demandaient la suppression du titre de vicaires du Christ attribué aux évêques : ils faisaient observer que toute une école de théologie enseignait que saint Pierre avait été institué seul évêque par Jésus-Christ et qu’il avait ensuite institué luimême les autres apôtres : l’assemblée devait donc se borner à définir que le Sauveur avait institué l’ordre épiscopal, non les évêques. Ces observations de Rome se heurtaient, chez les évêques français, sinon chez le cardinal de Lorraine lui-même, à une certaine opposition, que d’aucuns poussèrent jusqu'à l’intransigeance. Les théologiens gallicans, dont les évêques dépendaient trop, ne se décidaient pas à reconnaître les deux formules : in partem sollicitudinis suie et plénum potestatem regendi. On a vu à Primauté, t. xiii, col. 325, comment de ces conflits de doctrine sont sortis des textes qui, sans rien sacrifier de la vérité catholique, mais en laissant à l’avenir le soin de la mettre en relief, ont pu éviter les formules qui choquaient tant les gallicans. Il était impossible, à Trente, de faire triompher la vérité intégrale en face de l’attitude résolue des ambassadeurs français. Voir Richard, p. 803 sq. ; Pallavicino, t. XIX, c. xvi, n. 3, 9, col. 134, 138.

En attendant les autres directives pontificales, le débat sur la résidence avait repris. L'évêque d’Orvieto avait vigoureusement et victorieusement combattu le principe du droit divin. Conc. Trid., t. ix, p. 358, note 6. Les légats comptaient sur les deux jésuites Laynez et Salmeron pour porter aux adversaires de la prérogative pontificale les derniers coups ; mais ces deux théologiens redoutaient de froisser les évêques espagnols. Laynez s’excusa sur une indisposition (18 janvier). Une commission fut nommée, qui rédigea un nouveau décret, dont le texte soumis à la censure de deux cent trois Pères, donna les résultats suivants : cent quatorze l’acceptaient, quelques-uns sous la réserve des censures à y ajouter contre les infractions ; les autres se contentaient du précepte de la résidence promulgué sous Paul III, à la vie session. Ci-dessus, col. 1439. Cent vingt-cinq Pères rejetaient l’obligation de résidence imposée sous peine de péché mortel : comment fixer la durée de non-résidence entraînant une faute grave ? Soixante-sept définiteurs réclamaient une déclaration du principe, contre cinquante-trois et quatre-vingt-trois abstentions. Conc. Trid.. t. ix, p. 361 sq.

Le cardinal de Lorraine présenta alors un texte à lui : il définissait que les devoirs des évêques, dont il donnait une longue énumération, leur était imposés par Dieu. C'était une manière détournée de revenir au droit divin. L’archevêque d’Otranle, dans l’examen du projet, montra qu’il allait à rencontre de celui des légats et des intentions de la majorité qui s'était prononcée contre toute déclaration du principe. Ce fut le point de départ d’une nouvelle et grave dissension entre les membres du concile, dissension qui s’aggrava encore de l’intervention officielle des trois ambassadeurs français (24 janvier). À la fin de ce mois de janvier, la situation du concile était plus compliquée que jamais et menaçait, à propos du décret sur la résidence, d’opposer le cardinal de Lorraine aux légats. Lorraine avait d’ailleurs envoyé à Pie IV son rapport sur la question ; mais il était arrivé trop tard : le pape avait pris position.

Les légats de Trente, en effet, depuis le 29 janvier, avaient en mains les décisions attendues que leur avait rapportées Visconti. Il ne s’agissait plus de recom-