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TRENTE. LE CONCILE DE PIE IV, XX* SESSION


cussion et se plaignirent de son « intolérance ». Seripando ayant protesté de ses intentions droites, l’assemblée s’inclina et accepta de nommer des commissaires : trois Italiens, un Espagnol, un Portugais. Devant ce désarroi, Mantoue, qui avait repris la présidence, demanda le 20 avril un vote par oui ou par non sur le principe de la résidence. Le résultat aboutit à une sorte de ballottage : sur 141 opinants, 67 étaient pour le droit divin, 33 contre et 38 pour le renvoi au pape. Le premier légat, comptant comme acquis au « droit divin » quelques votes conditionnels, voulut renvoyer à Rome la question en comptant 80 voix contre 61. Cf. Pallavicino, t. XVI, c. iv, p. 1085 sq. Hosius et Simonetta protestèrent avec énergie. On se contenta d’en référer au pape, ce qui fut fait le jour même par l’intermédiaire du théologien Frédéric Pendazio, conseiller intime de Mantoue. SuSta, op. cit., p. 88.

b) La réforme générale. — Ce chapitre avait été entamé, avec aussi peu d’entente et aussi peu de succès. Les légats avaient averti les évêques des différentes nations de réfléchir sur les réformes qu’ils croiraient nécessaires pour leur diocèse ou leur pays et d’en présenter un mémoire. Seripando tira de là des matériaux pour les discussions à venir et condensa ces résultats en 93 articles, cf. Suëta, p. 38-39, qu’il réduisit à 18 puis à 12. À plusieurs reprises, Pie IV avait déclaré qu’il laissait au concile toute liberté de réformer sa cour et sa personne, du moins en ce qui concernait le bien général de l’Église. Les légats se demandaient s’il fallait commencer par cette réforme de Rome ou par une réforme plus générale. Seripando penchait pour le premier parti, estimant que la réforme de l’Église romaine donnerait confiance aux dissidents et aux chrétiens partisans de la réforme. Ses articles, d’ailleurs, embrassaient les deux faces du problème.

Le premier article de Seripando concernait la résidence. Simonetta demanda qu’on le mît à pari. Les Impériaux s’y opposèrent : l’affaire resta en suspens. Les art. 10 et Il concernaient les mariages clandestins ; ils furent soumis aux théologiens mineurs. Les autres furent retenus pour le décret de réforme générale. Mais les défmiteurs continuaient à rechercher les abus répandus dans leurs diocèses pour compléter et préciser l’ébauche de Seripando. Après Pâques, les prélats espagnols remirent aux légats un certain nombre d’articles de réforme ayant trait à leur pays, en les faisant entrer dans le plan de la réforme générale. Ce premier travail accentua entre Seripando et Simonetta les divergences que nous voyions poindre tout à l’heure. Simonetta, en effet, soucieux de mettre la cour romaine hors de cause, s’efforçait en surchargeant le projet d’amendements locaux, de retarder cette réforme, afin d’en réserver le règlement à une assemblée plus nombreuse et plus capable de déterminer les besoins de la chrétienté ; Seripando voulait, en débarrassant le projet de cet entassement de motions disparates, hâter l’heure de la réforme tant romaine que générale. Et, puisque le concile faisait appel au pape pour dirimer la question du principe de la résidence, il attendrait aussi de lui le mot d’ordre sur la question de la réforme générale qui primait tout. Il était temps d’en sortir : en discutant sur la réforme, les Pères s’étaient convaincus qu’il y avait trop de liaison entre les abus de Rome et ceux des diocèses. Les plaintes formulées obligeaient les légats à s’adresser au souverain pontife. En partant pour Rome, le 10 avril, Pendazio fut chargé de porter à Rome, avec la question de la résidence, celle de la réforme. Susta, p. 78-81.

Pie IV fit transmettre à ses théologiens les desiderata exprimés par les Pères, pour leur faire rédiger un cadre général de réformes, applicables aussi bien à la

cour romaine qu’à la chrétienté. Du tout, ils tirèrent 95 articles, qui sont à peu près la reproduction des 93 articles primitifs de Seripando. Une commission de sept cardinaux les avait soigneusement étudiés et Pie IV lui-même y avait ajouté ses observations, réservant les onze derniers qui se rapportaient à la cour romaine. Il laissait aux légats toute liberté en ce qui concernait les autres, avec la seule recommandation de lui soumettre ce qui touchait à sa personne. Le texte dans SuSta, p. 112. Quant au principe de la résidence, Pie IV crut devoir n’intervenir en aucune façon ; montrant toutefois son mécontentement à propos de la tentative de définition du droit divin. Ibid., p. 126.

Pendazio rapporta au concile la nouvelle esquisse sur la réforme générale : elle devait servir de thème aux discussions et tout était à recommencer. Cette esquisse touchait à la plupart des problèmes que soulevait la réforme des abus : la discipline, les sacrements, les indulgences, l’Inquisition, même les jeux publics, comme les courses et les combats de taureaux. Finalement, après entente avec l’ambassadeur de Philippe II, la xixe session eut lieu le 14 mai : on se contenta d’y renvoyer à plus tard les décidions sur les points de dogme et de discipline, qu’on se proposait d’approfondir davantage, avant de les promulguer. Plusieurs ambassades nouvelles, Florence et Venise notamment, s’étant présentées, il y eut huit ambassadeurs, dix nobles, soixante et un théologiens et cent soixante-trois Pères. La session suivante fût fixée, selon le désir des Impériaux, au 4 juin.

6. Crise au concile et XXe session (4 juin 1562). — D’après le programme tracé par les légats le Il mai, la session suivante avait pour unique objet le décret de réforme qui était sur le métier. Dès le 12 était distribué un texte nouveau, refondu par la commission au moyen des matériaux que Pendazio avait rapportés de Rome. Il n’était plus question de définition du droit divin de la résidence. Par ses actes à Rome, le pape avait montré le chemin qu’il s’agissait de suivre. Ses réformes profondes : port de l’habit ecclésiastique, réformes des services curiaux, daterie et pénitencerie, préparaient l’œuvre du concile. Mais les résistances que ces actes rencontraient jusque chez les cardinaux frustrés de leurs revenus — Farnèse perdait 5 000 ducats par an ! — encourageaient les divisions, les coteries jusqu’au sein du concile, dont la crise s’aggrava au point que Pie IV dut intervenir à nouveau pour empêcher l’échec de l’assemblée, sa rupture ou l’aveu de son impuissance.

La discorde était envenimée surtout par les indiscrétions de langage et de correspondance auxquelles certains prélats se laissaient aller et Simonetta lui-même n’était pas sans reproche de ce chef. Sa fonction était si délicetel II allait jusqu’à réclamer la nomination de nouveaux légats 1 Mantoue, en acceptant le débat sur le droit divin, n’ouvrait-il pas en effet la porte à l’erreur de la supériorité du concile sur le pape ? Sur les craintes de Rome à ce propos, voir Susta, p. 126. Il insistait aussi sur la nécessité d’envoyer au concile un renfort d’évêques italiens disposés à soutenir la cause du pape, afin d’y avoir la majorité.

Il fut donc vraiment question à Rome du rappel de Mantoue ou tout au moins de l’envoi à Trente du cardinal-évêque Cicada, qui aurait eu la préséance sur Gonzague. Celui-ci envoya (16 mai) une lettre justificative à Borromée et le prévint qu’il s’en irait dès l’arrivée de Cicada, ne pouvant passer au second rang après avoir présidé le concile. Rectifiant les exagérations de Simonetta et de ses adversaires, il présenta une franche apologie. Sans doute, il avait accepté de discuter le droit divin de la résidence, mais c’était comme moyen d’assurer efficacement la résidence et pour compléter le décret adopté sous Paul III. Il ré-