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TRENTE. LE CONCILE DE PAUL III (1545-1547)


l’empereur (30 juillet) et Grimani à François I er. Un inonitoire fut rédigé au consistoire du 30 juillet, et le texte en fut revu et adouci pour n'être arrêté que le 24 août. Le pape y invitait Cliarles-Quint à revenir à une politique plus chrétienne et plus romaine. Morone ne put joindre l’empereur ; mais San Felice communiqua la lettre à Ferdinand (2 septembre). Or, à ce moment était signée la paix de Crépy-en-Valois. Les efforts du pape devenaient ainsi sans objet.

8. Nouvelle et définitive convocation du concile à Trente. — Les deux souverains s'étaient engagés par un article secret à favoriser la tenue du concile. Il est difficile de savoir ce que valait, dans la pensée de leurs auteurs, pareil engagement. Ému par les progrès des luthériens, Charles-Quint devait y apporter une réelle sincérité. Pau ! III saisit l’occasion et invita les deux souverains à faire partir immédiatement leurs évêques pour Trente et interdit à la prochaine diète de Worms de s’occuper de matières religieuses.

La date d’ouverture du concile fut fixée au 15 mars 1545, par la bulle Lœtare Jérusalem, qui faisait écho à la joie liturgique de ce jour d’ouverture, dimanche de Lsetare. La bulle ne fut lancée que le 30 novembre 1544. Le 5 décembre le pape convoquait près de lui les cardinaux étrangers pour la fête de l’Epiphanie. Son appel ne fut pas entendu. La promotion cardinalice du 19 décembre eut le don d’irriter les deux monarques. La France n’avait que deux chapeaux sur treize (Georges d’Armagnac et Jacques d’Ennebaut). Si Charles-Quint pouvait compter cinq de ses amis dans la nouvelle promotion, il n’y voyait pas figurer Pacheco, évêque de Jæn ; et ce fut là l’occasion d’une nouvelle brouille avec le pape. Pacheco devait d’ailleurs être promu quelque temps après (13 janvier 1546).

L'œuvre du concile avait été préparée par la congrégation de la réforme. Sur l'œuvre de cette congrégation, voir Paul III, t.xii, col. 13-15. Mais la réforme de l'Église romaine n'était pas seulement conditionnée par l'élimination des abus en matière de taxes et de formalités curiales : il fallait une réforme plus profonde dans la mentalité et les mœurs du clergé romain. Dès 1542, Paul III en avait chargé le milanais Philippe Archinto, qui, aidé principalement des jésuites, fut le bras droit du pape dans cette œuvre. Cf. ibid., col. 14. Pour la réforme de l'Église universelle et la tenue du concile, le pape devait trouver de précieux auxiliaires chez les cardinaux. Nommons, par ordre de promotion, Contarini et Simonetta (20 mai 1535), Aléandre, Caraffa, Sadolet, Pôle, del Monte (22 décembre 1537) ; Marcel Cervini (Marcel II), Laurerio, Pariso et l’humaniste Fregoso, « le père des pauvres » (février 1540) ; Cortese, Crescenzi (30 novembre 1544), Madruzzi, Morone, Badia (2 juin 1545). Ce sont là des noms pris au hasard ; mais tous ces noms comptent dans l’histoire de la préparation du concile ou du concile lui-même. D’autres personnages se révéleront dans la suite : l’Esprit-Saint guidera l'Église et son chef d’une façon visible au cours de ces grandes assises de la réforme catholique.

Le 6 février 1545, Paul III désigna comme légats présidents : del Monte, évêque de Palestrina ; le cardinal-prêtre Cervini et le cardinal-diacre Pôle. Les deux premiers arrivèrent à Trente le 13 mars ; ils n’y trouvèrent que le cardinal Madruzzi, évêque de la ville et San Felice, le commissaire pontifical. Le lendemain arriva l'évêque de Feltre. C'était trop peu pour ouvrir le concile à la date fixée. On dut attendre ; mais il n'était plus question de reculer.

II. Le concile de Paul III (1545-1547). — 1° Les débuts hésitants du concile.

Le légat Pôle était

arrivé le 4 février. Mais, en fait, del Monte et Cervini devaient être les vrais dirigeants du concile. Del

Monte, remarquable pour sa science de canoniste et sa connaissance du monde curial ; Cervini, supérieur à del Monte au point de vue intelligence et sainteté, estimé de tous pour sa valeur morale et ses connaissances aussi étendues que variées. Voir leurs notices dans Pastor, t. xiii, p. 46 sq., et t. xiv, p. 3 sq. Vu le petit nombre d'évêques présents au 1 er mai (dix prélats dont un espagnol), les légats avaient tout loisir de se consacrer à l’installation matérielle du concile : chose difficile, vu l’exiguïté de la ville, le manque de confort de ses maisons et l’humidité du climat.

Charles-Quint avait désigné son orateur et procureur, Don Diego Hurtado de Mendoza, agent impérial à Venise. Mais, avec l’arrière-pensée d’empêcher les évêques de venir trop nombreux, il suggéra l’envoi au concile d'évêques-procureurs pour chaque nation. Le vice-roi de Naples invita même les prélats du royaume à désigner quatre procureurs. Le pape se hâta d’intervenir (17 avril 1545) en déclarant formellement que les évêques devaient assister au concile en personne, à moins d’empêchement canonique. Entre temps, les Impériaux contrecarraient sournoisement l'œuvre conciliaire avec leurs agitations et leurs dictes. La diète de Worms (mars 1545) se déroulait sans résultat : Ferdinand et Granvelle laissaient entendre qu’elle aboutirait à un synode national, si le pape n’y envoyait un légat. On força la main à Paul III qui nomma légat le cardinal Farnèse. Arrivé à Worms le 17 mai, Farnèse se laissa persuader par l’empereur et par Granvelle qu’on réduirait les luthériens par les armes et qu’il fallait remettre en question le concile. Paul III accepta (17 juin) d’accorder un subside à l’empereur et profita de la circonstance pour disposer en faveur des siens des duchés de Parme et de Plaisance sans que CharlesQuint songeât à protester. Mais ce dernier remit à l’année suivante l’entrée en campagne contre les luthériens et, par là, entendait imposer un nouveau délai au concile. Le pape eut la fermeté de ne pas céder.

Les évêques continuaient à se présenter. Conc. Trid., t. i, p. 198. Les légats tinrent les premières assemblées les 31 mai et 4 juin, avec quatre archevêques et quatorze évêques, dont douze italiens. Les Impériaux n’en continuaient pas moins leur travail négatif en agitant le spectre d’un coup de main que les luthériens pourraient tenter sur le concile. L'évêque de Fano, Bertano, fortement impressionné écrivait (12 juillet) au cardinal Farnèse (voir Conc. Trid., t. iv, p. 421) que le seul remède à la situation était de transférer ou de suspendre le concile. Cervini lui-même conseillait au pape d’imposer la îéforme à l'Église par une bulle et d'éviter par là l’ingérence de l’empereur. Les prélats arrives à Trente, se plaignaient du séjour. Farnèse conseilla le transfert et Paul III expédia son homme de confiance, Dandino, à l’empereur pour négocier le transfert à Bologne. Chose extraordinaire, Charles-Quint refusa d’envisager cette solution. On peut supposer que cette brusque détermination fut l'œuvre des conseillers espagnols, y compris le confesseur Dominique Soto, dans l’espoir de stimuler la diplomatie hésitante du souverain pontife. La volonté irrévocable de l’empereur fut communiquée aux légats le 19 octobre. Tout en protestant contre cette mise en demeure qui était une atteinte à la liberté et à la dignité de l'Église enseignante, les légats demandèrent au pape l’autorisation de procéder à l’ouverture du concile. Au consistoire du 30 octobre, Paul III décida que l’assemblée s’ouvrirait à Noël, puis, quelques jours plus tard, l’avançait au troisième dimanche del’Avent, 13 décembre.

Toutefois le nombre des évêques et des prélats ne s'était accru que fort lentement. Le 20 août, il n’y avait encore que six archevêques et trente-cinq évêques, la plupart italiens. Un bref secret permit d’ad-