Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/719

Cette page n’a pas encore été corrigée

1423 TRENTE (CONC. DE). PREMIERS ESSAIS DE RÉUNION 1424

Mélanchthon était opposé Jean Eck. La discussion s’immobilisa bientôt : un formulaire fut rédigé qui ne fut admis par les protestants qu’avec toutes les réserves soulevées par Mélanchthon dans son exposé. Le colloque dut être ajourné à la diète qui était convoquée à Ratisbonne pour la fin de ce mois de janvier. Granvelle lui-même demandait deux légats, Contarini et Fregoso. Le légat choisi, on l’a vii, était Contarini : sa nomination devait être la dernière avance de Rome aux luthériens.

4. Diète de Ratisbonne en 1542 et légation de Contarini. — Au consistoire du 20 janvier 1541, Paul III proclama Contarini légat a latere avec des pouvoirs étendus pour tout l’empire. Pour diviser les protestants et amener les plus modérés d’entre eux à une entente avec les catholiques, Granvelle comptait sur sa diplomatie et ses intrigues. Une certaine entente, toute de façade, semblait déjà se réaliser ; mais Morone voulut avoir le cœur net sur les véritables dispositions des porte-parole du nouvel évangile. Il invita chez lui les trois principaux, Mélanchthon, Sturm et Capito, et n’eut pas de peine à se convaincre qu’ils étaient irréductibles. C’est sous cette fâcheuse impression qu’accompagné de Campegio, il prit le chemin de Ratisbonne. Le 25 février, il mandait au cardinal Farnèse que Charles-Quint achèterait à n’importe quel prix l’appui des protestants contre les Turcs : il faudrait ratifier les concessions de droit positif et de discipline et s’estimer heureux de renvoyer les points de foi à un concile ultérieur. Pastor, ibid., p. 353. Morone concluait donc qu’on allait par là ruiner la religion et l’ordre ecclésiastique. D’autres allaient plus loin encore : Marin Giustiniani, ambassadeur de Venise, concluait qu'à Ratisbonne on n’aboutirait à aucune union, sinon contre le pape. Ibid., p. 354.

Les dernières instructions pontificales parvinrent le 20 février 1542 à Contarini encore à Trente. Comme base à tout accord, le pape exigeait que les luthériens acceptassent l’autorité divine de l'Église et son primat, les sept sacrements et les enseignements de l'Écriture et de la tradition. Sur les points secondaires, le légat et ses théologiens avaient liberté de discuter, pourvu qu’ils tinssent le pape au courant. L’accord serait définitivement réglé au concile général. Le légat devait s’opposer à la tenue d’un concile national assemblé en dehors du pape et, si la diète attaquait l’autorité et les droits du Saint-Siège, il protesterait et se retirerait, tout en gardant contact avec l’empereur. Pastor, ibid., p. 359-603.

Ces conseils avisés n'étaient pas superflus pour Contarini, trop enclin aux accommodements. En arrivant, le légat trouvait une situation assez trouble : division des princes, inimitiés de certains catholiques à l'égard des Habsbourg, discorde attisée par les ambassadeurs du roi d’Angleterre et du roi de France. Contarini et Morone se donnèrent pour but, quelles que fussent les difficultés, d’amener la tenue du concile avec le minimum de retard.

La cérémonie d’ouverture de la diète eut lieu le 5 avril. Dans son rescrit, l’empereur demandait aux princes la faculté de désigner quelques hommes instruits et conciliants des deux partis, des collocutores qui discuteraient entre eux des articles contestés. L’empereur serait saisi de leur rapport et, après en avoir délibéré avec les agents pontificaux, donnerait sa décision. Du côté protestant furent désignés (21 avril) Mélanchthon, Bucer et Jean Pistorius senior ; du côté catholique Contarini fit adjoindre à Eck deux théologiens enclins à la concorde, Gropper et Pflug.

Le 23 avril, un projet d’accord en 23 articles fut remis à Contarini. La forme de ce Livre de Ratisbonne était modérée ; les points d’accord étaient mis en relief et les divergences atténuées à l’excès. Contarini fit des

réserves et Gropper rédigea un texte nouveau que le légat n’admit que comme théologien privé. Ce texte fut encore remanié avant d'être soumis aux deux parties.

Le colloque entre théologiens adverses suivit d’abord un cours régulier. On s’entendit sans peine sur les premiers articles : nature de l’homme, libre arbitre et même péché originel. L’article sur la justification mit aux prises Eck et Mélanchthon. Un nouveau texte, sans doute inspiré par le légat, distinguait, conformément à la doctrine de l'école de Cologne, deux justifications : une première, inhérente à l'âme, découlant de la grâce et des mérites du Christ, mais qui, pour devenir source de mérite, devait se compléter d’une justification extérieure, la justice du Christ, imputée à l’homme en vertu de sa foi. Cf. Justification, t. viii, col. 2159. Les déboires du légat commencèrent bientôt. Le conflit éclata à propos de l'Écriture, que les protestants affirmaient être la seule source et la seule règle de la foi. Mélanchthon rejeta l’autorité des conciles. Sur les sacrements, l’accord se fit jusqu'à l’art. 14, concernant l’eucharistie. Les protestants se refusèrent à admettre la présence réelle, la transsubstantiation ; le Christ, pour eux, n'était présent qu’au moment de la communion. Contarini qui avait remis à plus tard la discussion sur le dogme de l’autorité de l'Église se montra ici irréductible. Il s’en expliqua à Rome en quatre lettres énergiques. Pastor, Korrespondenz Contarini, p. 376, 382, 388. Granvelle dut convenir qu’il ne s’agissait plus d’une simple querelle de mots. Le colloque fut sur le point d'être rompu. Même sur les points secondaires, malgré les aveux que firent les catholiques touchant les abus qui s'étaient produits, Mélanchthon s’entêta dans sa fin de non recevoir. Chose inouïe 1 l’empereur fit partir une ambassade vers Luther : celui-ci fut intransigeant. Contarini lança son appel d’alarme du côté de Rome et, du concile, il n'était plus question.

Contarini avait échoué ; on trouva même à Rome ses concessions dangereuses. Et cependant le légat continuait à travailler avec les collocutores catholiques. Le Livre de Ratisbonne avec ses corrections fut envoyé au pape ainsi que le projet de tolérance rêvé par Charles-Quint et soumis à l’autorité de Luther ! C’en était trop. Paul III voulut intervenir et renvoyer l’affaire au concile futur.

5. Reprise du projet du concile.

Le 6 juillet, un consistoire avait été tenu pour la reprise du concile. Venise était priée de mettre Vicence à la disposition du Saint-Père : le 10, Contarini était avisé d’avoir à solliciter le concours de l’empeieur, afin d’enlever toute raison d'être à l'édit de tolérance projeté. Contarini, en présentant Varallo, le nouveau nonce auprès de Ferdinand, qui apportait une contribution en argent à la guerre turque, annonça à l’empereur le futur concile de Vicence. Charles-Quint consentit difficilement à laisser en sommeil son édit de tolérance et objecta, en ce qui concernait le concile, que les Allemands entendaient l’avoir chez eux, sinon pour eux. Craignant un synode national, Contarini adressa (24 juillet) une protestation à l’empereur et à l’assemblée. Celle-ci répondit que le seul moyen d’empêcher un synode national était de tenir promptement un concile général, que les Allemands catholiques ne régleraient leurs affaires, en concile ou en diète, que sous le contrôle d’un légat muni de pouvoirs suffisants, qu’enfin — ajoutait le cardinal de Mayence — si le pape et l’empereur se mettaient rapidement d’accord, les catholiques allemands n’hésiteraient pas à prendre part au concile, même tenu en Italie.

Il serait trop long de rappeler les tractations et les procédés diplomatiques qui amenèrent l’empereur et le pape à se rencontrer à Lucques. L’empereur y était