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1421 TRENTE (CONC. DE). PREMIERS ESSAIS DE RÉUNION 1422

le statu quo politique et religieux, à ne rien entreprendre l’un contre l’autre, ni annexion, ni sécularisation, ni propagande. On devait s’en tenir à la paix de Nurenberg (1532) et tout procès contre les luthériens pendant devant la chambre impériale restait suspendu. Si l’empereur n’approuvait pas la trêve, l’accord ne vaudrait que six mois et, pendant ce temps, on chercherait un modus viuendi au point de vue religieux.

Le nonce Aléandre combattit avec vigueur le Délai et les princes bavarois en profitèrent pour intriguer contre les Habsbourg. Bientôt la réponse de CharlesQuint arriva (15 mai). En ce qui concerne le concile, elle était toute négative. Le pape, ayant pris connaissance de l’acte de Francfort et reçu, par Latino Juvenale, confirmation des sentiments du roi de France, décida, au consistoire du 21 mai, de suspendre le concile, en invoquant le plein consentement de l’empereur, du roi des Romains et du roi de France. C'était un échec complet. Désormais le pape allait être seul à penser au concile qui, de ce lait, se trouva reculé de plusieurs années. Sur le concile de Vicence, voir B. Morsolin. // concilio di Vicenza, Vicence, 1889 ; Nuoui particolari sut concilio di Vicenza, Venise, 1892.

4° Négociations nouvelles et convocation du concile à Trente. — 1. Légation d’Alexandre Farnése et de Marcel Cervini. — Un rapprochement ayant paru se produire entre Charles-Quint et François I er au moment de la révolte des Gantois contre les gouverneurs impériaux, Paul III entreprit de les réconcilier définitivement (novembre 1539). Le jeune Alexandre Farnése reçut à cet effet les pouvoirs de légat et, accompagné de Cervini, son conseiller habituel, vint en France : le 31 décembre, il faisait son entrée solennelle à Paris et, le 3 janvier 1540, il commença ses visites officielles. Après le départ de l’empereur, Farnèse rejoignit à Amiens François I er ; mais celui-ci déclara (9 février) qu’il n’abandonnerait ni Henri VIII, ni les princes luthériens, ni même Je Turc, tant que le Milanais ne serait pas en sa possession. Farnèse et Cervini (qui venait d’apprendre son élévation au cardinalat) se mirent en route pour les Pays-Bas (15 février). Bientôt se joignirent à eux les deux nonces, Poggio et Morone ; mais à eux quatre, ils ne purent faire avancer les affaires. Bien plus, les ambassadeurs luthériens étant venus demander à Charles-Quint la ratification du Délai de Francfort, l’empereur les accueillit gracieusement. Cf. Janssen, op. cit., p. 468. Tout ce que les légats purent obtenir, ce fut seulement que le Délai ne serait pas ratifié sans le consentement du pape.

Tandis que les luthériens se mettaient d’accord sur les principes de l’union (c'étaient la Confession d’Augsbourg et l’Apologie), un mandement impérial convoquait les princes catholiques à Spire pour le 23 mai : on y arrêterait les concessions à faire et le conseil y débattrait avec leurs chefs les conditions de paix dans l’empire : le 6 juin suivant, un colloque devait avoir lieu entre catholiques et protestants pour fixer les conditions de la paix religieuse. Mais tout cela se passait en dehors des légats et des nonces. Farnèse ne fut cependant pas pris au dépourvu quand, le 20 avril 1540, Granvelle l’avertit de l’ouverture prochaine de la conférence, comme pour l’y inviter. Farnèse et Cervini représentèrent que seul un concile pouvait apporter remède à la situation. Leurs représentations furent inutiles et, tandis que Charles-Quint et Ferdinand, s’obstinaient â vouloir les entraîner à Spire, ils sollicitèrent leur rappel à Rome et partirent le Il mai.

Tandis que Farnèse retournait à Home, Cervini reçut, près de Lyon, l’ordre de revenir prés de CharlesQuint et de le suivre à Spire avec les pouvoir ! de légat. Mais, entre temps, la peste avait fait transférer la conférence à I laguenau, où d’ailleurs aucun îles princes convoqués ne s'était encore présenté. Cervini, sur

l’ordre de Rome, se fixa à Bruxelles, près de l’empereur.

2. Morone à Haguenau.

Morone fut chargé, comme agent intérimaire de suivre les débats à Haguenau. Le 12 juin, la conférence s’ouvrit au milieu de l’indifférence des ecclésiastiques. Morone se convainquit rapidement que la majorité inclinait à sacrifier certains points importants de la discipline pour éviter la lutte. Les catholiques restaient timides et divisés ; les luthériens, au contraire, s’entêtaient dans le refus de toute concession.

Privé d’appui, Morone se sentait inférieur à la tâche et insistait pour la prompte venue de Cervini et de Contarini, désignés par le pape comme légats éventuels de la conférence. Le pape ne jugea pas à propos de les envoyer et Morone dut se contenter d’obtenir un moindre mal : l’ajournement du colloque. Le recès de Haguenau (25 juillet) ajournait au 28 octobre le colloque de Worms, sauf ratification de l’empereur. L’empereur aurait soin de décider si l’on y admettrait un représentant du pape. Les luthériens conservaient la Confession d’Augsbourg comme base des débats : mais le Délai n’avait reçu aucune approbation.

3. Campegio au colloque de Worms.

Cervini et Poggio préconisaient l’envoi à Worms d’un légat avec des théologiens. Contarini bien vu de tous, fut désigné le 5 septembre. L’empereur n’ayant pas accepté de transformer le colloque projeté en diète, Rome estima que la légation de Contarini devait être renvoyée à la diète et qu’il suffirait d’un prélat qualifié comme nonce au colloque. Le choix de lévêque de Feltre, Thomas Campegio, fut arrêté et le pape manda aux deux nonces, restés à leur poste, Poggio et Morone, de lui prêter leur concours.

Campegio quitta Rome le 8 octobre : sur son passage, les luthériens le traitèrent avec égard. Arrivant à Worms, il voyait tout en rose. Cf. Pastor, t. xi, p. 340. Il dut bientôt déchanter. Personne ne se montrait pressé d’ouvrir le colloque : ni l’empereur, ni le roi des Romains ne se présentèrent. Les catholiques semblaient s’en désintéresser. Seuls les luthériens montraient quelque activité, mais leur résolution inébranlable de s’en tenir aux articles de Sinalkalde et de rejeter le concile marquait d’avance l’impossibilité d’une entente.

Granvelle, représentant de l’empereur, ne parut que le 22 novembre. Il ouvrit le colloque le 25 en prononçant des paroles de paix et de concorde ; tout le monde parla dans le même sens, mais sans entendre la paix de la même façon. Morone se présenta, seul, le 27 novembre. Granvelle et lui prirent Immédiatement, en face l’un de l’autre, une attitude d’opposition : le premier fermait les yeux sur tout ; le second voyait trop clair dans le jeu des protestants. Ceux-ci persuadèrent Granvelle que Morone avait pour mission d’empêcher l’entente. Le nonce n’eut pas de peine à dévoiler cette tactique et demanda à Campegio de montrer, dans un discours solennel, que le pape ne désirait rien tant que la paix.

Le discours du nonce (8 décembre 1540) fut un désastre. Campegio ne se prêta que trop aux ménagements maladroits : il exhorta les auditeurs à la réconciliation ; le colloque devait être le prologue du « libre concile chrétien ». Texte résumé dans Pastor, iliid., p..'1 12, d’après une source protestante. Corp. reform., t. iii, col. 1193. L’attitude de Campegio montra combien ce prélat était inférieur a sa tache. Morone ind écrivait au cardinal larncse : Inouï ! Les luthérien ont réussi à ce qu’on ne prononçât même pas le nom du pape, comme il c'était le Turc ou l’Antéchrist. > Lettre du 12 décembre 1540, dans Ranke, Dtuitcht (Jrscliichle, t. vi, Berlin, 1817, p. 21M>. A ; n lu : des pourparlers, le colloque s’ouvrit le 14 janvier 1541. A