Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/717

Cette page n’a pas encore été corrigée

1419 TRENTE (GONC. DE). PREMIERS ESSAIS DE RÉUNION 1420

let, cardinaux-prêtres, Cesarini et Pôle, cardinauxdiacres. Les commissaires se répartirent la besogne. Campegio surtout sut se rendre utile. Plus d’une fois, Contarini, Sadolet et Pôle durent s’opposer aux solutions rigides de Caraffa et firent prévaloir des solutions plus modérées. Dittrich, dans Kardinal Contarini, p. 345, attribue à Contarini un mémoire De celebrando concilio, vraisemblablement œuvre collective, répondant au questionnaire en vingt-six articles qu’avait préparé Campegio touchant les détails divers et les difficultés qu’on pouvait soulever à propos de la convocation du concile.

La rédaction du mémoire prit trois mois. Contarini avait été chargé des matières de foi ; il s’était adjoint une commission de théologiens. On s’était demandé s’il fallait reprendre les définitions acquises en des conciles antérieurs ; s’il était opportun d’admettre les luthériens à défendre leurs opinions devant le concile. La commission laissa à celui-ci le soin d’en décider, recommandant l’indulgence à l’égard de ceux qui n’avaient pas donné leurs noms à la Ligue de Smalkalde. Elle émettait un avis analogue sur les Gravamina Germanise, le mariage des prêtres, la concession du calice. Le concile devait tenir compte des circonstances, de l’opinion des princes et des nations intéressées. En ce qui concerne l’Angleterre, elle conseillait d’admettre les orateurs d’Henri VIII, ainsi que la médiation de l’empereur et du roi de France. Ceux-ci auraient un rôle prépondérant dans l’assemblée et après eux viendrait le roi des Romains, héritier et lieutenant de l’empereur. En ce qui concernait la présidence effective du concile, les rapports de l’assemblée avec le pape, les pragmatiques, concordats et autres privilèges des souverains, rien ne fut définitivement arrêté. Quant au choix des membres du concile, la commission s’en tint aux règlements antérieurs : on admettait les évêques, les abbés et certains prélats. Quant aux procureurs d’évêques, la question était renvoyée au concile lui-même, ainsi que le problème de la réforme des monastères.

3. Le concile de Vicence et les entrevues de Nice. — Le pape décida d’ouvrir en personne le concile et d’en laisser la présidence aux légats. La date du 1 er mai approchant, il voulut d’abord tenter une démarche suprême auprès de Charles-Quint et de François I er qui se trouvaient alors, le premier près de Gênes, le second, en Piémont. Il avait demandé au duc de Savoie de lui prêter sa ville de Nice (28 février 1538), pour y fixer une entrevue avec les deux souverains. Le 20 mars, il tenait un consistoire où fut promulguée la nomination de trois légats à Vicence : Campegio, évêque de Sabine, Simonetta et Aléandre.

Le duc de Savoie n’autorisa que le 1 er mai l’entrevue à Nice. Le pape y arriva le 17. L’entrée de la ville fut refusée par les habitants et Paul III dut s’installer en dehors des portes, dans un couvent de franciscains. Dès le dimanche 19, Charles-Quint se présenta. François I er ne donna signe de vie que le 28. Il était difficile de mettre d’accord les deux adversaires ; le pape dut se contenter d’arracher la promesse d’une trêve de dix années, avec la clause que les négociations pour la paix générale se poursuivraient à Rome, sous son arbitrage : il espérait ainsi pouvoir ouvrir le concile. Mais, à la fin du mois de juin, Charles-Quint insista près du pape qu’il rejoignit à Gênes pour que le concile fût retardé. D’ailleurs, les légats n’avaient pu se rendre à Vicence pour le 1 er mai et cinq évêques seulement (quatre curiaux et l’évêque de Retimo en Crète) s’étaient présentés. Dès le 25 avril le pape avait prononcé l’ajournement du concile et, au consistoire du 28 juin, il en reporta la date d’ouverture au 8 avril 1539, solennité de Pâques. Sur l’entrevue de Nice, voir Angelo Pcndaglio, Paolo 1Il pontefice, Carlo V Impe ratoree Francesco 1, Re di Francia in Nizza per tratlare la pace nel mdxxxviu, Ferrare, 1870 ; J. Rua, Carlo V e Francesco I alla tregua di Nizza, Cosenza, 1904.

4. Tractations avec les souverains et échec définitif du concile de Vicence. — Dans le courant d’août, les nonces avertirent de ces décisions les princes chrétiens et, le 30, les évêques de France, d’Espagne et de Portugal furent prévenus d’avoir à rejoindre Vicence au printemps suivant, avant Pâques. Paul III suivait avec attention les pourparlers que le roi Ferdinand avait mis en train avec quelques princes d’Allemagne : il s’agissait d’établir entre catholiques et protestants, en faisant abstraction des controverses doctrinales, un modus vivendi de discipline (usage du calice, mariage des prêtres, culte des saints, jeûnes et abstinences, etc.). Le roi désirait par dessus tout réaliser l’union de tous les Allemands contre le Turc. Le pape consentit à envoyer un légat à la conférence : ce fut Aléandre, auquel on adjoignit l’évêque de Lucera, Fabius Mignatelli, qui devait remplacer Morone comme nonce en Allemagne. Ce double choix n’était pas heureux.

La politique des Habsbourg consistait à orienter les affaires de la chrétienté dans le sens des intérêts de la famille : elle se précipita avec Ferdinand. Entouré de conseillers germanisants, qui n’avaient aucun scrupule de se rapprocher des protestants pour faire triompher cette politique, Ferdinand ne pouvait s’entendre avec la cour romaine. Il fit des objections sérieuses au choix d’Aléandre et demanda qu’on adjoignît tout au moins au légat un nonce jouissant auprès des Allemands d’un prestige véritable, Sadolet ou Contarini. Le pape maintint ses choix. Quand légat et nonce prirent contact avec Ferdinand, celui-ci leur donna les meilleures espérances, mais ce fut tout. Du concile, il ne fut pas question, Ferdinand parlant tout au plus de la nécessité d’une réforme sérieuse dans la chrétienté. Seuls les théologiens catholiques dévoués à la réforme insistaient près d’Aléandre pour la tenue du concile. Le 25 février 1539, après cinq mois d’attente et d’efforts inutiles, le légat se plaignit enfin de ce que les évêques allemands ne s’étaient pas encore souciés de venir au concile : Ferdinand les excusa, car ils n’avaient pas cru sérieusement à sa tenue !

Du côté du roi de France, même attitude d’expectative. Il ne fallait songer ni au concile ni à la guerre turque, tant que la paix ne serait pas faite avec la restitution du Milanais ; d’ailleurs, l’envoi d’évêques à Vicence paraissait inutile tant que les luthériens ne seraient pas ramenés : le concile serait, en effet, non pas œcuménique, mais italien. François rejettait donc le concile de Vicence et proposait de tenir la future assemblée dans une ville de son royaume, Lyon, par exemple, où il serait possible aux luthériens d’y prendre part.

Pendant ce temps, le légat Aléandre était tenu systématiquement à l’écart des colloques engagés entre catholiques et protestants à Francfort-sur-le-Mein (fin février 1539). Il sut néanmoins se renseigner auprès des théologiens consulteurs, dont les plus appréciés étaient Faber, évêque de Vienne en Autriche, Frédéric Nauséa, son successeur, Jean Cochlée et Jean Eck. Les protestants étaient de beaucoup les plus nombreux : les chefs du parti, le landgrave Philippe de Hesse en tête, étaient accourus, avec les coryphées de la théologie nouvelle, Luther, Mélanchthon, Bucer et même Calvin, naguère expulsé de Genève. Cf. Janssen-Pâris, L’Allemagne et la Réforme, trad. fr., t. iii, Paris, 1892, p. 419-426. Arrogants, ils prétendirent bientôt imposer leurs volontés. Le 19 avril fut arrêté ce qu’on appela la Grâce ou le Délai (Anstand) de Francfort. C’était une trêve de quinze mois, à partir du 1 er mai : les deux partis s’engageaient à maintenir