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TRENTAIN GRÉGORIEN — TRENTE (CONCILE DE)

soient parties intégrantes du contrat. Cependant l’obligation qui en découle ne pourra être que conforme à la nature du double objet, c’est-à-dire principale et secondaire. Il serait donc outrancier d’affirmer, sans aucune distinction, que toute solution dans la continuité entraîne toujours l’inexécution totale du contrat et oblige à tout recommencer, le principal aussi bien que l’accessoire. Sauf engagement formel sur ce point, les contractants sont censés pactiser humano modo, c’est-à-dire selon la nature des choses et suivant les possibilités, dans des circonstances normales.

A quoi donc sera tenu le prêtre qui, s’étant chargé de la célébration d’un trentain, l’aura interrompu ? Notons d’abord qu’aucune décision romaine n’est intervenue pour donner sur ce point une solution de droit positif. C’est uniquement d’après les principes de la théologie morale que le cas sera résolu. On remarquera seulement que le trentain n’est pas censé interrompu par la survenance de jours où la liturgie interdit la célébration de la messe : dans le rite romain les trois derniers jours de la semaine sainte ; dans le rite ambrosien chaque vendredi de Carême. Cf. Ferraris, Prompta bibliolh., t. v, col. 890, n. 30 : Benoît XIV, De sacrif. missæ, t. III, c. xxiii, n. 2-3. En dehors de ces cas (que ni saint Grégoire ni ses imitateurs n’avaient assurément prévus), comment remédier à l’interruption du trentain ?

1. Une solution à la fois simple et rigide serait de recommencer entièrement la célébration. Ceux qui l’imposent se fondent sur l’obligation de justice stricte résultant du contrat et attribuent au trentain ininterrompu une sorte d’efficacité infaillible pour la libération de l’âme du défunt. Pour les raisons que nous avons exposées plus haut, cette solution nous paraît manquer de nuances et ne saurait, à notre avis, être imposée au nom de la morale, lorsque l’interruption n’est qu’accidentelle et non coupable ; elle peut cependant être proposée comme un moyen pratique et sûr de réparation. Si le célébrant n’en est qu’à la troisième ou quatrième messe, ce sera, en toute hypothèse, la solution à la fois la plus sûre et sans doute aussi la plus commode.

2. Une autre solution également sûre, serait de solliciter une remise de celui qui a confié le trentain. Mais cette démarche peut être onéreuse et on ne saurait la conseiller dans tous les cas, pour diverses raisons faciles à comprendre.

3. Il serait possible également de recourir au SaintSiège, en l’espèce à la S. Pénitencerie, pour demander une « condonation » ou l’octroi d’une faveur compensatrice pour le défunt. Et Rome l’accorderait sans doute, au moins ad cautelam, bien qu’aucun document officiel ou exemple de concession n’ait été publié à ce sujet.

4. Un autre moyen de réparation, qui nous paraît adéquat, serait, tout en assurant intégralement la célébration des trente messes, de demander au supérieur des camaldules du Mont-Céllus la célébration d’une messe à l’autel dit de Saint-Grégoire, attendu que cet autel jouit des mêmes privilèges que l’on reconnaît au trentain. Le même effet serait obtenu par la célébration d’une messe à un autel grégorien ad instar.

Le recours à ces divers moyens de réparation intégrale est nécessaire lorsque l’interruption du trentain i t injustifiée et gravement coupable. Bien plus, si de telles interruptions devenaient fréquentes et prolongées, le trentain perdrait sa nature propre et le prêtre qui mépriserait à ce point ses engagements ne satisferait à la Justice que par un recommencement.

M : iis s’il s’ugit d’interruptions tout à fait involontaires et excluant toute faute (ras de force majeure, mnladie inbtte du prêtre, célébration avec une matière Invalide, etc.), lorsque la suppléance ou la répa ration adéquate est impossible, la plupart des auteurs,

— et nous nous rangeons à leur avis — admettent la légitimité de la « compensation ». Cela suppose évidemment que le prêtre a fait toute diligence pour trouver un autre célébrant, se procurer une matière valide pour le sacrifice, etc. Dans l’impossibilité de faire mieux, le prêtre chargé du trentain devrait dire quelques messes supplémentaires, s’il a reçu des honoraires supérieurs à cette occasion. De cette façon, il répare de quelque manière le dommage qui a pu résulter de l’interruption ; par ailleurs, du point de vue de la justice, non fil ditior ex œre alieno. S’il n’a perçu pour les trente messes que l’honoraire commun, il ne semble pas qu’on puisse lui demander autre chose que leur simple célébration. Tout au plus pourra-t-on lui conseiller en charité d’en célébrer au moins une à un autel privilégié ou d’appliquer au défunt une indulgence plénière.

Outre les ouvrages cités au cours de l’article, on pourra consulter utilement : 1° Pour l’histoire du trentain : Analecta juris pontificii, série VIII, col. 2047 sq. ; A. Boudinhon, Canoniste contemporain, t. xiii, 1890, p. 337 ; t. XL, 1917, p. 200 ; Lacau, Précieux trésor des indulgences, Turin, 1934 ; F. Beringer, Les indulgences, trad. Mazoyer, Paris, 1925, t. i ; L’Ami du clergé, t. lxviii, 1931, p. 1. — 2° Pour les solutions canoniques et morales : A. Gougnard, Tractatus de indulgentiis, Malines, 1926 ; Arregui, Sununarium theol. mor., Barcelone, 1919 ; Mu lier, Somme de théol. mor., Paris, 1937 ; H. Jone, Précis de théol. mor., Mulhouse, 1941 ; Gapello, De sacramentis, 1. 1, Turin, 1938 ; Marc-Raus, Institut, morales, Lyon, 1934 ; F. Cimetier, dans Petite revue du clergé, t. ii, 1933, p. 411 ; t. viii, 1939, p. 248 ; L’Ami du clergé, 1910, p. 409 ; 1911, p. 828 ; 1928, p. 458. Les principaux auteurs de morale : Noldin, Prummer, Ubacli, Vermeersch, Wouters, etc. Les Consultations de morale de Gennari-Boudinhon, Paris, 1912, t. i, n. 320, 417, 486.

A. Bride.

TRENTE (concile de). — On laissera de côté les décrets doctrinaux du concile, renvoyant aux articles qui leur sont consacrés. Du cadre historique il suffira de retracer les grandes lignes : I. Volonté de Paul III relativement au concile et préliminaires. II. Le concile de Paul III (1545-1547), col. 1427. III. Le concile de Jules III (1549-1551), col. 1444. IV. Le concile de Pie IV et son heureuse conclusion (1561-1563), col. 1449. V. Promulgation et application des décrets conciliaires, col. 1485. VI. Valeur œcuménique du concile, col. 1496. VIL Conclusion : L’œuvre doctrinale et réformatrice du concile de Trente, col. 1502.

I. Volonté de Paul III relativement au concile et préliminaires. — Alexandre Farnèse succédait à Clément VII qui aurait déjà voulu réunir un concile. Le nouveau pape était résolu à réaliser la réforme catholique. Mais il fallait un accord préalable et une action combinée entre l’Église et son chef ; et l’action du concile ne pouvait être décisive qu’à la condition que le pape se réformât lui-même avec sa cour et son gouvernement, la réforme du chef devant préparer celle des membres.

1° Premières manifestations de la volonté de Paul III. — Le pape s’était déjà réformé lui-même, surtout depuis son épiscopat de Parme (mars 1509). Cf. Pastor, Hist. des papes depuis le Moyen Age, tr. fr., t. xi, p. 17. Il fallait obtenir des cardinaux un train de vie plus sérieux et de la curie romaine le renoncement à des abus invétérés. Le premier acte en ce sens fut la création (20 novembre 1534) de deux congrégations de cardinaux, la première chargée de moraliser le clergé de Rome, la seconde ayant pour but d’enquêter sur l’administration des États pontificaux. Voir Paul III, t. xii, col. 12. Mais ni le Sacré Collège, ni la curie n’étaient encore mûrs pour la réforme. Paul III crut donc devoir au préalable infuser un sang nouveau au