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TRADUCIANISME — TRANSFORMISME


également au card. Zigliara, Summa philosophica, Rome, 1876, t. ii, Psychologia ; au card. Mercier, Cours de philosophie, 11e éd., Louvain, 1923, Psychologie, t. ii, c. n ; et à E. Hugon, Cursus philosophiæ thomisticæ, t. iii, Paris, 1903, Phil. naturalis, part. II, tr. ii, a. 5, p. 114-128.

A. Michel.


TRANSFORMISME. — C’est la doctrine biologique qui exprime l’origine des êtres vivants, animaux ou végétaux, en fonction de leur descendance. La parenté entre formes organiques n’est pas seulement dans cette doctrine, une parenté idéale, mais une parenté réelle. Les vivants actuels descendent d’autres vivants, qui différaient plus ou moins notablement de ceux d’aujourd’hui, et ainsi de suite jusqu'à ce que l’on arrive à des vivants très élémentaires dont, par différenciations successives, sont dérivées progressivement les formes actuelles. Cette doctrine est encore appelée, d’un terme plus général, l'évolutionnisme. En dépit de certains exemples, nous ne mettrons aucune différence entre les deux termes, que nous emploierons couramment l’un pour l’autre ; mais nous préciserons ultérieurement qu’il y a plusieurs formes de transformisme ou d'évolutionnisme. La doctrine transformiste s’oppose à la doctrine fixiste, suivant laquelle il existe entre espèces, même très voisines, des barrières infranchissables, en sorte que l’apparition d’une véritable espèce nouvelle ne peut être l’effet que d’une création. — Nous exposerons d’abord du point de vue scientifique la doctrine transformiste ; nous l’examinerons ensuite du point de vue de la philosophie et de la théologie.
I. Exposé du transformisme.
II. Critique du transformisme du point de vue de la philosophie (col. 1374).
III. Critique du point de vue de la théologie (col. 1382).

I. Exposé du transformisme comme doctrine biologique. —

Orientation générale.


La multitude des espèces actuellement vivantes ayant été répartie, par la classification, en ses différents genres, familles, ordres, classes, embranchements, il n’est pas difficile de voir qu’aujourd’hui même il existe entre telle et telle espèce des ressemblances qui font songer à des liens de parenté. L’expression même de famille, créée par les naturalistes à l'époque où il n'était point encore question de transformisme, pour désigner des groupements supérieurs d’espèces, évoque très vivement cette idée. En d’autres termes les espèces vivantes ne sont pas sans lien entre elles. Leur étude révèle qu’entre les espèces, soit très voisines, comme nous disons, soit même assez éloignées, d’indéniables ressemblances existent tant au point de vue de l’organisation morphologique qu'à celui du fonctionnement biologique. Cette parenté est-elle simplement idéale, résulte-t-elle seulement du fait que les divers êtres vivants ont été conçus suivant un plan commun, est-elle au contraire une parenté réelle comme est celle d’une famille humaine dont les divers individus ont entre eux des rapports de consanguinité et descendent d’un ancêtre commun ? Telle est la question du transformisme. Ce à quoi le généalogiste aboutit pour les divers individus d’une famille humaine, le naturaliste transformiste voudrait le faire pour les diverses espèces actuellement vivantes, en constituant leur arbre généalogique.

Il faut ajouter que la seule considération des espèces actuelles n’aurait peut-être pas suffi à mettre l’esprit humain sur le chemin de la doctrine transformiste. Le développement de la géologie et de la paléontologie devait apporter à la doctrine de la descendance un argument décisif. D’abord simple étude technique des matériaux constitutifs de l'écorce terrestre, la géologie avait été peu à peu amenée à considérer que l'état actuel de la planète, tant du point de vue de la répartition des terres et des mers, des plaines et des montagnes, finalement des espèces animales et végétales, n'était que le point d’arrivée de nombreuses transformations successives, quelquefois brusques, d’autres fois continues et insensibles, qui avaient modifié à bien des reprises la géographie d’une part, les conditions diverses du peuplement d’autre part. Pour parler comme les naturalistes, la « biosphère » s'était modifiée en même temps que la « lithosphère ». Ainsi au cours de millénaires dont il est impossible de supputer le nombre, la face de la terre avait maintes fois changé. Recueillant patiemment les restes que les anciens êtres vivants avaient laissés dans les divers terrains, la paléontologie reconstituait ainsi l’histoire des faunes et des flores qui s'étaient succédé sur la face du globe et qui différaient très sensiblement les unes des autres. Y avait-il lieu de couper tout lien entre ces faunes et ces flores successives ? Pouvait-on imaginer que, chaque époque géologique se trouvant séparée de la précédente par une coupure brutale et, comme l’on disait, par un « cataclysme », le Créateur était intervenu, après chacune de ces « révolutions », pour remplacer sur nouveaux frais la faune et la flore anéanties par un peuplement tout nouveau et sans lien avec le précédent ? Tant que vécut la théorie des « cataclysmes », l’hypothèse d’une création renouvelée à chaque époque géologique pouvait encore se soutenir. La doctrine des « causes actuelles » a fini par éliminer à peu près définitivement les grands « cataclysmes » de l’histoire de la terre. La plupart du temps la transition s’est faite de manière insensible entre les époques géologiques, de même que, dans l’histoire de l’humanité, entre l’antiquité et le Moyen Age, le Moyen Age et l'époque moderne. Le faune et la flore des débuts de l'âge secondaire continuent celles des temps primaires. Seulement, au fur et à mesure que, partant des époques les plus reculées, nous descendons la suite des temps, nous voyons ces faunes et ces flores se transformer progressivement ; nous voyons apparaître des types nouveaux d’organisation, qui, d’ordinaire vont se compliquant, pour faire place, en tout état de cause, à des formes de vie plus voisines de celles que nous connaissons aujourd’hui. Les choses se passent, en gros, comme si les faunes et les flores successives des temps géologiques descendaient des faunes et des flores qui les précèdent et préparaient celles qui les suivent. Alors que la simple considération des espèces actuelles laisse incertain, en bien des points, le degré de parenté qui existe entre celles-ci, la paléontologie permet de reconstituer, d’une manière beaucoup plus satisfaisante, les liens qui existent entre les espèces d’aujourd’hui : tel le généalogiste qui retrouve en quelque vieux chartrier la preuve de l’existence, dans une descendance familiale, d’un chaînon qui lui avait jusque-là échappé. On ne saurait trop insister sur le lien qu’il y a entre les développements de la paléontologie — et d’une façon plus générale de la science géologique — d’une part et l’affermissement de la doctrine transformiste d’autre part. Ce que la taxonomie (étude de la classification) avait commencé, la paléontologie l’a fait incroyablement progresser. Plus, sur un des points précis de la science naturelle, se développent les découvertes paléontologiques et stratigraphiques, plus aussi, semble-t-il, se précisent les certitudes de la doctrine de la descendance. Les toutes récentes recherches dans le domaine de la paléontologie stratigraphique de l’homme illustreraient aisément cette corrélation.

Les vicissitudes de ta doctrine transformiste.


On remarquera que nous avons parlé, dès l’abord, non point de l' « hypothèse » transformiste, mais de la « doctrine » transformiste. Comme le fait très bien remarquer le P. Teilliard de Chardin, le transformisme, réduit à son essence, n’est pas une hypothèse. Il est l’expression particulière, appliquée au cas de la vie, de