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TRADUCIANISME. DOCTRINE ACTUELLE


tituerait la nature humaine. La nature humaine, comme toute nature créée, est substantiellement une (ens et unum converiuntur) et ne saurait, en elle-même, admettre une union simplement accidentelle de ses éléments essentiels. L’âme et le corps sont donc deux substances partielles, incomplètes, métaphysiquement ordonnées l’une à l’autre, l’âme au corps comme sa forme substantielle, le corps à l’âme comme la matière à laquelle l’âme donne précisément d’être corps humain. L’âme n’est donc pas un élément adventice créé pour un corps déjà existant : l’âme est partie constitutive et essentielle, mais formelle et perfective, d’une matière dont le corps est l’élément matériel et perfectible. Loin que l’âme « s’ajoute » au corps, c’est le corps qui existe par l’âme et la génération même du corps exige la présence formatrice de l’âme. Voir Forme du corps humain, t. vi, col. 569-573.

Cet ordre transccndental du corps à l’âme et de l’âme au corps explique l’influence réciproque du physique sur le mental, du psychique sur le physiologique ; d’autant que la connaissance intellectuelle ayant comme point de départ, dans l’état présent de l’âme unie au corps, la connaissance sensible et les émotions affectives, les transmissions héréditaires d’ordre physiologique ont leur répercussion nécessaire sur l’ordre psychologique. Il n’est donc pas nécessaire, pour expliquer les cas d’hérédité d’ordre psychique, de recourir à l’hypothèse de la génération de l’âme spirituelle par les parents eux-mêmes. Bien plus, l’unité substantielle de l’être humain explique aussi que, nonobstant la création de l’âme par Dieu au moment de son infusion au corps qu’elle constitue par son union à la matière, l’exigence de cette âme, exigence posée par l’acte générateur lui-même, suffit à faire de cet acte une cause dont l’effet est, non pas le corps considéré séparément de l’âme, mais le composé lui-même réalisé dans sa totalité par l’âme spirituelle et le corps animé. À l’égard de l’âme, les parents sont cause instrumentale dispositive, disons mieux, exigitiue ; leur qualité de générateurs de tout l’homme est ainsi justifié et la vérité de l’assimilation de l’effet à la cause est pleinement sauvegardée : « La format ion d’un homme consiste dans l’union — le mot unition serait plus expressif — d’une âme raisonnable à la matière fournie par les parents. Or cette union est l’œuvre de Dieu sans doute, car Dieu est l’auteur de la création de l’âme ; mais elle est aussi l’œuvre des parents, car leur acte générateur est la cause déterminante de l’acte créateur. Donc les parents sont causes de la naissance d’un être humain. » Card. Mercier, Psychologie, t. ii, p. 336. La thèse catholique admet donc que l’agent matériel constitué par le sperme viril fécondant l’ovule de la mère agit à titre de cause instrumentali’, non pas créatrice, mais simplement dispositive à l’égard de la production de l’Âme par Dieu ; elle confesse que l’opération de l’agent principal dépasse ici les possibilités de la cause instrumentale. Mai a Prohschammer va à l’encontre des principes métaphysiques les mieux établis en réduisant l’Intervention divine à une puissance créatrice secondaire communiquée à l’acte humain générateur. La puissance créatrice, comme telle, ne saurait être communiquée à une créature.

Les difficultés élant ainsi écartées, les créât ianistes

passent à l’attaque. Résumant la pensa des grands

ICol astiques <t spécialement de saint Thomas, le cardinal Mercier pose en principi que le traducianlsme matérialiste (à la façon de Tertulllen) est incompatible avec la spiritualité de l’âme. Si la semeno corporelle qui provient des parents pouvait servir à former l’Ame de l’enfant ; il) un agent corporel sirait

capable de produire un effet tpirituel, ce qui suppo i

rait une disproportion entre la cause ri son effet ; b) l’âme

de l’enfant devrait être composée, de deux parties constitutives, l’une commune aux deux substances entre lesquelles s’opère la transformation, l’autre spéciale au terme de la transformation et spécifiant la nature de l’âme engendrée ; or l’âme de l’enfant n’a pas de parties constitutives ; elle est simple ». Ibid., p. 333.

— L’hypothèse du génératianisme spirituel doit être également écartée : « Il est difficile d’imaginer quelle pourrait être cette action d’une âme ; en tout état de cause, puisque cette action n’est pas une création, mais une « génération », …une partie de l’âme des parents devrait être transmise à l’enfant. Or, l’âme des parents est indivisible. Donc cette seconde hypothèse est aussi incompatible avec la nature de l’âme. » Id., ibid.

Enfin, la dignité même de l’âme, sa spiritualité, sa simplicité, sa subsistence, son immortalité exigent qu’elle soit le terme d’une création. Cf. S. Thomas, Sum. theol., I », q. xc, a. 2 : « Une âme spirituelle et subsistante par elle-même ne peut être que créée. En effet, il y a proportion naturelle entre le devenir et l’être ; car, en définitive, le devenir, c’est l’être envisagé en tant qu’il sort de ses causes. Or, l’être de l’âme a ceci de distinctif qu’étant spirituel il est indépendant de tout sujet matériel. Donc le devenir de l’âme est indépendant de tout sujet matériel. Mais devenir sans la mise en œuvre d’un sujet matériel présupposé, c’est être créé. Donc l’âme humaine arrive à l’existence par la création ; elle est créée. » Ibid., p. 334.

Reconnaissons toutefois que, si l’argumentation philosophique des créatianistes est convaincante, elle ne constitue encore, au point de vue théologique, qu’un « lieu » annexe d’argumentation. La conclusion demeure donc seulement « probable ». Voir ici Lieux théologiques, t. ix, col. 717-718.

2° Arguments théologiques du traducianisme : leur réfutation. — 1. Écriture sainte. — À ne considérer que les textes sc.ripturaires, disait Bellarmin, voir col. 1358, on pourrait hésiter entre traducianisme et créatianisme. De part et d’autre, en effet, l’argument est discutable. Les tradueianistes invoquent le repos du Seigneur après le sixième jour, donc l’impossibilité pour Dieu de créer, au cours des siècles, les âmes destinées à l’animation des corps. À quoi 1er créatianistes répondent par l’affirmation du Christ, Joa., v, 17 : Pater meus usque modo operatur et ego operor, et par l’ordre donné par Dieu lui-même aux premiers hommes : crescite et mulliplicamini, Gen., i, 28. Les tradueianistes montrent Eve sortie tout entière, corps et Ame, du côté d’Adam ; ils rappellent qu’Adam engendra ses Bis ad imaginem et simililudincm suam, Gen., v, 3. Bien plus, la Bible n’affirme-t-elle pas que les « âmes » proviennent du corps, animse de femore illius, Gen. ; xlvi, 26 ; cf. Hebr., vii, 10 : Adhuc in lumbis palris erat (Levi). Les créatianistes n’ont aucune peine à démontrer la fragilité de telles preuves. La formation d’Eve n’implique pas que Dieu ne lui ait pas infusé une Ame, créée comme toutes les autres âmes. Adam engendra ses fils à son Image et à sa ressemblance en vertu même des lois naturelles de la génération qui, on l’a vii, supposent que l’Ame spiiitui Ile est créée par Dieu. Les « Ames < dont parle la Genèse, xi.vi, 26, signifient simplement les êtres humains et la métaphore de l’épttre aux Hébreux indique simplement que Lévi n’était pas encore ne I C créât ianisme invoque à son tour Eccle., xii, 7. voir plus haut. col. 1356. ainsi que’a belle parole de la mère des MBChabées, II Mac., vil, 22 : Neque enim ego… aninuirn donnvi vobis. D’autre part, s’il, t faille de prouver seripturairement que toute créature a Di< u pour principe i il est plus malaisé de démontrer que la création immédiate de chaque Ame est l’unique vole qui explique l’fnfuston d< l’Ami au corps humain Voh Vmb,