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TRADUCIANISME. DOCTRINE ACTUELLE


par son admiration pour saint Augustin, Noris conteste qu’un argument de tradition puisse être invoqué en faveur du créatianisme. Vindiciæ augustinianæ, c. iv, § 3. L’argument présenté par Bellarmin aurait en effet peut-être gagné en valeur, si le théologien jésuite avait tenu compte du progrès inhérent à tout argument de tradition, surtout en une matière où la foi n’est pas directement engagée. Voir plus loin conclusion doctrinale.

Les interventions du magistère.

1. Avant le

xiiie siècle. — Depuis longtemps l’Église avait manifesté le sentiment dont les théologiens se sont faits les interprètes. Les documents antipriscillianistes, affirmant contre l’émanatisme, la création des âmes par Dieu, étaient déjà une condamnation indirecte du traducianisme. Mais déjà le pape Anastase II (496-498) condamna directement l’opinion selon laquelle les parents ut ex materiali fœce tradunt corpora, ita etiam vitalis animée spiritumtribuunt. Denz.-Bannw., n. 170. Plus tard, saint Léon IX, dans le symbole de foi qui porte son nom, confesse que « l’âme n’est pas une partie de Dieu, mais qu’elle est créée de rien et, avant le baptême, sujette au péché originel ». Ibid., n. 348. C’était affirmer, à l’encontre de l’argument principal du traducianisme, que la souillure contractée par l’âme au moment de son infusion au corps, ne saurait être un obstacle à sa création par Dieu.

2. Nouvelles interventions, aux xive et xrie siècles.

— Au xive siècle, Benoît XII condamna l’erreur attribuée aux Arméniens : Quod anima humana filii propagatur ab anima patris sicut corpus a corpore et angélus etiam ab alio (a. 5), Denz.-Bannw., n. 533. Cf. a. 22 sur le préexistentianisme, ibid., n. 550. Il semble bien qu’en ce texte les deux formes du traducianisme, matérialiste et spiritualiste, soient envisagées. Voir ici t. ii, col. 697, et de plus la réponse des Arméniens, laquelle, par sa forme de protestation, manifeste à sa manière la doctrine reçue. Art. cit., col. 701. Voir aussi à l’art. Ame, t. i, col. 1019-1021.

On devra également tenir compte de la déclaration du Ve concile du Latran : « En proportion de la multitude des corps auxquels elle est infusée (l’âme) est numériquement multipliable et multipliée et devant toujours se multiplier. » Voir Forme du corps humain, t. vi, col. 566. Ni préexistentianisme, ni traducianisme, mais création des âmes par Dieu et infusion de chaque âme au corps qu’elle doit animer : telle est la conclusion qui ressort avec évidence des documents précités.

3. Interventions au xixe siècle. — Dans la première moitié du xixe siècle, le traducianisme trouva un regain de vie avec Klee et Frohschammer en Allemagne, Ubaghs en Belgique et Bosmini en Italie. Klee, Katholische Dogmatik, Mayence, 1835, t. ii, p. 234, et son disciple Barlepsch, Anthropol. Christ. Dogmatik, Munich, 1842, p. 60 sq., enseignèrent, comme une explication presque indispensable au dogme du péché originel, un traducianisme spiritualiste, l’âme des parents possédant la vertu de produire l’âme de l’enfant dans le corps engendré par eux. Voir t. viii, col. 2359. Explication bien obscure que Frohschammer compléta d’une précision nouvelle : de l’acte générateur des parents l’homme est produit et selon le corps et selon l’âme en vertu d’une puissance créatrice secondaire, immanente à la nature humaine et communiquée à cette nature par Dieu dès la première origine des choses. Ainsi la génération est en réalité un acte créateur réalisé par la nature humaine, une création ex nihilo, en vertu de cette puissance créatrice secondaire communiquée par Dieu à l’humanité. Ueber dem Ursprung der menschl. Seele, Munich, 1854, mis à l’Index le 5 mars 1857. Cf. card. Katschthaler, Theol. dogm., t. i, p. 454 sq.

Ubaghs, dans son Anthropologia, Louvain, 1848, p. 221, n. 428, avait émis une appréciation favorable au traducianisme. Au nom de Pie IX, le cardinal Patrizzi ordonna la correction du texte enseignant « la probabilité du traducianisme pour des raisons qu’on ne saurait négliger, surtout celles tirées de l’analogie de l’origine de l’homme et des autres animaux vivants ». Cf. Katschthaler, op. cit.

Quant à Bosmini, sa doctrine traducianiste est contenue dans la prop. 20 (de la série condamnée par le Saint-Office), dont le texte a été donné à Rosmini, t. xiii, col. 2938. On se reportera surtout au texte italien original et au commentaire que nous en avons donné, col. 2939. Il convient pourtant de remarquer que la première constitution dogmatique De fide, préparée pour être soumise au concile du Vatican, ne contient, au c. xv, qui traite de l’origine de l’âme humaine, aucune condamnation du traducianisme. Texte dans Mansi-Petit, Concil., t. l, col. 70-71. Dans la note des théologiens, se rapportant à ce passage, ibid., col. 109, on le fait remarquer en propres termes. On avait songé, dit cette note, à insérer dans le texte une formule, indiquant en passant la création immédiate des âmes par Dieu. La formule n’aurait pas présenté cette vérité comme un dogme de foi, mais comme une doctrine commune et certaine, ce qui aurait suffi à couper court aux velléités de résurrection du traducianisme et du génératianisme. Finalement on décida de l’omettre, la définition conciliaire laissant la question dans l’état et avec le degré de certitude, où elle était jusque-là. Et cela à cause de l’attitude prise par Augustin et tant d’autres à sa suite dans la solution du problème. On sait d’ailleurs que cette partie de la première constitution ne fut pas discutée au concile.

III. Conclusion doctrinale.

Afin de porter sur le traducianisme un jugement doctrinal motivé, il convient de peser la valeur des arguments versés dans le débat soit par les traducianistes eux-mêmes, soit par les théologiens et philosophes catholiques. Ces arguments sont ou d’ordre philosophique ou d’ordre théologique.

Arguments philosophiques.

1. La thèse traducianiste.

— Ces arguments ont été recueillis abondamment par saint Thomas et saint Bobert Bellarmin, loc. cil. On peut condenser l’argumentation traducianiste en ces termes : « Si l’âme n’était pas transmise aux enfants par leurs parents, ceux-ci ne seraient pas en réalité leurs parents. Les parents, en effet, doivent engendrer tout l’homme et l’âme, dans l’homme, constitue l’élément spécifique. Le principe reconnu par toute l’École : Omne agens agit sibi simile doit trouver ici son application si l’on veut sauvegarder la continuité naturelle de l’espèce humaine. L’âme ne saurait être conçue comme un être adventice qui s’ajouterait au corps pour le perfectionner et, cependant, telle est bien l’idée que paraît laisser le créatianisme. » D’ailleurs, ajoutent les partisans modernes du traducianisme, « l’hérédité n’est pas seulement d’ordre physiologique, elle est encore d’ordre psychologique, comme l’atteste l’expérience de chaque jour. Et s’il fallait accorder quelque attention à l’objection formulée par les créatianistes, l’impossibilité pour un agent matériel comme le sperme humain d’atteindre causativement l’être spirituel qu’est l’âme, on devrait répondre (thèse de Frohschammer) que l’opération de l’agent principal, Dieu, peut et doit, dans la génération humaine, dépasser les possibilités de la cause instrumentale. » 2. La réponse créatianiste.

Toute cette argumentation, répliquent les créatianistes, repose sur une conception philosophiquement erronée du composé humain. Ame et corps ne doivent pas être conçus comme deux substances complètes dont l’union cons-