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TRADUCIANISME. LES THÉOLOGIENS


traduce factas esse animas docet, sed in corporibus per coilum seminalis atque formatis injundi et infundendo creari. Dist. XVIII, n. 8 ; cf. dist. XXXI, n. 1, 2. Désormais la voie est tracée. Certains théologiens, surtout dans l’école franciscaine (après Alexandre de Halès, on cite surtout Richard de Médiavilla et Pierre Auriol) éviteront de noter théologiquement le traducianisme ; mais pour leur compte ils sont nettement créatianistes. D’autres n’hésitent plus à infliger au traducianisme une note sévère. Estius déclarera que « toute l’École a suivi le Maître de » Sentences, saint Thomas et saint Bonaventure ». In II am Sent., dist.

XVII, § 12.

Albert le Grand déclare que « selon la foi catholique et $elon les philosophes, aucune âme n’est transmise, nulla anima… ex traduce, ni chez les plantes, ni chez les animaux, ni chez l’homme ». In II am Sent., dist.

XVIII, a. 8. En réalité, Albert n’assimile pas l’âme végétative et animale à l’âme spirituelle. Les premières sont en puissance dans le corps, d’une manière dispositive ; l’âme spirituelle est créée par Dieu. La préexistence des âmes est directement réfutée dans la Summa theologica, par t. II, tract, i, q. iv, memb. 1, a. 2, ad 3 nm.

Saint Bonaventure se demande si les âmes sont créées de la substance divine et répond négativement. In II um Sent., dist. XVII, a. 1, q. i, concl. Il rejette également la préexistence, dist. XVIII, a. 2, q. ii, concl. À la q. iii, une double conclusion : hérétiques ceux qui prétendent que les âmes ont été produites par des intelligences intermédiaires ; quant au traducianisme, devant lequel jadis les docteurs et surtout saint Augustin ont hésité, les conséquences en sont « fausses et impies ».

On trouvera, en substance, les mêmes conclusions, encore relativement modérées, chez Richard de Médiavilla, In II" m Sent., dist. XVII, q. n ; Etienne Brulefer, dist. XVIII, q. vi ; Gilles de Rome, dist. XVII, q. ii, a. 2.

Mais, dès le xine siècle, Moneta de Crémone, dans son traité Adversus catharos et valdenses, Rome, 1743, n’hésite pas à déclarer hérétiques les partisans du traducianisme, t. II, c. iv. C’est aussi la note théologique infligée par son frère en religion, saint Thomas d’Aquin.

Thomas d’Aquin traite du traducianisme et, en général, de l’origine des âmes, principalement en quatre de ses ouvrages : le commentaire sur le IIe livre des Sentences, la Somme contre tes gentils, le De potentia et la Somme théologique. Dans le commentaire de la distinction XVII, il rejette l’émanatisme, q. i : l’âme ne vient pas de l’essence divine, a. 1 ; elle n’est pas le produit de la matière, a. 2. L’âme n’est pas une parcelle d’une âme universelle, q. ii, a. 1 ; les âmes n’ont pas été créées avant les corps, a. 2 ; en Adam, l’âme et le corps ont été créés simultanément, q. m. Le terrain ainsi déblayé, le Docteur angélique aborde directement le problème du traducianisme, dist. XVIII, a. 1, et il le résout par la négative. Toutefois, par respect pour la mémoire d’Augustin, saint Thomas intercala dans son commentaire sur l’épîtrc aux Romains, c. xiv, lect. 3, la remarque suivante : « Au temps d’Augustin, l’Église n’avait pas encore déclare que l’âme n’était pas engendrée. » Éd. Vives, t. xx, p. 581 b. — Dans la Somme contre les gentils, I. II, trois chapitres sont consacrée au traducianisme : réfutation de cette doctrine, c. lxxxvi ; arguments en sa faveur, <. i.xxxviii ; solution de ces difficultés, e. i.xxxix. — Dans le De potentia, l’auteur met en relief trois raisons principales qui infflseat, pour un esprit averti, à se persuader qui le i raductanli me a été condamné pour de sérieuses rai on Mais il le traite encore i< i d’opinion ». y. iii, a. 9.

La Somme théologique, qui nous présente la pensée définitive de saint Thomas, est plus catégorique. I », q. cxviii. Dans l’a. 1, saint Thomas concède que l’âme animale (sensitive) peut être dite engendrée : forme non subsistante, elle est tirée de la puissance de la matière par l’action du principe générateur. C’est la même doctrine qu’en des termes en apparence contraires avait proposée saint Albert le Grand. L’a. 2 aborde le problème du traducianisme. Après avoir déclaré a flde alienam l’hypothèse d’une création des âmes par les anges, saint Thomas se montre tout aussi sévère pour le traducianisme : « Affirmer que l’âme intellective est causée parle principe générateur, c’est équivalemment dire qu’elle n’est pas subsistante et que, par conséquent, elle est détruite à la mort du corps. Aussi est-il hérétique d’affirmer que l’âme intellective est transmise avec la semence humaine. » L’a. 3 rejette la création simultanée des âmes et leur préexistence.

La cause est désormais entendue : le consentement des théologiens manifeste suffisamment la pensée de l’Église et, au xvie siècle, Melchior Cano pourra écrire : Nunc autem, cum post ea tempora iheologorum fideliumque omnium consensu flrmatum sit, animum non per generationem, sed per creationem existere, sine dubio ad fidem ista quæstio pertinet. Loc. theol., t. XII, c. xiv, ad l nm.

5° Dernière controverse : Bellarmin. — La doctrine luthérienne du péché originel fournit à Luther l’occasion de manifester quelque bienveillance au traducianisme (que Calvin, au contraire, réprouva énergiquement, Comm. in Gen., c. iii, dans Corp. Reform., t. li, col. 62). Le concile de Trente n’a pas jugé utile de relever ce point spécial. Mais, dans ses Controverses, Bellarmin n’a eu garde de l’omettre, Contr. xiv, de amissione gratiæ, t. IV, c. xi. Le grand controversistc relate, sur l’origine des âmes, les six opinions auxquelles se sont arrêtés philosophes ou théologiens. Le créatianisme est désormais, dit-il, la seule à laquelle puisse adhérer un catholique. Il n’est plus possible de s’en tenir à l’attitude hésitante prise jadis par saint Augustin. Le traducianisme est une erreur et, en sûreté de conscience, on ne saurait ne pas la réprouver. Il faut admettre que l’âme est non pas engendrée par les parents, mais créée nar Dieu. Sans doute, il est difficile de trouver dans l’Ecriture des textes bien démonstratifs, qui permettraient de condamner le traducianisme ; tous montrent que Dieu a produit les âmes ; mais le comment de cette production n’est pas indiqué et, à ne considérer que les textes scripturaires, on pourrait encore peut-être hésiter entre la création et la génération. C’est dans la tradition qu’il faut aller chercher l’argument convaincant contre le traducianisme : les Pères ont argumenté contre cette doctrine et enseigné le créatianisme. Augustin n’a hésité qu’en raison du péché originel. Les scolastiques professent nettement le créatianisme. Enfin le Ve concile du Latran, sous Léon X, enseigne l’infusion de chaque ànie au rorps qu’elle doit vivifier. Se plaçant au point de vue philosophique, Bellarmin démontre la vérité du créatianisme en raison de la spiritualité et de l’immortalité de l’âme humaine. Et finalement il répond à l’objection fondamentale des traducianistes. Sans doute, l’âme de l’homme ne vient pas d’Adam, mai’clle est une partie de cet homme qui est engendrée d’Adam et. po « u que le péché soit hérité d’Adam, il suffit que l’homme, dont l’âme est une partie, ’oit issu d’Adam par la voie de la génération naturelle. Ainsi l’homme est vraiment engendré d’Adam, mais son âme i>i directement créée par Dieu. Cf..1. de la Ser-I. n théologie de Bellarmin, Paris, 1906, |>. 649 649.

Bellarmin trouva, au xviir siècle, un contradicteur posthume en la pers on ne du cardinal Noris. Emporté