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TRADUCIANISME. EN OCCIDENT


est transmise par les parents en même temps que le corps. Bien que le terme traduciani ait été inventé par les pélagiens pour désigner les catholiques, partisans de la transmission du péché originel dans l’âme des descendants d’Adam par la voie de la génération, voir saint Augustin, Opus imperf. cont. Julianum, t. I, n. 6, P. L., t. xlv, col. 1053, l’hypothèse traducianiste remonte bien plus haut que la controverse pélagienne. C’est toutefois la controverse pélagienne qui a suscité autour d’elle, sinon la bienveillance, du moins une attention plus marquée des docteurs catholiques.

Elle se présente sous deux formes. À tendance matérialiste, elle enseigne que l’âme est virtuellement contenue dans le germe corporel ; c’est la doctrine que Tertullien semble avoir préconisée. À tendance spiritualiste, elle imagine dans la génération corporelle une sorte de transfusion de l’âme des parents ou encore une vertu créatrice de l’âme, vertu créatrice reçue du Créateur lui-même. Sous sa forme spiritualiste, elle a reçu des auteurs modernes le nom de génératianisme.

Le traducianisme spiritualiste prétend bien ne pas s’éloigner du dogme catholique de la création de toutes choses par Dieu : d’après ses partisans, les âmes individuelles doivent encore être dites créées par Dieu, tout au moins par le seul fait que l’âme du premier homme a été créée. Il en résulte, soit dans l’exposé de leur thèse, soit dans la réfutation qu’en ont faite les théologiens, certaines imprécisions ou ambiguïtés dont le lecteur averti doit tenir compte.

En s’appuyant sur les manifestations d’hérédité que révèle l’étude de la psychologie humaine, le traducianisme prétend expliquer, mieux que tout autre système, la présence dans l’homme du déséquilibre moral qui manifeste la faute originelle. Si Dieu ne peut être tenu pour responsable de la souillure de l’âme, il faut que cette âme mouillée de la tache originelle vienne des parents eux-mêmes. Transmettant la vie du corps, ceux-ci transmettent simultanément la vie de l’âme et, avec cette vie, la tare qui s’y attache après la faute du premier homme. Ainsi est fournie une réponse péremptoire aux difficultés qu’avait jadis soulevées Pelage.

Rien d’étonnant qu’un certain nombre de Pères (la majeure partie des Occidentaux, affirme saint Jérôme, non sans la pointe d’exagération qui lui est familière, Epist., cxxvi, 1, P. L., t. xxii, col. 1086) aient accepté ou plutôt envisagé comme plausible cette explication facile. En Orient, Apollinaire est surtout incriminé, sans doute parce que, voulant étayer son système christologique, il sépare l’âme de l’esprit et en fait une « âme charnelle ». Cf. Pscildo-Athanasc, Cont. Apoll., ]. II, n.8, P. G., t. xxvi, col. 1143 C. Voir, outre saint Jérôme, loc. cit., Némésius, De anima (dans les œuvrea de saint Grégoire de Nysse), serm. i, P. G., t. xlv, col. 206 D. Ci rtains auteurs ont accusé saint Grégoire de Nysse. Quelques expressions de re l’ère pourraient à la rigueur être interprétées en un sens traducianiste ; cf. De hominis opipeio, c. xxix, P. G., t. xi.iv, col. 235 1) ; mais le sella créatiflnlate ( st plus obvi". Saint Thomas, De potrnlia. >. iii, a. 9, après G-ennade, De e.ccl. dogm., c. xiv, P. L., t. i.vm, col. 981 I’, , Indique, parmi les traducianistes, un certain Cgrillus. L’Identification nous paraît impossible. Par contre, |’ens< mble dea Pères grecs affirment nettement que les Ames sont créées par Dieu. Citons : S. Grégoire de Nazfanze, Oral., xxxvii, n. 15, P. G., t. xxxvi, col. 300 C ; Carmina moral in : in fondent niri/initatis, t. 393, t. xxxvii, col. 551 ; S. Cyrille d’Ali xanilrie. In Joannem. 1. I. c. xix, t. i.xxiii, col. 121 s M.

Cta ! donc seulement en Occident que l’étude du traducianisme présente quelque intérêt

II. Le traducianisme en Occident.

1° Avant la controverse pélagienne. — Tertullien a nettement enseigné le traducianisme ; mais son traducianisme est entaché de matérialisme. On sait que Tertullien conçoit l’âme comme une substance « corporelle ». L’âme est donc transmise comme le corps et avec lui ; et, comme lui, elle est douée de sexe. De anima, ix, xix, xx, xxii, xxvii, xxxvi, P. L., t. ii (1844), col. 658 C, 681 C-682 A, 683 A, 686 A, 694 C-695 A, 712 AB. Voir Tertullien, col. 153. Contre un tel traducianisme, saint Augustin s’insurge. Epist., exc, n. 14, P. L., t. xxxiii, col. 861.

Arnobe a été compté à tort parmi les traducianistes. Sa pensée sur l’origine des âmes est très complexe, voir t. i, col. 999. Il semble admettre qu’elles ont été créées par un intermédiaire. Adv. gent., t. II, ri. 36, P. L., t. v, col. 866 A. Voir ici Arnobe, t. i, col. 1986.

Lactance a pareillement été accusé à tort. Voir t. viii, col. 2442. Il enseigne explicitement le créatianisme. De opificio Dei, c. xix, P. L., t. vi, col. 73.

Si la pensée de saint Hilaire de Poitiers a paru discutable à un critique allemand, Beck, il ne semble pas qu’on doive s’attarder à cette controverse. Hilaire est nettement créatianiste. De Trinilate, t. X, n. 20, 22, P. L., t. x, col. 358 A, 359 A. Voir Hilaire (Saint), t. vi, col. 2419.

Avec plus de vraisemblance, on doit ranger parmi les traducianistes Lucifer de Cagliari et ses disciples. Voir t. ix, col. 1039.

Une note de l’éditeur attribue l’erreur traducianiste à saint Philastre de Brescia, De hær., c. exi, P. L., t. xii, col. 1233 A, note a. Avec plus d’objectivité, Bellarmin explique que Philastre fait erreur en accusant d’hérésie ceux pour qui l’âme « spirituelle » n’est pas la grâce du Saint-Esprit. Il ne s’agit pas ici de traducianisme. Controv., xix, De amissione graliæ, c. xi (éd. Vives, t. v, p. 363). On a vu à l’art. Ame (chez les Pères des trois premiers siècles) des formules analogues à celle que préconise Philastre. Cf. S. Augustin, De civ. Dei, t. XII, c. xxiii, P. L., t. xli, col. 373.

En somme, des indications vagues, à part l’erreur formelle de Tertullien. Rufin cite nommément Tertullien et Lactance et, ajoute-t-il, peut-être quelques autres. Apol. ad Anastasium, n. 4, P. L., t. xxi, col. 626 AB. Lui-même a été hésitant et il l’avoue dans cette défense personnelle. Saint Jérôme n’a pas manqué de relever ce point d’hésitation. Cont. Rufmum, I. III, n. 28, 30, P. L., t. xxiii, col. 477, 479 ; cꝟ. t. II, n. 8, col. 430 A. Dans sa lettre cxxvi, saint Jérôme, on l’a vii, accuse, sans préciser davantage, < la majeure partie des Occidentaux ». L’exagération est manifeste. Ailleurs, il se contente de relater l’opinion traducianiste, tout en la déclarant incompatible avec la doctrine catholique. Ad Pammachium, n. 21, P. L., t. xxiii, col. 371 A ; In Ecclesiasten, xii, ibid., col. 1112 B et dans le Cont. Rnfinum, loc. cil. L’auteur du De origine, animarum, qui fait dialoguer Augustin et Jérôme sur l’origine des âmes, attribue le traducianisme a Apollonius (de Tyancs), à Tertullien, à Pompée ( ?), à Arnobe, à Laitance et à Apollinaire. Voir P. L., t. xxx, col. 270. La profession de foi de Bachiarlus, n. 4, accuse encore une certaine hésitation : » L’âme est faite, mais d’où est-elle faite, je l’ignore », P. L., t. xx, col. 1030 A, sans pour autant donner la main à ceux qui prennent plaisir à enseigner que l’âme est engendrée par une sorte de transfusion ». (’.n’. 1031 AB. Par contre, saint Ambrnisc enseigne forint lli ment la tication des âmes. Dr r ri arca,

e. n. n. 9, P. /-., t. xiv (1815), col. 3116. Voir aussi le pseudo-Ambrolse, De Trinilatr. c. xii i. PL t. xvii, col. 553 B.