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    1. TRADITION##


TRADITION. SYNTHÈSE THÉOLOGIQUE

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V. Brève synthèse théologique.

On s’arrêtera aux quatre points suivants : 1° Tradition et révélation ; 2° Tradition et magistère ; 3° Tradition et Écriture ; 4° Tradition : immutabilité et progrès.

Tradition et révélation.

Thèse i. - — Il n’existe à

proprement parler qu’une seule source de la foi, c’est la révélation ; mais la révélation a été transmise aux hommes de deux façons : soit par écrit, soit de vive voix. Le premier mode de transmission s’appelle l’Écriture et, parce que l’Écriture est rédigée sous l’inspiration du Saint-Esprit, l’Écriture sainte. Le second mode s’appelle la tradition. Sous cet aspect du mode de transmission, on peut donc aussi, mais moins proprement, parler de deux sources de la foi. Fide divina et catholica ea omnia credenda sunt, quæ in verbo Dei scripto vel tradito continentur… Conc. Vatic, sess. iii, c. iii, Denz.-Bannw., n. 1792.

Thèse ii. — Les enseignements transmis par manière de tradition orale s’appellent légitimement les traditions et constituent l’objet de la tradition : c’est ce que les théologiens appellent la « tradition objective ». Ces enseignements ne sont pas uniquement des vérités à croire, mais ce peuvent être également des institutions, des pratiques, des préceptes. Ainsi « les traditions » ne s’originent pas nécessairement toutes à la révélation divine : pour légitimer leur appellation, il suffît qu’elles soient transmises par une voie différente de l’Écriture sainte.

Thèse m. — Aussi, sous cet aspect, on distingue : les traditions s’originant à la révélation : traditions divines ou divino-aposloliques ; et les traditions s’originant à une autorité humaine : traditions simplement apostoliques et traditions ecclésiastiques.

Les traditions divines ou divino-apostoliques sont celles qui ont été enseignées ou instituées par Jésus-Christ ou par les apôtres comme promulgateurs inspirés de la révélation divine : vérités ou institutions faisant partie du dépôt de la foi, par exemple, les dogmes à croire, la constitution hiérarchique de l’Église, les sacrements.

Les traditions humaines sont celles qui ont été introduites par l’autorité ou avec le consentement de l’autorité de ceux qui dirigent l’Église au nom du Christ, c’est-à-dire par les apôtres en tant que pasteurs chargés d’établir l’Église et de lui donner des lois, ou par leurs légitimes successeurs, papes et évêques.

S’il y a un doute sur l’origine divine d’une tradition, c’est le magistère de l’Église seul, manifesté sous une forme ou sous une autre, qui peut affirmer ou infirmer cette origine divine.

Tradition et magistère.

Thèse iv. — Envisagée

au sens actif, la tradition, c’est-à-dire la transmission de vérités ou de préceptes, se confond formellement avec la prédication actuelle de l’Église, c’est-à-dire avec son magistère infaillible. Elle est la règle de la foi, règle unique et immédiate. Les documents renfermant la prédication antérieure de l’Église pourraient être considérés comme une règle éloignée.

Thèse v. — C’est donc essentiellement à la lumière de la prédication de l’Église, même simplement manifestée par la croyance unanime des fidèles, qu’il faut chercher à connaître la vérité, l’authenticité, le sens et la portée des traditions : vérités, faits, institutions ou préceptes. Autrement, aucune tradition reçue dans l’Église ne pourrait être acceptée avec une certitude garantie par l’assistance divine. On ne nie pas pour autant l’utilité considérable des sciences historiques ou philologiques pour établir exactement l’authenticité, l’intégrité des textes où se sont cristallisées les traditions et pour donner la signification exacte de certaines formules grammaticalement discutables. Ces sciences subordonnées sont un auxiliaire précieux au théologien dans l’étude de la tradition, comme elles le

sont pour l’exégète dans l’interprétation de l’Écriture. Les exemples ne manquent pas pour illustrer ces vérités. La critique a rendu d’immenses services à l’étude de la tradition en discriminant les documents authentiques des documents interpolés ou supposés, par exemple les Fausses Décrétales, en montrant l’inauthenticité scripturaire du verset des trois témoins, en restituant au vie siècle des écrits du pseudo-Aréopagite, etc.

Thèse vi. — La méthode à employer pour connaître la prédication de l’Église est donc la méthode théologique, se fondant sur l’autorité : neque… ftdei doctrina, quam Deus revelavit tanquam philosophicum inventum proposita est humanis ingeniis perficienda. sed tanquam divinum depositum Christi Sponsæ tradila, fideliter custodienda et infallibiliter declaranda. Conc. Vatic, sess. iii, constitution De fide catholica, c. iv, Denz.-Bannw., n. 1800. Une seule autorité suprême existe ici, l’autorité infaillible de l’Église, qu’il faut identifier avec l’autorité des conciles et des papes. L’autorité des Pères et des théologiens n’est qu’un argument pour trouver par de la l’enseignement patristique ou théologique, l’enseignement formel du magistère (ordinaire ou extraordinaire) de l’Église. Et, dans ce témoignage rendu par les Pères et les théologiens à l’enseignement infaillible de l’Église, on appliquera les règles formulées par saint Augustin et codifiées par Bossuet. La raison humaine (philosophie ou histoire) est également un moyen, mais purement subsidiaire et toujours sujet à caution, de parvenir à la connaissance de l’enseignement de l’Église.

Tradition et Écriture sainte.

Thèse vu. — Considérée

formellement comme règle de la foi, la tradition possède sur l’Écriture sainte une triple priorité, de temps, de logique, de compréhension ou amplitude, d’objet.

1. Priorité de temps, puisque, même sous la Loi nouvelle, l’Église de Jésus-Christ a été constituée et s’est déjà conservée avant qu’aucun livre du Nouveau Testament ait vu le jour.

2. Priorité dans l’ordre logique, au point de vue de la connaissance que nous en avons. En considérant les documents de la tradition au simple point de vue historique, on trouve déjà en eux une certaine base à la démonstration critique ou philosophique de la crédibilité de l’Écriture. Mais, en considérant la tradition formellement ou théologiquement, on trouve en elle, c’est-à-dire dans le magistère infaillible de l’Église, le motif péremptoire et définitif qui nous procure une connaissance certaine du canon des Écritures, de l’authenticité, de l’intégrité, du caractère inspiré des Livres saints, ainsi que du sens exact de certains textes plus ou moins obscurs. Ce qui réserve la priorité relative des passages clairs qu’on peut utiliser historiquement dans l’apologétique.

3. Priorité de compréhension. L’objet de la tradition est souvent le même que le contenu de l’Écriture, car les mêmes vérités peuvent être transmises oralement sous l’assistance du Saint-Esprit et par écrit sous l’inspiration du même Esprit. Mais il y a des vérités et des institutions appartenant à l’objet de la tradition, qui ne sont pas contenus dans l’Écriture. Hæc supernaturalis révélât io… conlinetur in libris scriptis et sine scripto traditionibus, quæ ipsius Christi ore ab Apostolis acceptæ, aut (ab) ipsis Apostolis Spiritu Sancto dictante quasi per manus traditse, ad nos usque pervenerunt. Conc. Vatic, sess. iii, c. n ; cf. Conc. Trid., sess. iv, Denz.-Bannw., n. 1787 et 783. Ce qui n’empêche pas qu’une certaine priorité, même au point de vue de la compréhension, peut être attribuée à l’Écriture en ce qui concerne les revelata per accidens, c’est-à-dire les détails historiques, chronologiques, géographiques, etc., qui forment le cadre littéraire des vérités et des faits ayant trait au dogme ou à la morale.