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TRADITION. THEOLOGIE CONTEMPORAINE


croyance toute simple à la sainteté de Marie renfermait déjà implicitement la croyance à l’immaculée conception. Ainsi encore la croyance au pouvoir d’enseignement de l’Église renfermait implicitement la croyance à son infaillibilité et à l’infaillibilité du pape. Aux premières vérités, Billot applique les paroles de Vincent de Lérins, quod ubique, quod semper, quod ab omnibus creditum est. Aux secondes, du moins dans le traité De Ecclesia (p. 405), il semble réserver la loi du progrès, c’est-à-dire que, sous l’influence des hérésies, des discussions, ou même de la seule piété des fidèles, se fait le passage de la croyance implicite à la croyance explicite, en passant par une période de controverses et d’hésitations. De cette évolution de l’implicite à l’explicite, le P. Bainvel a donné un exemple frappant dans son étude sur la genèse du dogme de l’immaculée conception de la sainte Vierge, Histoire d’un dogme, dans les Études, 5 décembre 1904, p. 612 sq. C’est à l’évolution de ces vérités, d’abord implicitement révélées, que Billot appliquait la loi formulée par le moine de Lérins : Crescat igitur oportcl et multum vehementerque proficiat… sed in suo dumtaxal génère, in eodem scilicet dogmate, eodem sensu, eademque sententia. Mais, dans le De traditione, l’auteur précise sa pensée et accepte nettement une évolution dans les vérités même explicitement révélées. Voici l’énoncé de sa thèse : « La doctrine de la tradition, tout en demeurant toujours la même, n’est pas toujours aussi développée, aussi perfectionnée et aussi achevée. Au cours des siècles, surtout à l’occasion des hérésies, elle acquiert plus d’évidence, plus de lumière, plus de précision. Généralement parlant, il faut distinguer pour tout dogme trois stades de développement : un premier stade de simple foi, un stade de parfaite explication et un stade intermédiaire, quand le dogme commence à quitter la foi simple pour entrer dans le domaine de la spéculation théologique : c’est alors qu’en raison des tâtonnements du début, on trouve encore des exposés moins exacts, des locutions défectueuses. Mais toutes ces imperfections de forme non seulement peuvent, mais doivent recevoir un sens parfaitement orthodoxe, si L’on tient compte des principes propres qui régissent l’exégèse patristique. » Op. cit., c. ii, p. 41. Et l’auteur prend comme exemple le développement du dogme de la Trinité, avec les tâtonnements que sa formulation a subie à l’occasion de l’arianisme ou du subordinatianisme. Les imperfections de langage du second stade s’expliquent psychologiquement : « C’est, dit Bossuet, cité par notre auteur, un caractère assez naturel à l’esprit humain de dire mieux par l’impression commune de la vérité que lorsqu’en l’examinant à demi, on s’embrouille dans ses pensées… Ce qui arrive assez ordinairement avant que les questions soient bien discutées et que l’esprit s’y soit donné tout entier. » Défense de la tradition, t. VI, c. xvi.

Deux théologiens récents d’Allemagne.

Il s’agit

des ouvrages publiés sur la tradition, en 1031, par le P. Deneffe et par J. Ranft, le premier professeur au scolasticat de Valkenbourg, le second, privat-docent a la Faculté de théologie catholique de l’université de

Wurtzbonrg.

1. Auguste Deneffe, S. J. : Dcr TraditionsbegrifJ. — Cet ouvrage est né d’une controverse avec le P. Dieckmann. Celui-ci affirmait que la tradition est Identique au magistère de l’Église ; tandis que Deneffe soutenait qu’il fallait la concevoir comme antérieure à la prédication ecclésiastique, l’ne étude plus approfondie convainquit Denelle du bien fondé de la thèse de son adversaire : il s’y rallia donc, mais en ajoutât une nde notion de la tradition, sauvegardant par là, m-un certain aspect, sa première conception.

L’oaVN0e se divise BU deux parties : une empiète historique, une synthèse lliéologiquc. I.’enquête Mis

DICT. DK THÉOL. CATIIoL.

torique reproduit, dans les grandes lignes, l’exposé qu’on a trouvé ici-même, avec toutefois de graves et sérieuses lacunes, tant pour les Pères que pour les théologiens. De cette partie, nous relèverons simplement l’affirmation concernant Franzelin : c’est à ce théologien que Deneiïe attribue l’honneur d’avoir réagi contre les errements antérieurs en mettant en lumière que la tradition est un autre mode de transmission de la doctrine que l’Écriture et que les enseignements transmis par la tradition ne sont pas nécessairements absents de l’Écriture.

La partie systématique établit deux notions de la tradition : La première — la principale — présente celle-ci comme « la prédication vivante et infaillible de la foi faite par l’Église, débutant avec les apôtres, traditio constitutiva, et continuée par leurs successeurs avec la même autorité, traditio continuativa ; cette tradition est la règle de foi prochaine ». On trouve déjà cette formule, avec des expressions identiques, dans Van Noort, op. cit., n. 2. La tradition, au sens dérivé, « est constituée par les documents du magistère ecclésiastique, composés au cours des temps ou actuellement, qui nous permettent de connaître la prédication de la foi telle qu’elle fut au cours des âges. Cette tradition peut être appelée règle de foi éloignée, en ce sens qu’elle est un moyen nous permettant d’arriver à la connaissance de la règle de foi prochaine, qui est l’enseignement de l’Église ». P. 2 sq. Deneiïe estime que ce qui a obscurci la notion de tradition au cours des trois derniers siècles, c’est la tendance de beaucoup de théologiens à ne voir dans la tradition que la règle de foi éloignée et surtout la juxtaposition des loci : tradition, Église, conciles, papes, chez Melchior Cano. On a vii, par les exposés antérieurs, que cette appréciation de Deneffe, tant au sujet de la notion de la règle de foi prochaine et éloignée qu’au sujet des imprécisions théologiques des siècles derniers, est vraie en substance.

2. J. Ranft : Der Ursprung des katholischen Traditionsprincips. — L’ouvrage de Ranft est beaucoup plus considérable. Dès les premières pages de son livre, Ranft déclare concevoir la tradition comme « la transmission légitime de la révélation primitive ». Sa définition englobe donc l’Écriture. Si l’on a notioimcllement séparé Écriture et Tradition, c’est pour « sauvegarder l’antique fondement de la foi catholique, contre ceux qui voulaient limiter à la seule Écriture la source de la connaissance religieuse ». P. v. L’auteur se pose une question de fait : quelle place attribuer à la tradition dans la religion chrétienne primitive ? Pour répondre à cette question, il ne se contente pas d’interroger les livres du Nouveau Testament, il donne à son enquête les plus vastes proportions. L’étude est divisée en six parties : 1. Basais de démonstration du principe catholique de la tradition, qui ont été tentés depuis la fixation de ce concept au concile de Trente ; 2. Analogies dans les religions non chrétiennes au principe catholique de la tradition ; 3. Conception juive de la tradition ; 4. L’idée de la tradition dans l’hellénisme ; 5. Connexion des concepts de dépôt et de tradition dans les littératures juive et helléniste ; (i. Enfin — conclusion de l’étude — principe de tradition dans le christianisme primitif. De ce travail important, nous avons, au cours de notre exposé, détaché les idées les plus saillantes au point de vue théolngiquc. Mais le simple résumé qu’on vient d’en faire montre que l’ouvrage de Ranft déborde singulièrement les cadres d’une étude theologiqne.

Ni Ranft. ni Denelle n’ont apporté de nouvelles

précisions. Deneffe lui-même qui a voulu faire œuvre

Strictement théolngiqiie. semble s’être inspire de Billot qu’il nomme a peine une foi-, , (Bail dont il a lue à coup sur le meilleur de son expose didactique.

T. — W

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