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    1. TRADITION##


TRADITION. LES THÉOLOGIENS (XX « S.)

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La correction s’imposait, car affirmer purement et simplement que la tradition n’est qu’une règle éloignée de la foi et que le magistère ou l’enseignement de l’Église est la règle prochaine, c’est infirmer cent assertions des Pères qui impliquent l’identité du magistère et de la tradition active. Il y avait donc là une précision à trouver : ce fut l’œuvre presque simultanée du P. Bainvel et du cardinal Billot. Le traité du cardinal Billot est antérieur d’un an (1904) à celui du P. Bainvel (1905) ; mais il présente des vues plus pénétrantes et, à ce titre, doit être étudié en second lieu.

2° Bainvel : De magistcrio vivo et traditione. — En mettant l’accent sur le magistère « vivant, l’auteur marque son intention de démontrer l’identité de ce magistère avec la tradition active et, en même temps, d’exposer les conditions du progrès vital de la doctrine soumise à ce magistère.

1. Le magistère vivant, seule règle de la foi. — Dès le seuil de son étude, l’auteur aborde l’institution d’un « magistère vivant » dans l’Église. Ce magistère a été institué par le Christ dans son Église, afin que celle-ci possédât perpétuellement un organe de propagation, de conservation, de proposition authentique de la vérité révélée. Loin d’exclure ce magistère, les documents scripturaires et les écrits de l’époque subapbstolique l’indiquent expressément. Bien plus, la double propriété d’unité et d’universalité qui est le fait de la foi et de la religion chrétiennes, exige à priori ce magistère vivant, dont le défaut a précisément causé, chez les protestants, des variations doctrinales et un morcellement en sectes innombrables.

Parlant ensuite des traditions, c’est-à-dire des doctrines révélées et transmises par mode de prédication, l’auteur montre que de telles traditions existent. C’est là un fait sanctionné par l’Écriture elle-même et que les protestants ne sauraient nier. Mais il ne suffit pas de considérer « les » traditions ; il y a aussi la » tradition, organe de transmission, enseignement de l’Église, magistère. Même si l’enseignement ainsi compris porte sur des vérités par ailleurs contenues dans l’Écriture, c’est encore « la » tradition, quoi qu’en pensent certains auteurs. Aussi, tout en maintenant la doctrine classique de Cano touchant les lieux théologiques, Bainvel n’hésite pas à affirmer, thèse vii, que i le magistère de l’Église est la source, l’organe, le critère suprême de la vérité révélée, de telle sorte que tous les autres s’y réfèrent et y puisent leur valeur, de telle sorte encore que l’Église est l’unique lieu théologique des vérités définies et des vérités non définies. Assertion extrêmement utile pour dissiper les obscurités touchant le concept de la règle de la foi. Il n’y a qu’une règle immédiate de la foi ; c’est l’enseignement de l’Église, lequel ne fait qu’un avec la tradition active.

2. Progrès du dogme.

C’est la seconde idée mise en meilleur relief par l’auteur, qui n’hésite pas à employer, thèse xiv, l’expression : « évolution du dogme. La doctrine est tout entière condensée en deux propositions : l’une trace les limites dans lesquelles on peut parler d’évolution dogmatique ; l’autre indique la nature et le caractère de l’évolution dogmatique.

Les limites de l’orthodoxie en matière d’évolution du dogme peuvent être condensées en quatre propositions : a) La révélation catholique a toujours existé, dans son intégralité, d’une manière au moins implicite dans la f’ii de l’Église ; b) Elle a toutefois admis un certain progrès, non seulement dans la foi subjective des fidèles, mais dans la proposition et l’explication objectives de l’Église ; e) Il a donc pu se produire au cours de l’histoire qu’un dogme, non encore explicitement pro[io (’, ait été dans l’Église objet de controverse ; d) Bn toute hypothèse, on ne saurait admettre que l’Église

universelle ait jamais retenu du dogme lui-même une idée fausse, ni qu’elle ait jamais favorisé une opinion positivement contraire au dogme, ni qu’elle ait corrompu ou obscurci une vérité révélée.

Quant à la nature de l’évolution dogmatique, on peut établir tout d’abord le principe suivant : L’explication de la révélation et l’évolution du dogme ne prêteront jamais au dogme des sens variables au gré des mouvements de la pensée philosophique. Mais, dans le dogme, les vérités révélées explicitement pourront revêtir dans leur définition des formules mieux appropriées ; les vérités révélées implicitement seront développées et explicitées. C’est, croyons-nous, la première fois qu’un théologien distingue cette double matière du progrès dogmatique. Cette distinction entre vérités explicitement et vérités implicitement révélées est féconde et permet de fixer avec plus de précision la nature de l’évolution dogmatique qui leur convient. Sous l’effet de l’une ou de l’autre évolution, « ce qui était obscur et ambigu est précisé ; ce qui était encore dans l’ombre est éclairci ; ce qui était en discussion est défini ; ce qui était épars est réuni en un corps de doctrine ; les analogies de la foi et le travail de la raison elle-même illustrent et font mieux saisir la vérité proposée » (th. xv).

3° La crise moderniste : Billot. — C’est tout à fait indirectement et presque timidement que J.-V. Bainvel a rappelé les principes qui, au moment où il écrivait, devaient être invoqués contre le modernisme. Son confrère en religion, le P. Billot, alors professeur au Collège romain, engageait au contraire une vive et directe polémique contre ce qu’il dénommait « la nouvelle hérésie de l’évolutionnisme ». De là le petit traité De immulabilitale traditionis, qui eût gagné à revêtir une forme plus irénique, mais dont il serait injuste de méconnaître la valeur théologique. Nous suivons ici la deuxième édition (1907). Une troisième édition, non revue, a été publiée en 1922.

Le modernisme fut l’occasion pour Billot de donner de nouvelles précisions théologiques sur la notion catholique de la tradition, la règle piochaine et éloignée de la foi, la méthode à employer pour étudier la tradition et le progrès du dogme.

1. Concept catholique de la tradition.

Dès l’abord, l’auteur distingue, dans la révélation divine, comme dans toute autre communication de vérité, le sens objectif ou matériel, la vérité qui est communiquée, veritas dicta, et le sens formel, la communication même de la vérité, diclio qua dicitur veritas. Sous le premier aspect, aucune distinction à faire entre parole de Dieu écrite ou parole de Dieu oralement transmise ; c’est toujours la parole de Dieu, objet matériel de la foi. Il n’y a qu’une source de la foi, la révélation divine. C’est dans la vérité au sens formel de sa communication que réside la différence entre la parole de Dieu écrite et la parole de Dieu oralement transmise : transmission simplement humaine ou transmission d’origine divine. Il faut de plus, entre ces deux modes de transmission, noter une différence radicale : la tradition d’origine humaine n’est qu’une tradition de /ait, soumise à toutes les influences humaines qui peuvent s’exercer sur sa conservation ou son altération ; la tradition d’origine divine est une tradition de droit, qu’il n’est possible de concevoir que garantie par la constitution d’un organe authentique et la promesse d’une assistance perpétuelle qui en éloignent l’erreur. À priori, ce droit ne peut qu’être reconnu à la tradition divine. Le fait de la transmis, ion de la parole divine par un organe authentique divinement assisté nom est affirmé et démontré par la manière dont l’Écriture nous rapporte l’institution divine de l’Église. C. I, p.’.'10.

i < t a M 1 1 th., xxviii, 19, que se réfère prin< lement l’auteur pour montrer que le Christ a établi