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TRADITION. LA RÉFORME


logiquement de celles contenues sous les n. 4, 5, 6. Enfin, à ces sept sortes de vérités, Torquemada en ajoute une huitième : les vérités qui, sans être absolument des vérités de foi catholique, s’en approchent (catholicam veritatem sapientes). C’est ce que nous appellerions aujourd’hui des faits dogmatiques : Torquemada donne comme exemple : la vérité que Thomas de Sarzano (Nicolas V) soit pape. Le mot de tradition n’est pas prononcé par l’auteur de la Summa de Ecclesia, mais la doctrine de la tradition s’y trouve nettement enseignée, avec des expressions différentes.

3° La Réforme. — 1. Les négations de Luther. — La révolte de Luther contre l’autorité de l’Église devait fatalement amener l’initiateur de la Réforme à nier la tradition, au sens où l’Église catholique l’entendait. La Bible, pour Luther, contient toute la révélation : on n’y doit rien ajouter, rien en retrancher. Toute addition à la Bible est addition humaine et vient de Satan. De abroganda missa, édit. de Weimar, t. viii, p. 418. S’il arrive à Luther d’invoquer des autorités telles que saint Augustin ou Gerson, c’est uniquement parce que ces autorités confirment ce qu’il croit trouver dans la Bible : toute leur valeur doctrinale leur vient de la Bible. Aussi Luther rejette-t-il les usages de l’Église non consignés dans l’Écriture : carême, jeûnes, bénédiction des rameaux, lecture de la passion en latin, messe des présanctifiés, etc. Cf. ici, art. Réforme, t. xiii, col. 2039-2040.

2. Mélanchthon.

Moins radical que Luther sur beaucoup de points de l’ecclésiologie, Mélanchthon a cependant toujours rejeté dans l’Église une autorité doctrinale. Dans ses thèses pour le baccalauréat en théologie, il disait déjà : Quod catholicum, præler articulos, quos Scriptura probat, non sit necesse alios credere ; et : Conciliorum auctoritatem Scripturæ auctoritate vinci. Corp. reform., t. i, col. 138. Il reprend cette doctrine dans les Loci communes, 2° et 3° œtas, De Ecclesia, De Liberlate christiana, De Ecclesia et auctoritate verbi Dei, Corp. reform., t. xxiii, col. 595 sq.

S’appuyant sur Matth., xv, 3, et Marc, vii, 8, où le respect des traditions humaines est représenté comme s’opposant à la soumission aux préceptes divins, Mélanchthon, dans la Confession d’Augsbourg, avertit les fidèles que « les traditions humaines instituées (soi-disant) pour apaiser Dieu, mériter la grâce et satisfaire pour les péchés, sont en réalité opposées à l’Évangile et à la doctrine de la foi. Aussi les vœux et les traditions sur les aliments, les jours à observer, etc., institués pour mériter la grâce et satisfaire pour les péchés, sont-ils inutiles et contraires à l’Évangile ». Art. xv, 4, dans J.-Th. Mûller, Die symbolischen liùcher der evangelisch-lutherischen Kirche, 11e édit., Glitersloh, 1912, p. 42.

Dans la Défense de l’Apologie, Mélanchthon insiste sur la même doctrine négative. Les traditions sont de véritables liens qui emprisonnent les consciences. Art. xv, n. 49, op. cit., p. 214. Les évêques n’ont aucun droit d’établir des traditions (le texte allemand porte Salzung, institution, observance) en dehors de l’Evangile. .. de telle sorte que ce serait péché de les omettre. Art. xxviii, n. 8, p. 287.

La Formule de concorde, sans faire allusion directement aux traditions, impose comme unique règle de foi et do conduite la sainte Écriture. Purs I, Fpitome iirlirulorum. De compendiaria régula algue, norma, n. 7 ; Pars II. Solida declaralio. De compendiaria dactrintr forma, n. 3, ibid., p. 518, 568.

Il existe néanmoins, dans les n-nvrcs de Mélanchthon une Intéressante DUpuIatio de traditionibvu humanis. Corp. reform., t. XII, col. 520, Mélanchthon rejette les traditions humaines, condamnées, dil 11, par Matth., xv, 2-3, et Art., xv, 10. Bt Cependant, ajoute Mélanchthon, il faut obéir aux pasteurs de

Églises, à moins qu’ils n’établissent quelque chose de contraire à l’Évangile. En effet, l’Écriture cite des exemples d’institutions humaines qu’on ne peut qu’approuver avec elle. Dieu loue les Réchabites d’avoir refusé, sur l’ordre de Jonadab, de boire le vin qui leur avait été offert, Jer., xxxv, 5-19 ; le roi Josaphat impose un jeûne à tout le peuple de Juda, II Par., xx, 3 ; le roi de Ninive ordonne pénitence et jeûne à son peuple, pour apaiser la justice divine, Jon., iii, 6 sq. Voilà donc des traditions, c’est-à-dire des institutions humaines excellentes. Et cependant, conclut Mélanchthon, on peut omettre les traditions des évêques sans pécher.

3. Autres témoignages des réformateurs.

Les assertions précédemment relevées appartiennent aux années antérieures au concile de Trente. Rapportons encore quelques assertions, postérieures au concile, et émanant des protestants réformés. Toutes d’ailleurs peuvent se résumer en deux propositions : seule, l’Écriture doit être la règle de foi des chrétiens ; les traditions ne sont que des superfétations humaines, qui doivent être délaissées, comme inutiles ou même nocives.

C’est à Calvin que nous demanderons les plus importants témoignages. D’après lui il n’y a pas d’autre parole de Dieu à recevoir que celle contenue dans la Loi et les Prophètes, ensuite dans les écrits apostoliques : aucun enseignement ne doit être donné que d’après la règle de cette parole écrite. Inst. relig. christ., 1. XIII (rédact. latine), Corp. reform., t. xxix, col. 839 sq. Dans l’édition française, t. IV, c. x, Calvin affirme que « sont venues infinies traditions, lesquelles ont esté autant de cordeaux pour estrangler les povres âmes », n. 1, t. xxxii, col. 757. Ces « vaines traditions »… « nous amusent à des observations pour la plus grand’part inutiles et mesme quelquefois sottes et contre raison… La multitude en est si grande, que les consciences fidèles en sont offensées et estant réduites à une espèce de Juifverie, s’arrestent tellement aux ombres qu’elles ne peuvent venir à Christ ». N. 11. col. 769. C’est faire injure au Christ, conclut-il dans le commentaire sur l’épître aux Colossiens, que de tenir les traditions humaines. C. ii, n. 22, t. iii, col. 115.

En ce qui concerne la tradition des Pères, Calvin estime qu’on a tort de vouloir, dans l’Église catholique, « les tenir en authorité égale avec l’Escriture saincte ». Serm. clxxxii, sur le Deut., c. xxxii, t. lvi, col. 712. II faut les recevoir si elles nous conduisent à mieux honorer Dieu, sinon il faut les rejeter. Prselect. in Ezcchielem, c. xx, v. 19, t. lxviii. col. 491.

II était intéressant de consulter le commentaire de Calvin sur II Thess., ii, 15 (14). Tenefe instilutiones, traduit Calvin. Mais il n’entend pas que ces « institutions » appartiennent simplement à l’ordre extérieur : « ce mot, à mon sentiment, déclare-t-il, signifie aussi toute la doctrine. » Toutefois, le pluriel 7rapoc86(TEi< ; peut aussi désigner les règlements institués par les Eglises pour favoriser la paix et maintenir l’ordre. Corp. reform., t. lxxx, col. 207.

Les confessions de foi réformées sont Intransigeantes. La Confession de foi des lu/lises tic Franco (1559). inspirée par Calvin, fait en trois lignes le procès de toute la tradition qu’elle qualifie d’inventions humaines ». L’Écriture est la règle de la vérité, dont il s’ensuit que ni l’antiquité, ni’es coutumes, ni la multitude, ni la sagesse humaine, ni les Jugements, ni les arrêts, ni les (dits, ni les décrets, ni les conciles, ni les visions, ni les miracles ne doient être opposés .i cette Écriture sainte ». Art. 5, cꝟ. 1 :. F.-K. Mûller, Dit liekrnnlnisschriflrn der rrformicrlrn Kirche. I i i|i zig, 1903, p. 222.

la confession de foi helvétique, postérieure > 1562,

prodamt derechef l’Écriture seule règle de fui. l’Église