Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/656

Cette page n’a pas encore été corrigée

1297 TRADITION. SYNTHÈSE DE L’ENSEIGNEMENT DES PÈRES 1298

pris, qu’ils parlent en des termes nouveaux, mais n’affirment aucune nouveauté, cum dicas nove. non dicas noua. N. 22, col. 6C7.

La valeur du critère indiqué par Vincent a été discutée. Qu’il suffise ici de signaler l’interprétation très plausible de Franzelin, De traditione, th. xxiv : en bref, le critère énoncé vaut au sens positif : une doctrine marquée des caractères d’universalité, d’antiquilé, acceptée universellement, ne peut manquer d’être vraie ; mais ce critère ne vaudrait pas au sens négatif ou exclusif ; car certaines doctrines, d’origine apostolique, n’ont pas été crues toujours et par tous d’une foi explicite ; elles ont même pu être pendant un certain temps largement méconnues. Vincent aurait-il soupçonné une précision nouvelle, quand il écrit que « le consentement unanime des Pères anciens doit être cherché et suivi, non pas dans toutes les petites questions de la divine loi, mais à coup sûr seulement dans la règle de la foi ? » N. 28, col. 675.

2. Progrès dans la tradition même.

Non nova, sed nove, avons-nous lu tout à l’heure sous la plume de Vincent. Il y a donc un progrès : tout d’abord et à coup sûr dans les formules, peut-être aussi dans les concepts. À ne retenir que certains passages, il semblerait que Vincent n’admît que cette sorte de progrès qui ne touche pas le dogme en lui-même.

Dans sa fidélité sage à l’égard des doctrines anciennes (l’Église) met tout son zèle à ce seul point : perfectionner et polir ce qui, dès l’antiquité, a reçu sa première forme et sa première ébauche ; consolider, affermir ce qui a déjà son relief et son évidence ; garder ce qui a été déjà confirmé et défini. N. 22, col. 669.

Dans les conciles, elle ne s’est pas donné d’autre but que de proposer à une croyance plus rélléchie ce qui était cru auparavant en toute simplicité : de prêcher avec plus d’insistance les vérités prêchées jusque-là d’une façon plus molle… Voici ce que l’Église catholique, provoquée par les nouveautés des hérétiques, a toujours fait par les décrets de ses conciles, et rien de plus : ce qu’elle avait reçu des ancêtres par l’intermédiaire de la seule tradition, elle a voulu le remettre aussi en des documents écrits à la postérité, elle a résumé en peu de mots quantité de choses et, le plus souvent pour en éclaircir l’intelligence, elle a caractérisé par des termes nouveaux et appropriés tel article de loi qui n’avait rien de nouveau. N. 22, col. 669.

Et pourtant, à étudier de près le contexte, on s’aperçoit que restreindre le progrès de la tradition à un simple perfectionnement d’expression, peut cire même de concept, c’est demeurer en deçà de ce que nous décrit Vincent dans le n. 23 : c’est un progrès de vie organique qu’il découvre dans la vie du dogme ; un progrès analogue à celui de la vie humaine : « Quelque différence qu’il y ail entre l’enfance dans sa fleur et la vieillesse en son arrière-saison, c’est un même homme qui a été adolescent et qui devient vieillard : c’est un seul et même homme dont la faille et l’extérieur se modifient, tandis que subsiste en lui une seule et même

nature, une seule et même personne. (, . progrès, qui est quelque chose de plus qu’un progrés dans l’expression, et que l’exposé de l’auteur nous fait soupçonner, n’est pas défini d’une façon bien précise. Vincent se contente de dire que ce progrès existe.

Sous cette réserve que ce progrès constitue vraiment pour la foi un progrès et non une altération : le propre du progrès étant que chaque chose s’accrotl en demeurant elle-même, le pi o pie île l’altérai Ion étan ! qu’une chose se t ransfonne en une autre. Donc, que croissent et que progressent largement l’intelligence, la science et la sagesse, tant celle des individus que celle de la oolleeth hVé, tant oelle d’un seul homme que celle de l’Église toul entière, scion les Ages et selon les texes. Mali < condition qui exactement

selon leur nature particulière, c’e I (Mitre dans le même dogme, dans le même sens, dans la ml me pensi e, In sue tiiimtii.rni pi in n-, in eodem tctllcei doçmale, todetn sensu, rwirnuiiif mntentia. N. 23, ool. 868.

Cette dernière phrase de l’auteur a pour ainsi dire été canonisée par le concile du Vatican, sess. iii, c. iii, Denz.-Bannw., ri. 1800. Elle a néanmoins besoin d’être expliquée et précisée. Ce sera l’œuvre des théologiens postérieurs au concile du Vatican, lequel, en adoptant la formule de Vincent, l’a signalée à la sagacité des théologiens de la tradition.

V. CONCLUSION GÉNÉRALE SDR LA DOCTRINE DES

pères. — On a pu suivre la courbe de l’enseignement patristique sur la tradition : il sera utile d’en retracer brièvement le dessin.

1° Les écrits des premiers Pères manifestent l’existence d’un enseignement qui s’alimente à la fois à la révélation du Christ, aux prophètes de l’Ancien Testament, à la prédication des apôtres. Les Pères s’efforcent de maintenir intact cet enseignement, de le défendre contre les attaques des adversaires : les uns exposent la foi d’une manière simple et vigoureuse (Didachè, Ignace, Polycarpe, Justin, Papias) : les autres, recourent à une méthode plus savante (Clément, Barnabe). Les premiers s’intéressent surtout au dépôt légué par le Christ et les apôtres aux Églises et garanti par un magistère vivant ; les seconds, toul en reconnaissant la valeur de cette tradition, scrutent surtout les Écritures à l’aide d’une gnose qui n’est qu’une connaissance plus approfondie de la foi. Le problème de la tradition se distingue déjà de celui de l’Écriture ; mais, par Écriture, on entend encore uniquement la Loi et les Prophètes qui ont précédé le Christ. L’enseignement du Christ et des apôtres est la doctrine évangélique transmise dès l’origine et qui se trouve dans les écrits apostoliques et autres. Sous ce rapport, la distinction entre Écritures apostoliques et tradition n’est encore qu’en germe. Les organes de la tradition naissante sont multiples : apôtres itinérants, prophètes, docteurs, porteurs de charismes d’une part ; d’autre part, hiérarchie stable. Au début du iie siècle, Ignace d’Antioche concentre déjà toute l’autorité dans Févêque unitaire. Les Églises apostoliques jouissent d’un prestige particulier, notamment l’Église de Pierre et de Paul, « présidente de la charité ». La succession ininterrompue des évêques est la meilleure preuve de l’intégrité de la foi de ces Églises : on peut donc dire que la règle suprême de la foi, c’est déjà l’Église elle-même.

2° Cette idée persiste dans la période suivante : l’Église apparaît toujours comme l’organe communiquant aux tidèles d’une manière intacte la vérité reçue du Christ et des apôtres. Mais le problème des sources est devenu plus complexe : on se réfère sans doute à la tradition des Églises qui transmet l’enseignement des apôtres, mais on place désormais les Écritures apostoliques (Nouveau Testament) à côté des Écritures prophétiques (Ancien Testament). De plus, la notion de tradition a pris un relief plus accentué ; ne fallait-il pas demeurer avec les origines en un contact d’autant plus étroit qu’elles S’éloignaient davantage dans le passe ? On commence donc à étudier les rapports de la tradition à l’Écriture et, chez les auteurs du ni*’siècle. on trouve l’affirmation nette d’une réelle subordination de l’Écriture à la tradition. Les nécessités d i la

polémique antiarienne obligeront les I eus du i v’siècle à remettre en un relief plus marque la sainte Écriture ; mai., au fond, il n’y a aucune modification essentielle à la doctrine généra le.

Les Pères du nie siècle définissent l’organe de la ira dilion : l’éplscopat, qui détient la principale autorité doctrinale. On justifie cette autorité pai la succession apostolique et déjà dans une certaine mesure, par l’assistance du Saint-Esprit. Certains auteurs présen tint <es vérités d’une maniera simple et dl (Innée, l’Église de Rome par la plume de Clément, Hlppolyte, Tertulllen encore catholique), lune-met