Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/654

Cette page n’a pas encore été corrigée
1293
1294
TRADITION. PÈRES LATINS


Sans doute, Augustin admet la tradition comme simple transmission de pratiques d’origine apostolique, par exemple, les cinquante jours qui suivent la fête de Pâques et dans lesquels on chante l’alleluia, Serm., cclii, n. 9, t. xxxviii, col. 1176 ; les rites d’aspersion, d’exorcismes, d’insufllation qui s’emploient au baptême, De nupt. et conc, t. II, n. 50, t. xliv, col. 465 ; ou encore la célébration annuelle des fêtes de la passion, de la résurrection, de l’ascension du Sauveur et de la descente du Saint-Esprit. Epist., liv, n. 1, t. xxxiii, col. 200. Mais il s’attache également, et avec plus de fréquence et de force, à la valeur doctrinale des traditions qui nous apportent, d’une manière orale, la révélation faite aux apôtres. C’est ainsi que, dans la seule tradition, il trouve une raison suffisante d’affirmer plusieurs dogmes, en sorte que, par la tradition antérieure, les hérétiques sont déjà condamnés avant qu’on ne les réfute. Cont. Julianum, t. II, n. 34, t. xliv, col. 698. Le dogme du péché originel, qu’enseigne suffisamment la pratique traditionnelle de baptiser les petits enfants pour leur ouvrir le ciel. De bapt., t. IV, n. 30, t. xliii, col. 174 ; Cont. Julianum, t. I, n. 22 ; t. xliv, col. 655 ; t. VI, n. 11, 22, col. 829, 835 ; De nupt. et conc, t. I, n. 22 ; t. II, n. 50, col. 426 et 465 ; In ps. L, enarr., n. 10, t. xxxvi, col. 591 ; Serm., clxv, n. 7, t. xxxviii, col. 906 ; clxxv, n. 7, col. 943 ; clxxvi, n. 2, col. 950 ; De peccat. mer. et remiss., t. I, n. 34-36, t. xliv, col. 128 ; Cont. duas epist. pelag., t. II, n. 6, 7, col. 575, 576 ; t. IV, n. 6, col. 613 ; Epist., xciv, n. 42, t. xxxiii, col. 889. Le dogme de l’efficacité du baptême conféré par les hérétiques, qu’enseigne, quoi qu’en pense Cyprien, la pratique traditionnelle de ne pas rebaptiser ceux qui viennent de l’hérésie. De bapt., t. V, n. 37, t. xliii, col. 194 ; cꝟ. t. II, n. 12, col. 133. Le dogme du purgatoire, renfermé dans la pratique traditionnelle de prier pour les défunts. Serm., clxxiii, n. 2, t. xxxviii, col. 936-937.

3. Règles pour discerner la tradition véritable.

On a dit plus haut, col. 1286, qu’à partir du ve siècle le recours à l’autorité des Pères prend un développement considérable : ce qui est vrai aussi bien dans l’Église latine que dans l’Église grecque. Sous ce rapport comme sous tant d’autres, saint Augustin est un initiateur. Mais son génie ne pouvait se contenter d’acclimater le fait du recours à la tradition patristique ; il en a tracé les règles précises, qui permettent de discerner les vraies traditions s’imposant à la foi ou à l’obéissance des fidèles. Sans doute, ces règles ne se lisent pas en toutes lettres dans ses œuvres, mais elles s’y trouvent formellement et Bossuct a su leur donner un exposé didactique qui ne trahit en rien la pensée d’Augustin. Ces « principes » sont au nombre de quatre.

a) « Le premier principe de saint Augustin est qu’il n’est pas même absolument nécessaire d’entrer en particulier dans la discussion des sentiments de tous les Pères, lorsque la tradition est constamment établie par des actes publics, authentiques et universels, tels qu’étaient, dans la matière du péché originel, le baptême des petits enfants pour la rémission des péchés, et les exorcismes qu’on faisait sur eux avant que de les présenter à ce sacrement, puisque cela présupposait qu’ils naissaient sous la puissance du diable et qu’il y avait un péché à leur remettre. Bossuct, Défera* de la tradition et des saints Parcs, part. II, t. VIII, c. n. Voir De preedesl. sanct., n. 27, P. L., t. xliv, col. 980 ; Cont. Julianum, t. I, n. 14, col. M9, et surtout, I. VI, n. 11, col. 829. La plupart dM textes cités en faveur du principe même de la tradition pourraient être invoqués. Voir ci-dessus.

b) Le second principe : quand, par abondance de droit, on voudra entrer dans cette discussion parti culièrc, Il y a de quoi se contenter du témoignage de l’Église d’Occident. Car, sans encore présupposer dans

cette Église aucune prérogative qui la rende plus croyable, c’est assez à saint Augustin qu’il fût certain que « tous les Orientaux étaient chrétiens, qu’il n’y « eût qu’une foi dans toute la terre et que cette foi « était la foi chrétienne » ; d’où ce Père concluait « que cette partie du monde devait suffire à Julien pour le convaincre ; non qu’il dût mépriser les Grecs, mais parce qu’on ne pouvait présupposer qu’ils eussent une autre foi que les Latins, sans détruire l’Église en la divisant. » Bossuet, Id., ibid., c. n. Voir Cont. Julianum, t. I, n. 13 et 14, col. 648-649 : Non est ergo cur provoces ad Orientis anlistites ; quia et ipsi utique christiani sunt, et utriusque partis terrarum fides ista una est ; quia et fides ista christiana est ; et te certe occidentalis terra generavit, occidentalis regeneravit Ecclesia. Mais de plus, il faut reconnaître que l’Église d’Occident a l’honneur d’avoir à sa tête le premier siège du monde et « saint Augustin ne manquait pas de faire valoir en cette occasion cette primauté, lorsque, citant après tous les Pères le pape saint Innocent, il remarquait « que s’il était le dernier en âge, il était le premier par « la place, poslerior lempore, prior loco ». Bossuet, loc. cil. Voir Cont. Julianum, loc. cit., n. 13, col. 648.

c) « Le troisième (principe), pour en venir aux Orientaux que saint Augustin n’estimait pas moins que les Latins, c’est que, pour en savoir les sentiments, il n’était pas nécessaire de citer beaucoup d’auteurs. » Id., ibid., c. iv. Un docteur, comme saint Grégoire de Nazianze « est un si grand personnage, qu’il n’aurait pas parlé comme il l’a fait, s’il n’eût tiré ce qu’il disait des principes communs de la foi que tout le monde connaissait, et qu’on n’aurait pas eu pour lui l’estime et la vénération qu’on lui a rendue, si l’on n’avait reconnu qu’il n’avait rien dit qui ne vînt de la règle même de la vérité que personne ne pouvait ignorer ». Cont. Julianum, loc. cit., n. 15, 16, col. 649-650. Pour Augustin, un seul docteur, éminent par sa réputation et sa doctrine, suffit donc pour faire paraître le sentiment de tous les autres. Et cependant, par abondance de droit, dans la question du péché originel, il y joint encore saint Basile. Loc. cit., col. 650-651.

d) Quatrième principe. — « Pour juger des sentiments de l’antiquité, le quatrième et dernier principe de ce saint est que le sentiment unanime de toute l’Église présente en est la preuve ; en sorte que, connaissant ce qu’on croit dans le temps présent, on ne peut pas penser qu’on ait pu croire autrement dans les siècles passés. » Bossuet, loc. cit., c. v. Ainsi Augustin fait appel aux quatorze évêques d’Orient et aux autres du concile de Diospolis, « qui auraient tous condamné Pelage s’il n’avait désavoué sa doctrine, qui, par conséquent, l’avaient condamnée et tenaient la foi de tout le reste de l’Église et servaient de témoins, non seulement de la foi de l’Orient, mais encore de celle de tous les siècles passés ». Bossuet, loc. cit. Ainsi, c’est la conclusion de saint Augustin, « si toute la multitude des saints docteurs, répandus par toute la terre, convenaient de ce fondement très ancien et très immuable de la foi », on ne pouvait croire autre chose « dans une si grande cause, in lam magna causa, où il va de toute la foi, ubi christianæ religionis summa consistit, sinon qu’ils avaient conservé ce qu’ils avaient trouvé, qu’ils avaient enseigné ce qu’ils avaient appris, qu’ils avaient laissé à leurs enfants ce qu’ils avaient reçu de leurs pères : Quod invenerunt in Ecclesia, lenuerunt ; quod didicerunt, docuerunt ; quod a palribus acceperunt, hoc filiis tradiderunt. Cont. Julianum, t. I, n. 34 ; t. II, n. 34, col. 665 et 698.

4. Esquisse d’une théologie du magistère.

Les catégories modernes de magistère ordinaire et de magislèrc extraordinaire ne sont pas encore détermine < s par Augustin. Néanmoins il pose déjà les bases d’une telle eiijssitlcation.