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TRADITION. PÈRES GRECS DU I V « SIÈCLE


/II. DOCTRINE POSITIVE DES PÈRES GRECS SVR

la tradition. — 1° Pères grecs du IV siècle. — Ce serait une erreur de penser que les Pères excluent toute source d’enseignement autre que l’Écriture. Les Pères grecs du ive siècle, en particulier, « ont le sentiment un peu confus d’un développement qui s’accomplit à leur époque dans la théologie ecclésiastique. Des dogmes sont mis en lumière, celui de la divinité du Saint-Esprit, par exemple, des formules sont adoptées, comme rôfAOGOcnoç, des usages liturgiques et rituels prévalent et se multiplient, dont l’Écriture ne fait nulle mention, ou qu’elle n’enseigne que d’une façon incomplète et obscure. Il faut cependant les justifier, et cette nécessité amène nos auteurs à insister sur un enseignement distinct de l’Écriture et parvenu des apôtres jusqu’à nous. C’est la TrapâSoou ; aypacpoç twv àirocrrôXcov, tûv na~ê pwv, dont les apôtres et leurs successeurs se sont servis pour nous transmettre ce qu’ils n’ont point confié à l’Écriture ». J. Tixeront, Histoire des dogmes, Paris, 1924, t. ii, p. 14-15.

1. Eusèbe de Césarée.

Cet auteur mérite une place à part, non comme théologien, mais comme témoin de la tradition. Son Histoire ecclésiastique, en effet, apporte à l’existence d’une tradition doctrinale dans l’Église de précieux témoignages.

Elle rappelle qu’Ignace d’Antioche exhortait les chrétiens d’Asie à se tenir très fermement aux traditions des apôtres et voulait que son propre témoignage servît à les fixer par écrit pour en transmettre à la postérité une connaissance plus certaine. Hist. eccl., III, xxxvi, 4, P. G., t. xx, col. 288BC. Plusieurs évêques des iie et ine siècles, Hégésippe, Denys de Corinthe, Méliton et Irénée, ont fixé pour l’avenir dans leurs écrits la véritable foi de la tradition apostolique. Hist. eccl., IV, xxi, col. 377 B. Bien plus, Hégésippe a rappelé en cinq livres la pure tradition de la prédication apostolique. IV, viii, 2, col. 321 B.

Tout en citant ces témoignages, Eusèbe ne manque pas de manifester lui-même son profond respect pour la tradition qui continue l’enseignement des apôtres. Il emprunte à Irénée un texte où l’Église d’Éphèse est appelée « un témoin véridique de la tradition des apôtres. III, xxiii, 4, col. 257 A. D’Apollinaire de Hiérapolis, il cite un passage où cet auteur reproche à l’hérésiarque Montan d’avoir prophétisé en opposition avec l’enseignement traditionnel et avec l’usage ancien de l’Église. V, xvi, 7, col. 465 C-468 A. Polycrate, évêque d’Éphèse, expose au pape Victor la tradition de son Église touchant la fête pascale. V, xxiv, 1, cꝟ. 6, col. 494 A, 496 A. Il rappelle également que Clément, successeur de Pierre, a pu attester l’enseignement du Sauveur pendant neuf années. III, xxxiv, col. 285 D288 A.

Tout le c. i er de l’Histoire serait à lire : Eusèbe y invoque les « successions » (SiaSoxâç) des apôtres, l’enseignement écrit ou oral de la parole de Dieu au cours des temps qui se sont écoulés, les attaques que cette doctrine a subies de la part des adversaires, les luttes supportées par les martyrs pour attester la véritable foi. I, i, n. 1 et 2, col. 48 B-49 A ; cf. n. 4, col. 52 A.

Dans la Démonstration évangélique, i, 8, P. G., t. xxii, col. 76 B, Eusèbe parle de la doctrine et des préceptes transmis, partie par écrit, partie oralement, sous cette dernière forme, en vertu d’un droit non écrit. Lors de la crise arienne, après avoir d’abord refusé son adhésion à la formule nicéenne — c’était surtout l’homoousios qui le scandalisait — il finit par souscrire à la doctrine proposée et la fit promulguer dans son Église, affirmant que telle est « la foi de l’Église et la tradition des Pères ». S. Athanase, De décret., n. 3, P. G., t. xxv, col. 420 D.

2. Saint Athanase († 373) est très explicite. Dans la lutte contre l’arianisme, ses appels à la tradition sont fréquents.

Se dégageant des subtilités philosophiques, Athanase invoque contre les ariens le grand courant de l’enseignement traditionnel. Toute sa démonstration consiste à faire appel à une doctrine qui a été « transmise des Pères aux Pères », tandis que les ariens, nouveaux juifs, disciples de Caïphe, sont incapables d’exhiber en faveur de leurs propos l’autorité du moindre Père. De décret., n. 27, P. G., t. xxv, col. 465 CD. La doctrine définie à Nicée, c’est la foi de toute l’Église que les Pères ont formulée en des expressions capables de condamner l’hérésie arienne. ld., n. 27, col. 468 A. Enseignement traditionnel et foi de l’Église, c’est tout un pour Athanase, qui unit ainsi en une même considération les deux aspects, objectif et formel, de la tradition.

Un passage de la première lettre à Sérapion met ainsi en relief l’autorité de la tradition qui fonde dans l’Église la croyance en la divinité du Saint-Esprit : tradition qui part du début du christianisme et qui s’identifie avec l’enseignement et avec la foi de l’Église universelle. Le Seigneur est lui-même à son origine, î)v ô [ièv Kùpioç eSwxsv, et elle nous est parvenue par la prédication des apôtres, prédication que nous ont conservée les Pères. On remarquera ici les expressions mêmes dont se servait Irénée. Mais Athanase ajoute un trait nouveau : c’est en cette tradition, cette doctrine, cette prédication que l’Église a été fondée, èv tocût-j) yào t) sxxXtjctîoc TeOsjxeXtwTai ; et si quelqu’un s’en écarte, « il ne lui est plus possible de se dire en aucune façon chrélien ». Epist. i, ad Serapionem, n. 28, P. G., t. xxvi, col. 593 CD. C’est après avoir formulé ces principes que le docteur alexandrin aborde l’exposé de la foi en la Trinité. Dans sa conclusion, il insiste encore sur la nécessité d’y reconnaître la foi de l’Église, parce que le Christ, en envoyant ses apôtres, leur a fait un commandement de poser, comme fondement à l’Église, leur enseignement : « Allez, enseignez toutes les nations, etc. » Matth., xxviii, 19, col. 596 B ; cf. Ad Adelphium, n. 6 : T) 8è à7ïoaToXix7) TOxpâSoaLç SiSâaxet, col. 1080 B ; Ad episcopos, n. 1, t. xxv, col. 225 AB.

La tradition, c’est donc la foi que l’Église enseigne pour l’avoir reçue des apôtres et qui est la norme de la vérité. En face des « inventions » des adversaires, il suffit d’affirmer ces quelques mots : « Telle n’est pas la foi de l’Église catholique, telle n’est pas la foi des Pères. » Epist. ad Epict., n. 3, t. xxvi, col. 1056 B. Cette foi, l’Église ne la décrète pas, elle la déclare seulement : le concile de Nicée a fait lui-même cette différence. La jour de la célébration de la Pâque a été l’objet d’une décision : sSoÇsv ; mais la foi en la Trinité fut promulguée comme la foi existant dans l’Église universelle : oûtwç morcàst r, xa60Xix-rj’ExxX7)<7L<x. Doctrine apostolique aussi, puisque les Pères n’ont fait que rappeler l’enseignement des apôtres, toojt’'ècrriv ônrep èSîSa^av ot àuôaToXot. De syn., n. 5, col. 688 CD. La foi catholique est donc celle que les apôtres ont transmise par les Pères, èx tôv àTrocTTÔXwv Stà To>v ITaTÉptov. Epist. n ad Serap., n. 8, col. 620 C.

Les ariens peuvent se condamner eux-mêmes, parce qu’ils sont en contradiction avec ceux qui les ont précédés et qu’ils ont faussé la tradition des Pères. De syn., n. 6, col. 689 A ; cf. n. 7, col. 689 G. Leur nom seul montre qu’ils ne sont pas du Christ, dont les vrais disciples portent le nom de « chrétiens ». Ado. arianos, orat., i, n. 1-2 ; iii, n. 28, P. G., t. xxvi, col. 15-16, 384 A. Ainsi l’enseignement de l’Église est la règle de la foi ; elle est la doctrine même qui règle notre croyance. Orat., ii, n. 34, col. 220 A. L’Église n’a pas