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    1. TRADITION##


TRADITION. CONTROVERSISTES DU IV* SIÈCLE

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Avant d’aborder la question doctrinale de la tradition non écrite chez les Pères du iv » siècle, il est donc nécessaire de résoudre un problème préjudiciel : en quel sens ces Pères ont-ils proclamé la suffisance des Écritures ?

1. Tout d’abord, il ne faut pas s’attarder aux affirmations générales qui ne font qu’exalter l’autorité souveraine des Écritures : c’est là, en effet, une affirmation courante dans l’enseignement catholique. On ne peut pas ne pas être pleinement d’accord avec un Athanase qui, réfutant la prétention des ariens de ne vouloir accepter que des textes scripturaires, commence par confesser, lui aussi, que « les signes et les indications de la vérité doivent être pris dans les Écritures, parce qu’ils s’y rencontrent plus parfaits qu’ailleurs ». De décret., n. 32, P. G., t. xxv, col. 476 A ; cf. Epist. ad episc. JEgypti et Libyse, n. 4, ibid., col. 548 A. De même, quand Chrysostome recommande de ne pas chercher d’autre maître que l’Écriture, qui contient les paroles divines, c’est par exclusion de tout autre maître ou de tout autre écrit d’autorité purement humaine.

2. Si les Pères parlent, dans un sens purement affirmatif, de la plénitude et de la suffisance de l’Écriture, non seulement ils n’excluent pas, mais ils supposent et l’autorité d’un magistère se succédant à travers les âges pour diriger notre connaissance de la révélation, et l’existence d’une tradition objective nécessaire à l’exacte interprétation de l’Écriture. Leur doctrine sur ce point continue exactement celle des Pères des trois premiers siècles. L’Écriture est donc suffisante, mais à condition d’être expliquée et développée ; par là-même, la tradition reprend ses droits ; ou bien, si elle est proclamée suffisante, c’est qu’il s’agit d’une suffisance relative à l’exposé de vérités déterminées, que contestent les hérétiques, ou même à la connaissance d’un point particulier de la doctrine catholique.

Quand Athanase, par exemple, parle de la suffisance de l’Écriture, Orat. cont. génies, n. 4, il s’empresse d’ajouter qu’il est excellent de recourir aux enseignements des saints maîtres, « afin de comprendre plus parfaitement les Écritures et d’arriver ainsi peut-être à la connaissance qu’on désire ».

Dans le De doctrina christiana, toc. cit., Augustin n’entend pas, sous le nom de f foi », l’intégralité des doctrines révélées, ni sous le nom de « mœurs » tous les préceptes de la morale chrétienne. Il s’agit uniquement des vérités principales, contenues dans le symbole, explicitement connues ou enseignées, ainsi que de l’espérance des biens éternels et de l’amour de Dieu et du prochain en général, dont il avait traité dans le 1. I". Or, dans ce 1. I er, on trouve cette affirmation, assez surprenante au premier abord, mais qui montre bien le point de vue auquel l’auteur s’est placé : Homo flde, spe et charitate subnixus… non indiget Scripturis nisi ad alios instruendos. N. 43, col. 46. D’ailleurs, Augustin affirme la nécessité de corriger les interprétations fausses de l’Écriture, t. I, n. 41, col. 34 ; il reconnaît l’existence de passages obscurs et difficiles, I. II, n. 7, 8, col. 38-39 ; la nécessité de commencer par les choses claires, avant de procéder à l’étude et à la discussion des choses obscures. N. 14, col. 42. C’est de l’autorité de l’Église que nous vient le canon des Livres Saints. N. 12, col. 40-41. Rien qu’Augustin semble, dans tout le traité, ne faire appel qu’aux moyens humains pour l’intelligence de l’Écriture, il faut se souvenir de l’avertissement donné à la fin du I. I CT. Pour la saine Intelligence de l’Écriture, il faut le cœur pur, la conscience droite et une fol sans déformation, cf. I Tim., i, 5. Or, pour tout ce qui concerne la foi, c’est dans d’autres ouvrages qu’Augustin en a parlé : inutile donc d’y revenir Ici. N. 44, col. M.

Ce simple avertissement réserve toutes les doctrines complémentaires de l’Écriture, y compris tradition et magistère.

Dans le texte cité du commentaire de Chrysostome sur la IIe aux Thessaloniciens, l’intention de l’orateur est d’exhorter les auditeurs non seulement à venir entendre le sermon à l’église, mais encore d’y écouter avec attention la lecture des prophéties, des épîtres, de l’évangile. Chrysostome suppose donc des auditeurs déjà instruits des vérités essentielles : « Tout ce qui est nécessaire » n’équivaut pas ici à toute la vérité révélée, pas même aux vérités dont la connaissance explicite est requise. Le « nécessaire » en question n’est autre que les conditions exigées pour que les fidèles puissent recueillir, pour leur édification, un fruit réel de l’audition ou de la lecture des Livres saints, ou tout au moins qu’ils y trouvent un point de départ « pour pouvoir interroger touchant les autres vérités, obscurément présentées, Ta yàp oaçTJ oISaç, ïva nepï twv àaa<pâ>v cpcoTT^ç ». Col. 485.

Le passage du Commonitorium de Vincent de Lé* rins ne présente aucune difficulté, car il n’est peut-être même, dans l’esprit de l’auteur, qu’une objection à résoudre : Hic forsitan requirat aliquis, cum sil perfectus Scripturarum canon sibique ad omnia satis superque su/ficiens, quid opus est ut ei ecclesiaslicse intelligentise jungatur auctoritas ? L’Écriture est suffisante pour réfuter les allégations des hérétiques que Vincent vise à cet endroit. N. 2, col. 640. Mais cependant, contre les mêmes hérétiques, il note que la foi peut être défendue de deux façons, primo scilicet divines legis (Scriplurœ) auctorilale, tum deinde Ecclesise calholicæ tradilione. Et il ajoute la raison pour laquelle la tradition est nécessaire : Quia Scripturam sacram pro ipsa sua altiiudine non uno eodemque sensu universi accipiunt…, ideirco multum necesse est propter letntos tam varii erroris an/ractus, ut prophetiese et apostolic.se interpretationis linea secundum ecclesiaslici et catholici sensus normam dirigatur. ld., col. 640. Aussi, pour que l’Écriture puisse être dite suffisante, il faut que nous interprétions le divin canon (des Écritures) secundum uniuersalis Ecclesiæ traditionsm et juxta catholici dogmalis régulas. N. 27, col. 674 ; cf. n. 22, col. 669.

3. Parfois, les Pères proclament la suffisance de l’Écriture par des expressions qui paraissent exclure toute autre espèce d’enseignement doctrinal. Seuls les écrits inspirés contiendraient le dépôt de la foi.

Il est facile de montrer que cette exclusion ne vise pas la tradition, source orale de vérités révélées, mais des écrits ou des faits dont les hérétiques déduisaient des conclusions contraires à la révélation de l’Évangile. Les sabelliens, les ariens (suri ou ! la faction eunomienne ) et d’autres encore s’appuyaient sur une fausse philosophie ; les donatlstes invoquaient certains laits humains favorables à leur cause ; les montanistes et les manichéens s’abritaient sous l’autorité de prophéties apocryphes ou de traditions mensongères. Pour réduire à néant ces prétentions inadmissibles, les Pères en appellent aux seules Écritures, excluant tout autre argument apporté par les hérétiques. Ainsi saint Athanase reproche aux ariens d’avoir déformé le sens des Écritures ; il faut en conséquence revenir au sens véritable des Livres saints. In illud Matlh.. xi, 27 : Omnia mihi tradita sunt a Pâtre meo, n. 1, P. G., t. xxv, col. 210 sq. L’Écriture seule suffit à les convaincre d’erreur. De sententia Diongsii, n. 2, ibid., col. 482 A. Parfois aussi, pour défendre leur cause, les hérétiques soulevaient des questions très secondaires, faite. île bagatelles et d’obscurités. Très sagement, les IVies, sans s’occuper de ces faits accessoires, s’en tenaient aux seules Écritures dont les hérétiques reconnais* saient également l’autorité, pour prouver les vérités révoquées en doute par leurs adversaires.