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TRADITION. CONTROVERSISTES DU IVe SIÈCLE


de fort claires qui doivent diriger notre foi. II, xxviii, en entier, col. 804 sq. De plus, il faut interpréter les Écritures d’après la tradition conservée dans l’Église. III, iv, col. 855 sq. ; cf. iii, 3, col. 850 B.

Les règles d’interprétation de Tertullien sont apparentées à celles d’Irénée. Il reproche aux hérétiques de s’appuyer sur des textes ambigus et mensongèrement disposés. De prsescr., xxvii, P. L., t. ii, col. 40 A. Or, les textes incertains et ambigus doivent s’expliquer par l’ensemble des passages clairs et concordants qui constituent la materia ou régula. Et cette doctrine, matière ou règle, c’est la doctrine même que l’Église transmet, « l’ayant reçue des apôtres, les apôtres du Christ et le Christ de Dieu ». De presser., xxxvii, voir ci-dessus, col. 1266.

Il n’y a d’ailleurs aucune contradiction à dire d’une part que l’Écriture (incertaine) s’interprète par l’Écriture (certaine) et que l’Écriture s’interprète à l’aide de la tradition, qui souvent confère à l’interprétation scripturaire une garantie de vérité.

Clément d’Alexandrie adresse à l’exégèse des hérétiques les mômes reproches qu’Irénée et que Tertullien. Cf. Strom., VII, xvi, P. G., t. ix, col. 541, 544. L’enseignement du Sauveur est consigné dans les Écritures. Slrom., VI, xv, col. 356 C. Mais les Écritures sont remplies de mystères profonds : leur intelligence est le privilège du parfait gnostique qui, dans l’étude du texte, conserve la rectitude (ôpOo-rojiia) apostolique et catholique des dogmes. Strom., VII, xvi, col. 544 ; cf. VI, xiii, col. 328.

Origène oriente fréquemment sa méthode d’interprétation vers le sens spirituel ; il déclare expressément que cette méthode est fondée sur « la tradition apostolique » ou sur « le consentement unanime des Églises ». De princ, t. I, præf., 7, 8, P. G., t. xi, col. 119 B. Si les hérétiques présentent les textes des Écritures pour appuyer leurs erreurs, « on ne doit pas les croire ni délaisser la tradition primitive et ecclésiastique et ne point admettre que les Églises de Dieu nous les ont transmis autrement que par succession ». In Matth., ser. 46, t. xiii, col. 1667 D.

4. Par la tradition orale, sont connues des vérités que ne renferme pas l’Écriture. — Il ne semble pas que les premiers Pères aient admis que des doctrines de foi proprement dite soient sans fondement scripturaire. Cette idée subsistera d’ailleurs assez fréquemment dans son expression chez les Pères de l’âge subséquent. Voir col. 1277sq. Toutefois Clément d’Alexandrie et Origène ont un avis différent. L’objet de la gnose est, pour Clément, les &.ypa.(p<x. transmis par succession ; mais, même pour Clément, cet objet dépasse la foi et la tradition des Églises. Voir ci-dessus, col. 1269. Si Origène admet une science « supra-scripturaire », il n’en fait pas l’objet d’une tradition. Cela est encore confus. Ces auteurs « n’ont pas souligné le caractère non écrit d’une vérité qui est devenue, en théologie, le type de la tradition orale ». Van den Eynde, op. cit.. p. 275.

C’est plutôt en matière de culte et de discipline que l’idée d’une tradition non écrite s’est affirmée dès le début. La Didachè présente les usages des Églises comme « doctrine du Christ, transmise aux nations par les apôtres » (titre). Saint Irénée rapporte à l’âge apostolique les coutumes du jeûne pascal, la célébration de la Pâque, certains usages liturgiques des fêtes de la résurrection et de la Pentecôte. Fragm., 3, P. G., t. vii, col. 1229, et 7, col. 1233. Origène, parmi les pratiques reçues dans l’Église, énumère l’usage de baptiser les enfants, la manière de prier et de communier, le rite baptismal, etc. : ce sont « des traditions reçues du grand-prêtre qu’est le Christ et de ses fils que sont les apôtres ». In Num., hom. v, n. 1, P. G., t.xii, col. 603 C ; cf. In Rom. comm., v, n. 8. 9, t. xiv, col. 1038 C, 1040 B, 1047 B ; In Leu., hom. viii, n. 3,

t. xii, col. 496. Pour Denys d’Alexandrie, la célébration des dimanches est également une tradition apostolique, Ad Dasilidem, trad. Conybeare, dans Journal o theol. studies, t. xv, 1914, p. 438. Toutes les pratiques cultuelles et disciplinaires sont présentées comme dérivant des apôtres par la Tradition apostolique d’Hippolyte, la Didascalie des apôtres et les Canons ecclésiastiques des apôtres.

Tertullien est le seul auteur qui affirme clairement que ces traditions sont non écrites. Aux soldats il défend de porter la couronne, au nom de la tradition qui, « si elle n’est fixée par aucun texte scripturaire, est en tous cas confirmée par la coutume ». De cor., iii, P. L., t. ii, col. 78 C. Prévoyant l’objection qu’on ne peut avancer une tradition sans une autorité écrite, il explique longuement par divers exemples comment une tradition non écrite peut se justifier et il conclut : « Il est manifeste qu’une tradition même non écrite peut se défendre dans la pratique, pourvu qu’elle soit confirmée par la coutume, témoin qualifié, en vertu de la continuité de la pratique, de la légitimité de la tradition. » Ibid., iv, col. 80 AB. Cette explication marque, dans la pensée de Tertullien, un progrès sur le De spectaculis, iii, t. i, col. 633, 634. Dans la controverse baptismale, il est évident que la pratique recommandée par les deux partis en présence, était considérée comme non écrite. Voir ci-dessus, col. 1271. L’auteur de la Didascalie distingue son enseignement de celui des Écritures et il le présente cependant comme apostolique. Didascalie, xxi, 87, trad. Nau, p. 165 ; cf. xx, 85, p. 160. Les Canons apostoliques font ainsi parler saint Pierre : « Les Écritures enseigneront ce qui se rapporte au reste des ordonnances ; quant à nous, exposons ce qui nous fut commandé. » Can. eccl., 15. Schermann, Die allgemeine Kirchenordnung, frùhchristliche Liturgien und kirchliche Ueberlieferung, dans Studien zur Geschichle und Kultur des Altertums, fasc. 1, Paderborn, 1914, p. 23-24.

2° Chez les Pères du IVe siècle. — À l’inverse, en raison de la défense du dogme contre les hérésies naissantes, dont les fauteurs se réclamaient de l’Écriture, les Pères du ive siècle, tant grecs que latins, semblent accorder à l’Écriture sainte une place non seulement prépondérante, mais exclusive, dans l’enseignement de la doctrine révélée : « Les Écritures saintes et inspirées, écrit saint Athanase, suffisent à la définition de la vérité. » Oral, contra gent., 1, P. G., t. xxv, col. 4 A. « N’attends pas d’autre maître, déclare saint Jean Chrysostome, tu possèdes les paroles de Dieu ; nul ne t’instruira comme elles. » In epist. ad Col., hom. ix, n. 1, P. G., t. lxii, col. 361. Et encore : « Tout est clair et droit dans les divines Écritures ; elles nous font connaître tout ce qui est nécessaire. » In epist. II ad Thess., hom. iii, n. 4, ibid, col. 485. Saint Basile entend bien trancher par l’Écriture les difficultés provenant des divergences entre les coutumes et les traditions diverses. Epist., clxxxix, n. 3, P. G., t. xxxii, col. 688 A ; cf. De fide, 1, 2, t. xxxi, col. 677, 678. De son côté, saint Cyrille de Jérusalem affirme qu’en ce qui concerne les vérités à croire, « rien ne doit être enseigné sans les saintes Écritures ». Cal., iv, 17, P. G., t. xxxiii, col. 476-477.

Les latins fourniraient facilement des exemples analogues : « En ce qui est clairement enseigné dans les Écritures, dit saint Augustin, nous trouvons tout ce qui concerne notre foi et la discipline de notre vie, inveniuntur illa omnia quæ continent (idem moresque vivendi. De doctr. christ., t. II, c. ix, n. 14, P. L., t. xxxiv, col. 42. Un peu plustard, Vincent de Lérins présente le canon des Écritures comme se suffisant amplement à lui-même pour toutes choses : Sibique ad omnia satis superque sufficiens. Commonitorium, 2, P. L., t. l, col. 640.